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[Avignon 2024] On a assisté à la répétition du “Close Up” de Noé Soulier

[Avignon 2024] On a assisté à la répétition du “Close Up” de Noé Soulier



Une faible lumière baigne le studio du Centre national de danse contemporaine d’Angers ce jour-là. Pourtant, à l’extérieur, c’est grand beau temps. Mais au plateau, une autre intensité se fait jour, portée par un sextet de danseur·ses. Close Up, création en cours, marque pour Noé Soulier une nouvelle étape dans une trajectoire parfaite. Une approche entre écriture et improvisation, un ensemble musical, Il Convito, dirigé par Maude Gratton, et l’usage de l’image, enfin.

Le chorégraphe n’a cessé de nous surprendre – et parfois, de nous perdre. Après avoir étudié la danse et obtenu un master en philosophie à la Sorbonne, Noé Soulier a multiplié les expériences de Performing Art à Beaubourg jusqu’au film Fragments. Ses pièces ont à voir avec la mémoire, celle des interprètes comme du public. Sous nos yeux, le mouvement prend encore une autre approche. “J’essaye de trouver un endroit chorégraphique ni complètement abstrait ni complètement narratif”, témoigne Noé Soulier.

Articulation chorégraphique

Des actions pratiques comme “éviter, frapper, lancer” sont ainsi détournées de leur finalité. Il s’agit de créer une forme d’expressivité non narrative. Ici une épaule pointée, là une jambe tendue, retournée. “On travaille avec beaucoup de choses qui concernent le centre du corps. Cela amène une certaine sensualité à partir de cette articulation chorégraphique.” L’usage de la caméra – dans une autre partie de Close Up – vient confirmer le centre comme un tout. “Les phrases de mouvement étaient très écrites dans mes précédentes pièces. Au point d’avoir l’impression de rentrer dans un automatisme compositionnel. Avec cette part d’improvisation, j’entends déjouer les automatismes de l’un par l’autre”, confie l’auteur-chorégraphe. En duo ou en solo, les répétitions s’étirent dans un climat apaisé, seulement trouées des rires de Nangaline Gomis. Avec, à ses côtés, Julie Charbonnier, Samuel Planas, Mélisande Tonolo, Gal Zusmanovich et Yumiko Funaya, dernière complice de Soulier depuis quelque temps, il·elles forment un ensemble tout en harmonie.

“Je demande aux interprètes des choses très difficiles. Ils donnent beaucoup d’eux-mêmes, d’un certain point de vue, leur intimité chorégraphique est mise en jeu. Je dois, par conséquent, créer un espace dans lequel ils se sentent en sécurité, lâche le chorégraphe. Si on veut qu’un danseur aille loin dans la recherche, soit vous optez pour un état de choc, le sortant de sa zone de confort, ce qui est un peu la méthode traditionnelle – et je trouve cela violent, on obtient autant qu’on annule –, soit vous arrivez à partager la curiosité. Et vous avez un danseur qui se surprend lui-même. Cela devient passionnant. Voilà comment je veux travailler avec eux. Il s’agit d’un chemin de confiance que nous empruntons. Après tout, cela n’est pas si courant dans la vie.”

Danse et vidéo

Avant la pause, il faut s’activer à trouver des genouillères, prendre un instant pour visionner un extrait, être dans un dialogue permanent avec l’équipe, dont les musicien·nes d’Il Convito présent·es à Angers. Noé Soulier a fait, cette fois, le choix de Bach, avec des pièces appartenant à L’Art de la fugue. Le compositeur allemand est sans doute l’un des plus prisés des chorégraphes. D’Anne Teresa De Keersmaeker à Dominique Bagouet, de Trisha Brown à Alain Platel, il·elles sont nombreux·ses à avoir pris ce risque. Noé Soulier cite volontiers une pièce de William Forsythe, The Vile Parody of Address, dans laquelle Bach est joué par Glenn Gould.
“Il y a un côté intemporel avec Bach, dans la plupart de ses œuvres. Lorsque vous écoutez Scarlatti, vous êtes dans le baroque, Schumann, dans le romantique ; mais avec Bach, c’est autre chose. On pourrait même imaginer que cela a été composé à une autre époque que la sienne. J’aime son abstraction dans la polyphonie. Ce qui est prenant chez Bach tient à ce génie structurel, presque mathématique, et tout autant à quelque chose d’émouvant. Comme une union des contraires. Dès lors, le point de rencontre, c’est peut-être le geste.” Noé Soulier, plus jeune, a appris le clavecin, “un répertoire que je peux jouer, il m’est très intime”.

Close Up est, dès lors, riche de toutes ses expériences. L’usage de la vidéo n’est pas la moindre. Une façon de relier des perceptions visuelles différentes dans un espace commun. Un cadre resserré, une caméra, un écran. Et la danse, comme capturée dans la toile. Le soleil décline sur les quais de la Loire. On s’éclipse. Du mouvement plein les yeux.

Close Up, conception et chorégraphie Noé Soulier, à l’Opéra Grand Avignon, du 15 au 20 juillet à 18 h (relâche le 18).



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Author : Philippe Noisette

Publish date : 2024-07-11 09:14:58

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