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“La Voix du Lac” avec Natalie Portman : que vaut l’adaptation télévisée du best-seller ?

“La Voix du Lac” avec Natalie Portman : que vaut l’adaptation télévisée du best-seller ?



“I’m feeling good” (“Je me sens bien”). Tels sont les derniers mots prononcés dans La Voix du lac, conquis de haute lutte. Des mots chantés, à la tonalité douce-amère assumée, pour conclure l’histoire de deux trentenaires en miroir dans l’Amérique de 1966. L’une, Maddie (Natalie Portman) est une femme juive en rupture de ban avec son mari, l’autre, Cleo (Moses Ingram), est une femme noire entre plusieurs petits boulots. Elles ne se connaissent pas, appartiennent à deux mondes très différents dans la même ville de Baltimore, mais le meurtre horrible d’une petite fille déclenche une forme de rapprochement entre elles. 

Ce rapprochement, qui est aussi celui de deux figures minoritaires, appartient avant tout à la fiction. Car elles ne se voient littéralement pas : lors de leur première et presque unique rencontre, Maddie cherche une robe et jette son dévolu sur celle que porte Cleo, qui travaille en tant que modèle vivant dans une vitrine de grand magasin. Pendant la très grande majorité de la saison, la série organise un va-et-vient, un genre de swing – la métaphore musicale est volontaire : tout ici est habité par la musicalité – entre l’une et l’autre, alors que leurs vies sont montrées en écho, dans un montage parallèle permanent. 

Une émancipation à conquérir

Maddie quitte son mari et cherche à intégrer un journal local, ce que l’affaire de la mort de la petite fille rend possible, tandis que Cleo se sépare, elle aussi, de son mec et tente d’échapper à un destin écrit à l’avance, une forme d’invisibilité que lui valent son genre et sa race, dans les bas-fonds. Visuellement, la série utilise souvent de longues focales, des objectifs qui permettent de montrer un personnage de près tout en restant à distance, créant ainsi un effet d’enfermement, voire d’écrasement. La Voix du lac paraît utiliser ce motif pour mieux souligner que ses héroïnes sont deux femmes surveillées, presque traquées, non pas par des personnes en particulier, mais par le monde, qui fait du moindre geste vers leur émancipation un territoire à conquérir. 

Créée et réalisée par l’Américano-Israélienne Alma Har’el, La Voix du lac est l’adaptation en sept épisodes d’un roman de Laura Lippman, déjà responsable de plusieurs livres sur Baltimore (Baltimore Blues, L’Inconnue de Baltimore) et épouse de David Simon, créateur de The Wire, à laquelle la série fait écho, non seulement en situant son récit dans la même ville avec des thématiques proches, mais en utilisant l’acteur Wood Harris (Avon Barksdale dans The Wire) dans un rôle pas si éloigné de celui qu’il occupait dans la série culte de HBO. 

Un trio de comédiennes de haut vol

Très dense, parfois franchement surchargée dans sa recherche de style, La Voix du lac finit par trouver sa singularité. Non pas dans l’intrigue de polar, aussi touffue qu’attendue, mais dans sa vision de l’intériorité des héroïnes. Les derniers épisodes, notamment le sixième, jouent même une carte hybride où se croisent réalisme social et onirisme. Comme si Maddie et Cleo, au moment où elles voient leur vie glisser sous leurs doigts, pouvaient se créer un monde rêvé, avant de retourner la réalité sur elle-même.

Pour cet apaisement un peu tordu qu’elle déploie, sa manière de faire sortir la fiction de ses gonds, La Voix du lac mérite le détour, surtout qu’elle est portée par des comédiennes d’une intensité rare : Natalie Portman, très bien en femme au foyer tout à coup dévorée par le désir, Moses Ingram, qui retient ses effets en permanence pour mieux les laisser exploser quand il le faut, et même la géniale Mikey Madison, star de la dernière Palme d’or cannoise Anora, dans un second rôle qu’elle rend attachant en un éclair.

La Voix du Lac de Alma Har’el avec Natalie Portman, Moses Ingram, Y’lan Noel. Disponible sur Apple TV +



Source link : https://www.lesinrocks.com/series/la-voix-du-lac-avec-natalie-portman-que-vaut-ladaptation-televisee-du-best-seller-625201-25-07-2024/

Author : Olivier Joyard

Publish date : 2024-07-25 20:52:29

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Tags :Les Inrocks