Vendredi 26 juillet, en France – On serre les fesses. Les alertes des grands quotidiens parlent d’une dégradation du réseau SNCF. Le pays est bloqué. 800 000 voyageur·euses restent sur le carreau, cherchent des solutions. Le traffic ne devrait pas revenir à la normale avant la fin du week-end. Les lignes TGV seraient touchées. Il s’agirait d’une opération coordonnée aux quatre coins du territoire. C’est flou. Aucune revendication, mais certain·es évoquent déjà les méthodes de sabotage de l’ultragauche anarchiste, d’autres accusent les Russes.
Dans le même temps, des météorologistes relayés ci et là annoncent une pluie apocalyptique sur la capitale, qui pourrait compromettre la cérémonie d’ouverture des JO de Paris. “Ras-le-bol de tous ces peines-à-jouir qui n’ont pas du tout envie que l’on puisse célébrer quelque chose ensemble”, disait Anne Hidalgo en mai dernier. “Ah ! ça ira, ça ira, ça ira”, aurait-elle pu chanter aussi, du haut de son perchoir du Conseil de Paris, au risque de dévoiler l’un des plus beaux tableaux de cette cérémonie. On y reviendra.
Il ne pleut que sur les cons
N’en déplaise aux “peines-à-jouir” et autres rapaces de mauvais augure, la grande fête concoctée par le metteur en scène Thomas Jolly et ses adjoints (Daphné Bürki aux costumes, Victor Le Masne à la direction musicale, Maud Le Pladec aux chorégraphies) aura bien eu lieu, sous la flotte certes, mais au-delà de toutes nos espérances. De toute façon, il ne pleut que sur les cons et ce vendredi 26 juillet, les réacs étaient trempé·es de la tête aux pieds. Cette même extrême droite qui a parlé d’offensive woke à la vue de drag queens revisitant La Cène de Leonard De Vinci (alors qu’il s’agirait en réalité d’un clin d’œil aux fêtes des dieux de l’Olympe, dixit Jolly) et d’un Philippe Katerine, presque à poil, grimé en Dionysos bleu, distillant un message de paix et d’hédonisme. “Les premiers athlètes étaient nus”, confiait le musicien au micro de BFM TV, avant de rajouter : “Et d’ailleurs, où cacher un revolver, quand on est tout nu ?” Une évidence.
Loin de s’atteler à l’érection d’un doigt d’honneur brandi à la face de la frange la plus mortifère de l’échiquier politique, Thomas Jolly et ses équipes ont au contraire exalté, dans une surenchère de joie, d’excès et d’émotions, une France qui s’aime à travers les âges et dans sa diversité. Et pour cela, il fallait sortir du train-train des cérémonies de stade, investir la ville et ses monuments, dynamiter cette idée ressassée que Paris est une ville-musée, figée dans une histoire fantasmée et poussiéreuse. Chez Marion Maréchal, outrée par un tel décloisonnement, la France est comme la maman de Norman Bates : momifiée dans un grenier lugubre. Chez Thomas Jolly, elle est éclatée, mouvante, diverse, le regard tourné vers demain.
Redonner vie aux monuments
Ainsi, tandis que les délégations de chaque pays défilaient à rythme régulier sur la Seine, les monuments (et les institutions qu’ils incarnent) se sont animés, comme après une danse de la pluie : c’est Aya Nakamura qui a surgi de l’Institut de France (siège de l’Académie française), accompagnée par la Garde républicaine ; c’est la BNF qui s’est transformée en théâtre d’un triangle amoureux contemporain, convoquant Edmond Rostand, Alfred de Musset autant que François Truffaut ; c’est la Conciergerie, lieu de détention de Marie-Antoinette, qui a pris feu sous les coups de butoir de Gojira. Le groupe de métal français a ainsi repris le chant révolutionnaire Ah ! ça ira, entonné en premier lieu par la Reine décapitée depuis la fenêtre de sa cellule, dans une scène de grand guignol à feu et à sang (littéralement).
Autres moments forts : la chanteuse lyrique Axelle Saint-Cirel qui reprend une Marseillaise crépusculaire au sommet du Grand Palais, Guillaume Diop sur le toit de l’Hôtel de Ville ou encore Juliette Armanet accompagnée de Sofiane Pamart au piano, à la dérive sur un bout d’astéroïde transformé en radeau de fortune, interprétant Imagine de John Lennon. Même cette vision de Céline Dion reprenant Piaf sur la tour Eiffel (pas aussi haut que PNL mais quand même) restera longtemps dans les mémoires.
Liberté
Une vision, c’est justement ce que nous a offert Thomas Jolly. Ces tableaux ont été vus par un milliard de personnes à travers le monde, ébahies de cette liberté formelle, désinhibée et décomplexée, alors que le poids de l’histoire et des divisions qui parcourent le pays auraient pu plomber l’événement. Tous·tes ébahi·es ? De Viktor Orbán à Vladimir Poutine, on pointe du doigt la décadence occidentale. Ailleurs, en censure les scènes supposément blasphématoires. Qu’importe. Un certain esprit français a embrasé le siècle, surplombant l’espace d’un instant l’époque comme le ballon portant la vasque olympique dans le ciel de Paris.
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Author : François Moreau
Publish date : 2024-07-29 13:05:51
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