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Entre cinéma et peinture, l’histoire de l’expressionnisme allemand exposée à Lodève

Entre cinéma et peinture, l’histoire de l’expressionnisme allemand exposée à Lodève



En tant que mouvement esthétique, l’expressionnisme allemand des années 1920 se rattache essentiellement au cinéma, tant les films emblématiques de Robert Wiene (Le Cabinet du docteur Caligari), F. W. Murnau (Nosferatu le vampire), Paul Wegener (Le Golem) ou encore Fritz Lang (Metropolis, M le Maudit) ont marqué de leur empreinte l’histoire des images.

Mais comme le suggère l’exposition au musée de Lodève, Psychoses : L’Expressionisme dans l’art et le cinéma, le cinéma allemand de l’entre-deux-guerres n’a pu se déployer que dans une sorte de continuité avec la peinture expressionniste qui le précédait.

Héritage pictural

Dès le début du XXe siècle, un nouveau mouvement artistique, fasciné et effrayé à la fois par les rythmes de la ville et de la modernité, se déploie en Allemagne à travers deux groupes distincts qui défient le style académique : Die Brücke (“Le Pont”), incarné par Nolde, Kirchner ou Heckel, et Der Blaue Reiter (“Le Cavalier bleu”), représenté par Kandinsky et Jawlensky.

C’est bien cet héritage pictural qu’assument les cinéastes dans les années 1920, et que se propose d’éclairer l’exposition pensée par Maximilian Letze, insistant sur l’idée selon laquelle l’expressionnisme en tant que mouvement culturel révolutionnaire a toujours cherché “à unir l’art et la vie, à abolir la séparation des arts”.

Au fil du parcours, des peintures, dessins et gravures de peintres incontournables du mouvement (Alexej Jawlensky, August Macke, Erich Heckel, Otto Dix, Emil Nolde…) sont confrontés à des extraits de 12 films célèbres, dont Metropolis, Le Dernier des hommes, Nosferatu le vampire ou Le Cabinet du docteur Caligari, afin de saisir le poids des correspondances et affinités qui relient la peinture et le cinéma de ces années-là.

Extrait du “Cabinet du docteur Caligari” de Robert Wiene, 1920, source : Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung, Wiesbaden

“Avec ses contours appuyés, ses lignes obliques et sa touche dynamique, l’art expressionniste cherche à faire le portrait de la face cachée de la réalité”, explique dans le catalogue de l’exposition l’historienne Kristina Jaspers, conservatrice à la Deutsche Kinemathek. “L’expressionnisme cinématographique, de dix ans son cadet, suit en visualisant les parts d’ombre de la vie intérieure, les cauchemars, les peurs, les traumatismes de la société après-guerre.”

Ces affinités se jouaient autant sur un plan formel qu’au niveau des sujets qui préoccupaient les artistes, confronté·es à de grandes transformations sociales. L’expérience traumatique de la Première Guerre mondiale, mais aussi les nouvelles découvertes sur la psyché grâce à la psychanalyse nourrissent un espace d’expression concentré en particulier sur la folie et la déchirure intérieure de l’individu.

La réalité telle qu’elle menace d’être

Dans son essai L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1936), Walter Benjamin établissait déjà une analogie entre la technique de la caméra, avec ses plongées et contre-plongées, ses coupes et plans de détail, qui initie à “l’inconscient optique”, et la psychanalyse, qui ouvre un accès à “l’inconscient pulsionnel”. Le monde prêt à se déliter : l’expressionnisme cinématographique et pictural naît de cette angoisse de la déréliction.

À l’image du film Le Cabinet du docteur Caligari, les artistes ne représentent pas la réalité telle qu’elle est, mais telle qu’elle menace d’être ; tous·tes les peintres et cinéastes jouent des contrastes entre la lumière et l’obscurité, abusent des lignes fuyantes, des perspectives basculantes, des contours coupants, des physionomies disharmonieuses, des gestes exagérés. “L’expressionnisme cinématographique, décalé d’une dizaine d’années par rapport à l’expressionnisme pictural, l’a imité en permettant de visualiser la face cachée de l’expérience intérieure, des cauchemars, des angoisses et des traumatismes de la société d’après-guerre”, rappelle Kristina Jaspers.

D’un plan de Murnau à un portrait de Nolde, d’une lithographie de Macke à une image de Lang, d’un extrait de Nosferatu à un dessin de Kollwitz, où la mort s’empare d’une femme, l’expressionnisme nous éblouit ici à la mesure de la cohérence de ses motifs et de ses obsessions, esthétiques et mentales, sombres et lumineuses.

Psychoses : L’Expressionnisme dans l’art et le cinéma, Musée de Lodève, jusqu’au 15 septembre.

Extrait de “Nosferatu le vampire” de Friedrich Wilhelm Murnau, 1921, source : Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung, Wiesbaden / “La mort s’empare d’une femme”, Käthe Kollwitz, 1934, Stadtmuseum Tübigen



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Author : Jean-Marie Durand

Publish date : 2024-08-07 10:41:30

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Tags :Les Inrocks

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