“Plutôt que d’être pur, acceptez-vous nombreux.” Décochée par le poète pugiliste Arthur Cravan (dans sa légendaire revue Maintenant), cette injonction existentielle vient spontanément percuter l’esprit en visitant Il y a bien eu un futur, l’exposition consacrée en ce moment à Lucio Fontana par le musée Soulages.
Par-delà l’outre-espace
Élaborée en binôme par Benoît Decron, directeur du musée, et Paolo Campiglio, historien d’art contemporain, celle-ci rassemble près de 90 pièces (peintures, sculptures, céramiques, installations, dessins), en préférant un montage thématique à un traçage chronologique, et offre un parfait panorama synthétique du corpus composite de l’artiste italo-argentin.
Aujourd’hui, son nom évoque en général d’abord les toiles monochromes, aux couleurs souvent éclatantes, striées d’une ou de plusieurs lacération(s). L’une d’elles, d’un splendide bleu métallisé, a d’ailleurs été choisie comme affiche de l’exposition. Emblématiques de sa dernière période créatrice (les années 1960), devenues depuis des références iconiques de l’art contemporain, ces inépuisables œuvres béantes transpercent – plus ou moins – la surface de la toile et ouvrent vers un outre-espace, lequel fait forcément écho à l’outrenoir exploré si intensément par Pierre Soulages – les expositions temporaires du musée de Rodez étant toujours pensées en résonance avec le fonds permanent.
Exploration de l’espace
“Moi, je troue, l’infini passe ainsi par là. La lumière passe”, a déclaré Lucio Fontana dans un entretien en 1967 (un an avant sa mort). Principal instigateur du spatialisme, mouvement dont les bases ont été posées dans le Manifeste blanc (1946), il a placé toute sa recherche artistique, à partir de là, sous le signe de l’exploration de l’espace.
Il a ainsi généré une immense constellation de “concepts spatiaux”, des œuvres composées avec des techniques et matières diverses (terre cuite, peinture, lithographie, cuivre…), en y incorporant perforations, incisions et autres lacérations. S’ajoutent des “environnements spatiaux”, dont une splendide structure aérienne au néon. Conçue à l’origine pour la 9e Triennale de Milan (1951), elle a été reconstituée spécialement pour l’exposition et trône – suspendue au plafond – en plein cœur du parcours, serpentine autant que cristalline.
Vigueur expressive
Agrégation cubique de masse noire compacte et tortueuse, une fascinante Céramique spatiale (1949) ressort aussi de cette période. D’autres sculptures marquantes, en céramique ou en terre cuite, apparaissent dans l’exposition, notamment au début. D’une extrême vigueur expressive, tordant le sujet représenté à la façon de Francis Bacon, un Crucifix (1951) et un Guerrier (1953) frappent en particulier l’œil tandis que des Chevaux (1936) bichromes, en rose et noir, semblent hennir de plaisir tout au bord du kitsch. Non loin se détache, superbement épurée, une Sculpture abstraite (1954), en fer coloré sur base de bronze.
À la fois pétri de classicisme et épris d’avant-gardisme, oscillant sans cesse entre passé, présent et futur, Lucio Fontana a ainsi constitué une œuvre foncièrement irréductible, tendue vers l’infini, que cette exposition invite à (re)découvrir avec une pertinence remarquable.
Lucio Fontana – Il y a bien eu un futur, jusqu’au 3 novembre, musée Soulages, Rodez.
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Author : jeromeprovencal
Publish date : 2024-08-09 08:45:35
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