Régulièrement, toute l’année, sur les réseaux sociaux, des internautes publient des photos de Gena Rowlands, seule ou avec son époux John Cassavetes. Un couple glamour, mais glamour « middle class », indépendant, pas glamour hollywoodien ou « high society » – même s’ils travaillèrent tous les deux pour la Mecque du cinéma. Alors oui, on peut légitimement dire, sans mentir, sans exagérer, sans caricaturer, que Gena Rowlands était une icône.
Actrice/autrice
Mais c’était d’abord une grande actrice. Dans les films réalisés par son époux. Sept films ensemble dont les six dernier sont majeurs : Un enfant attend, en 1963, Faces (1968), Minnie et Moskowitz (peut-être la seule vraie comédie de Cassavetes, en 1971), Une femme sous influence (1974), Opening night (1977), Gloria (1980) et Love streams (1984). Mais nous couperons court ici au cliché sur la « muse » du grand homme. Rowlands est autant l’auteur de ces films que Cassavetes, par sa présence exceptionnelle, sa sincérité, sa capacité à passer du comique au tragique en un regard. Elle est mignonne comme une petite fille avec ses petits froncements de nez, Gena Rowlands, et c’est soudain un torrent de violence, de torture mentale, de passion. Une femme forte et faible à la fois. Une femme. Sa palette de jeu est immense.
Même si ces six films nous semblent essentiels, il fait s’attarder un peu sur Une Femme sous influence, qui est le chef d’oeuvre de Rowlands. Elle y incarne une femme borderline, mariée à un entrepreneur en bâtiment (Peter Falk), dépassé par les excès en tous genres, la furie de la femme qu’il aime. Il y a aussi quelque de Wanda de Barbara Loden (1970) dans ce personnage de femme perdue dans un monde trop fou pour elle.
Née à Cambria, dans un trou paumé du Wisconsin, en 1930, dans une famille d’origine galloise, Gena Rowlands monte à New York pour se former à l’actorat. Elle tournait déjà pas mal, au théâtre (classique et expérimental), dans des séries télé, avant de rencontrer John, en 1954, de se marier quelques mois après avec lui. Ils ont trois enfants, Nick, Alexandra, Zoe, qui ont hérité de leur père le métier d’artisan en réalisation de cinéma… Zoe a un jour raconté que leur père, fils d’un immigré grec né au Pirée, leur disait souvent : « Tous les jours, ne serait-ce que cinq minutes, faites quelque chose de créatif« .
Après la mort de Cassavetes, en 1989, à l’âge de 59 ans (le foie), elle continua à tourner. Elle avait de toute façon toujours travaillé avec d’autres cinéastes. Parmi ses films les plus notables : Une autre femme de Woody Allen, Seuls sont les indomptés de David Miller, Tony Rome est dangereux de Gordon Douglas, L’homme de Bornéo de Robert Mulligan, Light of day de Paul Schrader…
Emotion ultime
Peu à peu, elle s’était retirée, jouant de petits rôles, faisant des apparitions remarquées. Tous les festivals la réclamaient, et elle venait. Toujours classe, « Lady » (le prénom de sa père) Gena Rowlands !
Emotion ultime. Gena Rowlands, tuée par la maladie d’Alzheimer dont elle souffrait depuis quatre ans, selon son fils, Nick Cassavetes, était la dernière survivante du « rat pack » cassavetien : Peter Falk (disparu en 2011), Ben Gazzara (mort en 2012), Seymour Cassel (2012 aussi), John évidemment. Auxquels il faudrait ajouter le producteur et chef op Al Ruban, pièce essentielle de la bande et des films de Cassavetes, mais dont nous n’avons pas retrouvé la trace. Nous ne les oublierons pas, eux et les émotions qu’ils nous ont procurées.
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Author : Jean-Baptiste Morain
Publish date : 2024-08-15 11:20:19
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