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Et si on dansait nus ? Une nouvelle tendance clubbing à Paris

Et si on dansait nus ? Une nouvelle tendance clubbing à Paris



L’aspect insolite de la scène en elle-même peut amener à sourire : et si la nuit tombée, aux abords du quartier des Halles, des Parisiens et des Parisiennes se retrouvaient pour danser nu·es ? S’il·elles n’avaient qu’à ouvrir les portes d’un club connu de tous·tes, à descendre des escaliers en béton et à ôter leurs vêtements pour faire la fête, enveloppé·es dans une énergie inédite, galvanisante ? Et si, malgré les corps, la nudité, la sueur, la proximité et l’extase du moment, se dessinait contre toute attente une ligne à ne pas franchir ? C’est le pari audacieux de la Beautiful Skin, soirée unique en son genre, qui réinvente l’expérience du clubbing et dissocie nudité et sexualité.

Tout commence il y a quelques années, lorsque Jérémie se lance dans l’organisation d’apéros naturistes privés. Face à une demande toujours plus forte et à une communauté qui s’agrandit, il a l’idée d’allier ses deux violons d’Ingres, le clubbing et le naturisme. Naît alors la Beautiful Skin, qui vagabonde de lieu en lieu pendant plusieurs années avant de définitivement poser ses bagages au Klub, à Châtelet, dans le Ier arrondissement de Paris. À l’entrée, on se dirige vers des vestiaires de fortune, installés là pour l’occasion, où l’on se déshabille intégralement (à l’exception des chaussures, et de la culotte pour les personnes ayant leurs règles), on range ses effets personnels (portefeuille, téléphone portable) dans un sac, et c’est parti : il n’y a plus qu’à danser.

“La Beautiful Skin n’est pas orientée vers la recherche d’une consommation sexuelle” Lou, artiste et habituée de la soirée

Une coupure avec le monde extérieur et un dépouillement qui, selon Jérémie, plongent les client·es “dans un état de vulnérabilité qui les rend plus attentifs et attentionnés vis-à-vis des corps et des autres. Ça fait aussi partie de l’expérience d’être dans l’instant et pas en permanence reliés à l’extérieur, de ne pas pouvoir se cacher derrière son téléphone. On ne s’y croise ni ne s’y touche de la même manière”. Dans l’imaginaire collectif, l’association naturisme-boîte de nuit traîne pourtant assez inconsciemment tout un cortège d’idées reçues selon lesquelles le sexe serait par défaut impliqué.

C’est là que la Beautiful Skin détonne : “Tout comportement à caractère sexuel et contraire aux valeurs naturistes […] entraînera une expulsion immédiate et définitive”, peut-on lire dans le règlement. Une directive plutôt banale pour n’importe quel établissement festif, mais qui sonne tout de suite plus baroque lorsqu’elle est associée à un événement naturiste. Selon Lou, artiste et habituée de la soirée qui s’y est initiée au naturisme, “sa réussite tient justement à ceci : elle n’est pas orientée vers la recherche d’une consommation sexuelle”.

À la Beautiful Skin, les rencontres se font et se défont. On s’y séduit jusqu’à s’y embrasser, on y danse jusqu’à se coller, et la fièvre ambiante et contagieuse finit par engendrer des points de tension de haute volée : des frottements, des tétons durcis, des érections incontrôlées, “auxquelles on finit par ne même plus faire attention tant c’est secondaire”, nous dit Jérémie… Une façon de plonger notre corps dans un état de lâcher-prise où les sens sont anesthésiés autant que stimulés.

Rencontres d’après minuit

Le concept rassemble deux audiences plus ou moins distinctes : un public qui vient du clubbing et s’essaie au naturisme, et un autre qui vient du naturisme et s’essaie au clubbing. À ce titre, le lieu se divise en deux étages. Le premier, qui propose une ambiance festive et accessible, passe de la pop, de la house, ou encore du new disco, tandis que le second, au sous-sol, vibre au rythme de sonorités plus alternatives, allant de la techno au kuduro. Un mélange des genres qui charrie un public des plus hétérogènes.

En tant que physio à l’entrée, chargé de faire rentrer, ou non, les visiteur·ses et de les informer de la teneur de la soirée, Elio voit passer toutes sortes de profils : des hommes gays souvent, des groupes de femmes parfois, beaucoup de personnes trans, mais aussi un grand nombre de quinquagénaires, vraisemblablement hétéros et adeptes de longue date du naturisme. “Certains viennent d’autres villes – on a même eu des clients venus de Belgique exprès pour la soirée”, se souvient-il. Un cocktail de populations qui donne parfois lieu à de folles situations, qu’aucun autre club ne peut se targuer de connaître : “Lors d’une de nos dernières éditions, on a eu une femme de 70 ans qui fêtait son anniversaire. C’était génial de la voir danser à poil sur de la techno dans une cave parisienne, entourée de personnes qui pouvaient avoir le tiers de son âge !”

Voyage temporel

Parfois, la Beautiful Skin se délocalise pour s’essayer à des formats en journée et en extérieur. C’est lors de l’une de ces guinguettes qu’Elio raconte avoir même fait entrer une famille entière : “Elle venait sans savoir que l’événement de la journée était naturiste. On a un peu parlé avec eux pour leur expliquer le principe, notamment qu’il n’y avait rien de sexuel, et ils ont fini par rentrer avec leurs gamins. C’était très bon enfant !” À force d’interroger celles et ceux qui font et expérimentent la soirée, l’impression d’un retour à l’enfance revient à plusieurs reprises. “La nudité reconnecte avec un soi profond et une joie assez primale, une vraie euphorie enfantine et hyper-belle ; c’est presque religieux, un sentiment de pure communion”, abonde Jérémie.

Même chose pour Lou, dont l’expérience de la Beautiful Skin semble presque relever d’un voyage dans le temps : “Personnellement, cette soirée me rappelle mes moments d’enfance, d’amusement à danser nue, recouverte de mousse dans ma baignoire. Il y a ce parfum de l’enfance qui me revient, ce mélange d’innocence et de possible liberté, à l’âge où les codes sociaux autorisent la nudité des corps sans y poser autre chose que l’essence du naturel.”

Comment revenir à du clubbing plus classique après une telle expérience ? À en entendre certain·es, la transition se fait difficilement. C’est notamment le cas de Pamela, qui a fait ses débuts de DJ à la Beautiful Skin : “Je ne fais plus de soirées habillées depuis presque cinq ans. J’ai réessayé il y a deux semaines en allant au Yoyo et j’ai trouvé ça horrible ! Tout le monde est en noir, tout le monde fait la gueule, il faut danser d’une certaine manière et si on prend trop de place ou si on danse différemment, on se fait mal regarder… C’est tout le contraire de la liberté que je ressens avec la Beautiful Skin.” Une sorte d’elevated clubbing ? Possible.

En tout cas, Jérémie y voit l’avenir de la nuit, un “nouveau référentiel de ce que peut être la fête” : “Ça laisse des traces dans le vécu et dans la mémoire psychique des personnes, certaines viennent me voir pour me dire que ça tient presque de l’élévation spirituelle.” Révolutionnaire dans sa façon d’envisager les corps et de se déprendre des codes traditionnels du monde de la fête, la Beautiful Skin est peut-être bien le renouveau dont la nuit avait besoin. Pour le savoir, rendez-vous le 14 septembre prochain au Klub.

Le Klub, 14, rue Saint-Denis, Paris Ier.



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Author : Jolan Maffi

Publish date : 2024-08-23 17:00:00

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