S’il n’était pas chaussé de santiags et muni de multiples lassos accrochés à la ceinture, avec son perfecto rouge brodé de patchs assorti à un pantalon flare, le cowboy Louis Vuitton dessiné par Pharrell Williams pourrait passer pour un champion de Formule 1 rôdant dans son écurie de voitures.
En janvier, le directeur artistique de Louis Vuitton homme a décliné en 80 versions hybrides le motif du cowboy. Un défilé qui documentait les multiples détournements pop de cette figure depuis six décennies, comme le cowboy noir queer réinventé par Lil Nas X en 2018. Les recherches “tenue de cowgirl” et “tenue de cowboy” ont respectivement augmenté de 35 et 20 % aux États-Unis, et le hashtag “coastal cowgirl” (cowgirl de la Côte), relecture healthy, bohème, anti-queer et anti-parodique, se propage sur TikTok. Le succès de cette tendance plus girly que radicale a-t-il vidé l’esthétique western de toute charge érotique et politique ?
De Tom of Finland à Madonna
Si le combo Stetson-santiags se devine dans les tendances TikTok “vanille” (conventionnelles), il demeure un motif underground, qui s’inscrit dans une histoire de sexualités ostracisées. Dès les années 1950, l’illustrateur George Quaintance déshabillait le cowboy, qu’il représentait pantalon moulant et torse nu orné d’abdos saillants, ouvrant la voie au dessin homoérotique et parfois pornographique de l’artiste Tom of Finland. En insérant une lecture crypto-queer dans ses représentations d’archétypes virilistes tels que le cowboy ou le motard, ce dernier dénonçait les valeurs hétéronormées en vigueur. Sa représentation de l’homosexualité troublant les normes est encore mise à l’honneur dans la mode plus de cinq décennies plus tard, par J. W. Anderson chez Loewe ou Glenn Martens chez Diesel.
Le cowboy est également le véhicule d’une sexualité lesbienne et queer. Dans les années 1980, les pantalons ultra-moulants du héros américain habillent les bandes de filles aux cheveux courts et aux poitrines bombées des pages du fanzine queer et punk J.D.s, créé par Bruce LaBruce et la musicienne G. B. Jones. Sortant des cercles underground, les chaps (un vêtement composé de jambières fixées à une ceinture) deviennent pop lorsqu’elles sont portées par l’icône sexpositive Madonna, qui se pare d’une chemise moulante en cuir Dsquared2 pour la sortie de l’album Music et le clip de Don’t Tell Me, au début des années 2000, une époque où les chanteuses rejouent plutôt la lolita.
Charge sexuelle
Les jeux de décontextualisation des codes western n’ont cessé d’évoluer dans la pop, accompagnant différentes revendications du droit au corps érotique, que ce soit chez Lil Nas X, Troye Sivan ou Sam Quealy. Leurs performances trouvent désormais un écho sur les podiums de mode. Pour sa collection printemps-été 2023, Thom Browne hybridait notamment les figures du cowboy et du marin en en proposant une relecture entre codes BDSM et couture, avec un jockstrap apparent brodé d’ancres marines, assorti à des chaps.
“Continuer à érotiser le cowboy, c’est porter la voix de la communauté queer”, commente le créateur Francisco Terra, qui le détourne depuis 2018 de façons multiples, notamment dans son projet de manga queer Maldito. “Ces garçons de campagne existent dans beaucoup de pays, des gauchos du sud de l’Amérique latine aux vaqueros au Mexique. Je suis brésilien et cette figure est associée aux fêtes catholiques. C’est aussi le premier amour de beaucoup de garçons. Sortir avec le cowboy de la ferme de ses parents était un cliché.” Et de conclure : “Le métal des bottes, le bruit des chaps en cuir qui se frottent, tout cela nourrira éternellement l’imaginaire des créateurs et créatrices.”
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Author : Manon Renault
Publish date : 2024-08-23 06:00:00
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