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Adidas, Mango, Zara… Le monde de la mode s’emballe pour le lyocell

Une styliste coupe du tissu le 6 mars 2024 au centre de design El Hangar de la société Mango, à Palau-Solita i Plegamans, à 30 km au nord de Barcelone




Rares sont les usines qui portent encore le nom de leur village d’origine. C’est le cas de Lenzing, immense complexe de fabrication de pulpes de bois et de fibres textiles, qui jouxte depuis 1892 le petit bourg touristique éponyme, situé dans la région de Salzbourg en Autriche. Des cheminées qui crachent des nuages de vapeur d’eau, 1 800 tonnes de troncs engloutis chaque jour et l’équivalent de la consommation en électricité de la ville d’Orléans : le site évoque davantage la chimie lourde que le glamour de la mode.Pourtant, Lenzing est à la pointe de la fabrication du lyocell, une fibre blanche, vaporeuse comme de la barbe à papa, et fabriquée… avec de la pulpe de sapin ou encore d’eucalyptus. Transformer la cellulose pour s’habiller remonte aux années 1930 avec la viscose, qui exige certes du bois, mais aussi des produits chimiques – hydroxyde de sodium, acide sulfurique, disulfure de carbone –, toxiques pour la biodiversité.A contrario, l’élaboration du lyocell se veut plus durable. “On utilise effectivement un solvant, le méthylmorpholine-N-oxyde ou NMMO, reconnaît Claire Khoriaty, responsable du développement pour la France et la Belgique chez Lenzing. Mais en cycle fermé, ce qui permet d’en récupérer 99,8 %. Pour preuve, la production a obtenu la certification européenne Ecolabel, qui garantit le respect de l’environnement.”Le lyocell, “l’or blanc” de Lenzing”L’or blanc” du groupe Lenzing – 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires au global en 2023 –, commercialisé aux filatures sous la marque Tencel, “permet aux marques de diminuer de 10 % à 15 % leur empreinte carbone sur la fibre. De plus, les propriétés du lyocell sont constantes, ce qui le rend plus facile à filer que le coton”, assure Claire Khoriaty.Accusée d’émettre 4 milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an – soit davantage que le trafic aérien et maritime –, vilipendée pour un usage immodéré du coton, culture vorace en terre irriguée, critiquée, enfin, pour ses monceaux de déchets non recyclés, la mode se cherche une nouvelle virginité. Toujours en quête de matériaux plus écolos, Adidas, Mango, Zara, mais aussi Isabel Marant proposent robes, T-shirts ou pantalons en 100 % Tencel, ou mélangé à du coton et du lin. On en trouve même dans certaines sneakers chez Dolce & Gabbana et Camper.Pour séduire les créateurs, Lenzing assure broyer des grumes certifiées PEFC et FSC, deux labels qui garantissent une sylviculture durable. Enfin, Canopy, une ONG canadienne de défense des forêts anciennes ou menacées, classe le groupe parmi les fabricants les plus vertueux.Un coût environnemental inconnuLe lyocell, qui ne représente même pas 1 % de la production de fibres mondiales, encore dominée par le synthétique et le coton, attise les convoitises. La concurrence avec la Chine et Taïwan, où opère le rival Acegreen, est rude. Tout comme avec l’Inde, où le puissant conglomérat Aditya Birla manufacture aussi bien de l’aluminium, du ciment et de la viscose que du lyocell. Dans tous les cas, le processus industriel reste très énergivore, exigeant des volumes d’eau et de bois importants, deux ressources sensibles au réchauffement climatique.Et si cette étoffe miracle n’était qu’une vaste opération de greenwashing ? Le géant autrichien s’en défend : “Les fibres à la marque Tencel sont biodégradables dans le sol, l’eau douce et la mer.” Cette autodestruction prendrait moins de deux mois à une température de 28°. Hélas, malgré sa volonté de transparence, Lenzing ne rend pas publiques les données sur l’analyse de cycle de vie, qui permettraient d’évaluer les impacts environnementaux du lyocell, de sa fabrication jusqu’à la déchetterie. Or, ces éléments sont essentiels pour calculer le coût environnemental d’un achat et l’indiquer au consommateur.Des volumes encore modestes”Plutôt que de couper des arbres, il faudrait réutiliser davantage de vêtements usagés”, pointe Delphine Droz, fondatrice de La Belle empreinte et spécialiste de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) dans l’habillement. Une idée d’avenir puisque les Européens en jettent chaque année 4 millions de tonnes.Recycler, c’est exactement ce que promeut Lenzing avec la technologie Refibra, qui combine le bois avec 30 % de fripes déchiquetées pour obtenir du lyocell. Encore plus audacieux, le finlandais Spinnova utilise des résidus agricoles et même du cuir, afin de produire des fibres par un processus mécanique. Hélas, les volumes restent encore très inférieurs aux besoins. Les investissements sont lourds et les marges faibles. Lenzing a dépensé plus de 30 millions d’euros en recherche et développement en 2023, alors que les ventes de prêt-à-porter connaissent un passage à vide. C’est bien là que réside le hiatus : les progrès techniques avancent au rythme lent de l’industrie lourde, alors que la fast fashion vit – et sévit – dans l’urgence.



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Author : Marie Nicot

Publish date : 2024-08-24 09:00:00

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Tags :L’Express

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