Touché-coulé par la décision de l’Arcom, le 24 juillet dernier, de ne pas renouveler la fréquence TNT de la chaîne C8, mais probablement sauvé des eaux troubles après ses vacances à Saint-Tropez, Cyril Hanouna a subi cet été son premier vrai affront public, comme d’autres champion·nes trop sûr·es d’eux·elles tombent du podium olympique.
Bien qu’adulée par son public (ses “fanzouzes”), son émission longtemps intouchable, Touche pas à mon poste, a enfin été contestée par l’autorité de régulation à la mesure du problème qu’elle pose, défini par la sociologue Claire Sécail comme un “dispositif médiatique du populisme” (dans Touche pas à mon peuple, Seuil). “Registre verbal simple, identification à l’‘homme de la rue’, valorisation de l’inculture, stéréotypes sexistes, familiarité avec les invités” : en cherchant à faire corps avec le sens commun du peuple, dont il s’imagine le représentant, Hanouna incarne, autant que ses collègues de CNews, la dérive droitière de la télévision commerciale depuis plusieurs années.
La sanction de l’Arcom a ainsi rappelé à tous·tes ceux et celles qui ne voient TPMP que comme un simple spectacle (régressif pour certain·es, divertissant pour d’autres) à quel point le vrai scandale de l’émission réside dans son amplification d’un anti-intellectualisme de base et d’un antiparlementarisme ordinaire. Les cris d’orfraie des adeptes d’Hanouna, choqué·es par une soi-disant atteinte à la liberté d’expression, traduisent le piège dans lequel tombe à chaque fois la critique frontale du divertissement associée à une posture de censeur·es élitistes.
Rien ne pourra jamais en fait combler le décalage entre deux camps irréconciliables face à TPMP, dont l’apparence ludique et troupière ne trompe pourtant plus grand monde sur la dimension politique qui traverse le programme. En mettant, l’air de rien, TPMP au cœur d’une stratégie éditoriale visant à faire de ses médias le haut-parleur d’une vision du monde réactionnaire, sécuritaire et raciste, en phase avec Bardella, Ciotti et tutti quanti au RN, Bolloré protège Hanouna en dépit de tous ses débordements sanctionnés depuis des années. Le vrai danger pour un·e citoyen·ne n’est-il pas d’être mal informé·e plutôt que (bien ou mal) diverti·e ?
En dévoyant les principes élémentaires du débat public, en s’abritant derrière l’excuse du divertissement, le populisme hanounesque constitue bel et bien “une entreprise de désinformation qui sape les termes de la conversation sociale et menace par extension les fondations de la démocratie”, comme l’estime Claire Sécail. Une étude consacrée à la télévision italienne montrait récemment que la plupart des téléspectateur·rices exposé·es précocement aux chaînes de Silvio Berlusconi présentaient à l’âge adulte une moindre sophistication sur le plan cognitif et civique.
S’il est encore impossible d’affirmer que les jeunes publics de TPMP deviendront des adultes plus réceptif·ves aux rhétoriques populistes, le cas italien a de quoi inquiéter. Après avoir donné rendez-vous le 2 septembre à ses “chéris” sur une autre chaîne du groupe Bolloré, Cyril Hanouna peut compter sur le soutien de son patron, disposé à le sortir de ce naufrage en consolidant son équipage d’abruti·es sur un navire de son armada médiatique à la dérive.
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Author : Jean-Marie Durand
Publish date : 2024-08-24 17:00:00
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