La Mpox, anciennement appelée variole du singe, a été déclarée “urgence sanitaire internationale” par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) le 14 août. Il s’agit du plus haut niveau d’alerte que l’organisation peut mettre en place. Le but est de renforcer la lutte contre cette maladie en favorisant l’accès aux soins et aux vaccins dans les pays touchés.L’alerte a été lancée à la suite d’une flambée de cas d’un nouveau variant de cette maladie, le “clade 1b”. Apparu en République démocratique du Congo (RDC) en septembre dernier, il s’est depuis propagé dans plusieurs pays voisins, dont le Rwanda, le Burundi, le Kenya et l’Ouganda. Un cas a également été détecté en Suède au lendemain de cette annonce, preuve que la maladie peut se répandre au-delà de l’Afrique, comme redouté par l’OMS.La Mpox a été découverte pour la première fois chez des humains en 1970, dans l’actuelle RDC. Deux variants du virus existent, le premier, appelé “clade 1”, est présent en Afrique centrale. Le second, “clade 2”, est présent en Afrique de l’Ouest. Il s’agit des deux formes “classiques” de la maladie. Mais en 2017, puis fin 2023, deux nouveaux variants, le “clade 2b” puis le “clade 1b”, ont été identifiés. Mode de transmission, degré de transmissibilité, taux de létalité réel, efficacité des traitements disponibles… Ces souches d’apparition récente recèlent encore bien des mystères. Voici ce que les scientifiques savent déjà, et ce qu’ils cherchent encore à comprendre.Le réservoir animal reste inconnuMpox est une maladie infectieuse causée par un virus transmis à l’homme par des animaux infectés. Les chercheurs suspectent des rongeurs d’en être à l’origine. Il pourrait s’agir des écureuils de forêt ou du rat de Gambie. Mais le réservoir animal n’a pas encore été formellement identifié. D’après une étude publiée en 2021 par l’Institut Pasteur, l’histoire génomique du virus suggère de multiples introductions depuis des réservoirs animaux dans des forêts tropicales.Des travaux en cours pourraient permettre d’en savoir plus dans les mois qui viennent. “Le projet Panafpox 1, lancé en RDC, que nous soutenons, vise à effectuer des recherches dans la faune sauvage afin d’identifier le ou les réservoirs animaux de la Mpox. Pour l’instant, le suspect n° 1 est l’écureuil de forêt, mais il y en a probablement d’autres”, indique Eric D’Ortenzio, spécialiste de la Mpox et médecin épidémiologiste à l’ANRS MIE, une agence autonome de l’Inserm spécialisée dans les maladies infectieuses émergentes.Les modes de transmission ne sont pas tous identifiésSi les formes classiques de Mpox – clade 1 et 2 – se transmettent principalement par les animaux, elles peuvent aussi circuler entre humains, par contact physique étroit. Raison pour laquelle, initialement, la maladie touchait plus souvent des personnes en contact avec des animaux, qui contaminaient parfois les autres membres de leur famille, donnant lieu à de petits foyers d’infections sporadiques.Mais en 2017, des chercheurs ont découvert une nouvelle forme de la maladie au Nigeria, où sévit le “clade 2”. Elle s’est propagée en touchant quasi exclusivement les populations homosexuelles masculines. Lors de cette diffusion, le virus a muté et un nouveau variant, appelé “clade 2b”, est apparu. Il s’est ensuite diffusé dans de nombreux pays en 2022, dont la France, touchant encore une fois principalement les populations homosexuelles masculines. L’épidémie a été contenue et l’alerte de l’OMS a été levée en 2023.Fin septembre 2023, un nouveau variant appelé “clade 1b” a cette fois été identifié dans un important foyer dans le Sud-Kivu, une région minière dans l’est de la RDC. Une étude scientifique publiée en juin dans Nature medicine précise qu’il s’agit d’un virus qui se transmet avant tout par contact sexuel dans les populations à risque, en particulier les mineurs et les travailleurs – et surtout les travailleuses – du sexe locaux. Le “clade 1b” semble donc s’être adapté à l’homme, à la manière du “clade 2b”, expliquant que la transmission interhumaine soit bien plus soutenue qu’avec les souches classiques.Mais les chercheurs ne savent pas encore pourquoi le “clade 1b” touche cette fois-ci aussi les femmes. “Est-ce une caractéristique nouvelle du variant, qui serait plus transmissible sexuellement, ou est-ce que ce sont les conditions au Sud-Kivu, où des populations de mineurs et de travailleuses du sexe se côtoient, qui expliquent ce phénomène ?”, s’interroge le Dr D’Ortenzio. L’expert peut simplement proposer des hypothèses. Ainsi, il se pourrait que ce soient les évènements initiaux des premiers foyers qui aient dessiné l’épidémie. En effet, le “clade 2b” est arrivé en Europe par le biais de rassemblements LGBT. Le virus s’est, ensuite, principalement propagé dans cette communauté. Pour le “clade 1b”, il se pourrait tout simplement que ce soit le réseau de prostitution féminine et ses nombreux clients qui ont favorisé la propagation aux femmes.Ce qui est sûr, c’est que les “clades 2b et 1b” se transmettent par des contacts rapprochés, par exemple le fait de s’enlacer. Mais il n’est pas certain que la transmission se produise pendant la pénétration. C’est la raison pour laquelle les chercheurs parlent de “contacts sexuels” et pas “d’actes sexuels”. “Le virus a été isolé à partir d’échantillons de sperme, mais on ne sait pas encore si l’infection peut se transmettre par le sperme, les sécrétions vaginales, le liquide amniotique, le lait maternel ou le sang”, ajoute le Dr. D’Ortenzio.La nouvelle souche est-elle vraiment plus transmissible ?Les formes classiques de la Mpox, “clade 1” et “clade 2”, ont des R0 compris entre 0,5 à 0,6. Cela signifie que chaque nouvelle personne infectée et contagieuse va contaminer en moyenne 0,5 à 0,6 personne. Raison pour laquelle la plupart des foyers sporadiques intrafamiliaux finissent par disparaître d’eux-mêmes. Le “clade 2b”, qui a provoqué l’épidémie de 2022, se situe entre 1 et 2. Des mesures d’isolement et des campagnes de vaccination ont donc été nécessaires pour le contenir.Quant au “clade 1b”, les chercheurs suspectent qu’il soit plus transmissible que les souches classiques. Il a d’ailleurs déjà contaminé a minima plusieurs centaines de personnes à l’est de la RDC et s’est propagé à des provinces qui n’étaient pas touchées auparavant, à des pays voisins et un cas a même été détecté en Suède, chez un voyageur. Mais est-il plus transmissible que le “clade 2b” ? “Pour l’instant, les chercheurs restent prudents sur la transmissibilité, car pour l’évaluer, il faut calculer son R0, son délai d’incubation, l’intervalle intergénérationnel, etc. Or nous n’avons pas encore toutes ces données”, assure Eric d’Ortenzio. Des scientifiques travaillent sur ces questions, notamment ceux du projet Panafpox 2, également soutenu par l’ANRS MIE.La létalité dépend de la zone touchéeLa même question demeure concernant la létalité. Actuellement, elle est évaluée à 3,6 % en RDC. Mais un essai clinique mené par les National Institutes of Health (NIH), les instituts nationaux de la santé aux Etats-Unis, a montré que la mortalité descend à 1,7 %, soit une réduction de plus de la moitié, quand les patients sont correctement pris en charge, c’est-à-dire avec une nutrition adaptée, une bonne hydratation et des antibiotiques en cas de surinfections. “La mortalité est donc en grande partie liée à un manque d’accès aux soins et aux médicaments dans les régions reculées et pauvres de RDC”, souligne le Dr. D’Ortenzio.L’une des principales causes de décès du virus de la Mpox est liée à des surinfections cutanées bactériennes sévères, en particulier chez les enfants malnutris. La Mpox peut aussi s’avérer mortelle chez les personnes atteintes du VIH et mal prises en charge. Or, en RDC, 30 % de la population à risque, que sont les travailleurs du sexe, est touchée par le VIH. La quasi-totalité des morts européens lors de l’épisode épidémique de Mpox “clade 2b” de 2022 étaient, de fait, des hommes au VIH mal pris en charge. “Ce que l’on sait, en revanche, c’est que le clade 1 classique semble plus létal que le clade 2 classique”, ajoute le Dr. D’Ortenzio.Combien de personnes contaminées ?Une grande confusion règne actuellement sur le nombre de personnes touchées par le “clade 1b”. Certains parlent de quelques centaines, d’autres de plusieurs milliers. Et pour cause, il existe deux épidémies en cours en RDC : l’une liée au “clade 1” classique, et l’autre au “clade 1b”. Le problème, c’est que moins de 40 % des cas suspects sont testés afin de confirmer le variant, du fait d’un manque de disponibilité des tests dans les régions reculées. Les chiffres ne peuvent donc être qu’approximatifs.”Il n’empêche, les retours du terrain montrent que l’épidémie est en pleine croissance en RDC, que ce soit à l’est où la présence de 1b est confirmée, ou ailleurs. Et on sait que des pays voisins, et même la Suède, ont été touchés par ce variant”, indique le Pr. D’Ortenzio. En France, aucun cas de “clade 1b” n’a été détecté à ce jour. Mais depuis le début de l’année, il y a en moyenne 10 à 20 cas par mois de “clade 2b”.L’efficacité du vaccin probable, mais à démontrerA ce jour, il existe deux vaccins homologués et efficaces contre la Mpox. Il s’agit, en fait, de vaccins contre la variole – qui ont permis d’éradiquer cette maladie -, qui se révèlent efficaces contre Mpox grâce à un phénomène de réactivité croisée. Même s’il s’agit de deux maladies différentes, plusieurs études ont montré que la vaccination contre la variole “classique” était efficace entre 80 et 85 % pour prévenir la Mpox “clade 1”, et aussi “clade 2b”, et que le fait d’avoir été vacciné auparavant contre la variole permettait de réduire la gravité de la maladie.A priori, cette efficacité devrait être conservée pour la Mpox “clade 1b”, mais cela reste à démontrer, car le vaccin n’a pas encore été utilisé dans ce contexte épidémique. Et pour cause : aucun vaccin n’est encore arrivé en RDC, où se concentre la majorité des cas de “clade 1b”. “Nous nous disons tous qu’il n’y a pas de raison que les vaccins ne fonctionnent pas, mais cela doit être confirmé, et il n’est pas impossible que le pourcentage d’efficacité varie”, note Eric D’Ortenzio. L’alerte lancée par l’OMS doit notamment permettre de faciliter l’accès aux vaccins… et de répondre à cette question.Si la priorité doit aller aux pays les plus touchés, donc à la RDC, qu’en sera-t-il de la vaccination en France ? En 2022, lors de l’épidémie de Mpox “clade 2b”, les injections ont été préconisées aux personnes les plus exposées, soit les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Plus de 150 000 doses avaient été administrées. Les personnes nées après la fin de la vaccination obligatoire contre la variole (décidée en 1979 car la maladie avait été éradiquée) ont reçu deux doses. Celles nées avant ont reçu une dose de rappel. Toutes ces personnes sont donc probablement toujours protégées contre Mpox aujourd’hui, même si les chercheurs ne connaissent pas avec précision la durée d’efficacité du vaccin. Quoi qu’il en soit, les stocks de vaccins étant limités, il y a peu de chance que les autorités préconisent une vaccination à toute la population. Elles pourraient, en revanche, l’élargir à d’autres populations à risque, ou aux soignants.L’efficacité du Técovirimat remise en causeLe técovirimat a été approuvé en janvier 2022 par l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour le traitement de la variole simienne dans des circonstances exceptionnelles. Mais l’essai clinique en cours mené par les NIH américains vient de démontrer que ce médicament n’est pas efficace pas contre le “clade 1” pour réduire la durée des symptômes. L’ANRS MIE mène, de son côté, l’essai Unity, qui vise à déterminer si le Técovirimat est efficace sur le “clade 2” et “2b”. La réponse pourrait être connue d’ici quelques mois.En attendant, il n’existe aucun autre antiviral efficace contre la Mpox. Les seuls traitements disponibles visent à lutter contre les douleurs, la fièvre, les surinfections et à améliorer la réhydratation et la nutrition. L’un des enjeux consiste donc à trouver de nouveaux antiviraux.
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Author : Victor Garcia
Publish date : 2024-08-21 04:29:47
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