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Louis Gabriel Nouchi : “Créer un vêtement pour des personnes en situation de handicap n’a rien de contraignant”

Louis Gabriel Nouchi : “Créer un vêtement pour des personnes en situation de handicap n’a rien de contraignant”



Lundi 26 août, 9h30, Aubervilliers – Logées dans un large hangar argenté, les machines à coudre ronronnent, les fers à repasser soupirent doucement, et les portants s’agitent, les plumes débordent. Un véritable show dans ce vaste espace où, depuis six mois sans trêve, les petites mains réalisent les costumes des quatre cérémonies des JO. Le prochain rendez-vous ? Dans 48 heures pour celle d’ouverture des Jeux paralympiques, décrite par l’équipe comme inclusive et politique.

“Combien de tenues ? Je ne compte plus, 700, 750 !” s’exclame Corinne Pagé, costumière depuis 34 ans dans le théâtre, le music-hall et l’opéra. Avec elle, des plumassier·ères, brodeur·ses et autres couturier·ères du monde du spectacle se consacrent depuis quatre mois, dans le plus grand secret, à cette troisième cérémonie, bousculant leur routine : plutôt que des costumes de scène extraordinaires, ils et elles ont dû penser des vêtements de ville, reconstruits et magnifiés, pour montrer la créativité dans le contexte du quotidien. Soit montrer l’extraordinaire et l’ordinaire ensemble.

“Magnifier tout type de corps”

Le tout, sous la houlette de Louis Gabriel Nouchi, créateur défendant des valeurs queer et une mode durable, mais aussi chef d’entreprise à la tête de sa marque, LGN Louis Gabriel Nouchi, depuis 2018. “Quelqu’un qui sait diriger les troupes”, souligne Daphné Bürki, directrice des costumes, avant d’ajouter : “Il fallait une personne en mesure de magnifier tout type de corps, et surtout pour qui l’inclusivité n’était pas une question.”

© Paris 2024

Ce n’est en effet plus un sujet pour le styliste qui change depuis six ans le regard sur les corps masculins, à coups de tailoring impeccable, contrebalancé par des matières fluides telles que le jersey, incluant sans effacer les spécificités de chacun·e. Depuis janvier, les lignes femmes élargissent le spectre inclusif de LGN, faisant de lui le candidat évident pour Daphné Bürki, qui poursuit ainsi la visibilité de la nouvelle garde parisienne de créateur·rices.

Normaliser, sans stigmatiser

Offrir une représentation non stigmatisante – qu’elle soit misérabiliste ou héroïque – aux personnes en situation de handicap, tel est l’objectif, qui soulève plusieurs paradoxes : c’est d’ailleurs le nom de la cérémonie, “Paradoxe”, laquelle sera la première du genre à se dérouler hors stade, dans des espaces publics de la ville hôte.

“C’est un premier marqueur politique, au sens où la ville n’est pas suffisamment adaptée à toutes les personnes en situation de handicap”, explique le metteur en scène Thomas Jolly. Ce n’est pas que la ville qui n’est pas adaptée, la mode et les vêtements proposés sur les podiums sont aussi souvent inadaptés.

Nouchi a voulu aller contre cet état de fait : “Dès le début, j’ai mis en place un système de rendez-vous personnalisé avec tous les performeurs pour comprendre techniquement quels étaient leurs besoins. Je leur ai également expliqué qu’ils avaient à leur disposition une large équipe qui pouvait réaliser ce qu’ils souhaitaient. Et souvent, ils ne savaient pas. Tout simplement parce que ce sont des personnes à qui on ne donne jamais le choix. C’était central pour moi de les amener dans de nouveaux territoires, qu’ils ne pensaient même pas pouvoir explorer un jour.” Et d’ajouter : “Créer un vêtement pour des personnes en situation de handicap n’a rien de contraignant.”

Une nouvelle idée de la mode

Résultat : des ensembles monochromes parsemés de broderies ou de perles, des jeux de transparence et de superpositions permettant de jouer avec les textures. Des hybridations entre codes urbains et codes couture, ainsi que des clins d’œil aux robes des années 1920, et quelques références à Alexander McQueen. “Cela faisait longtemps, sans doute depuis l’école, que je n’avais pas fait de la création pure. Je me suis autorisé les plumes, la broderie. J’ai appris de nombreuses techniques. C’était une véritable bulle d’air”, souligne Nouchi, habitué à devoir penser la dimension commerciale de son travail.

Louis-Gabriel Nouchi © Paris 2024

Cela ne l’empêche pas de conserver sa rigueur pragmatique, et notamment d’imaginer une seconde vie pour les vêtements : “Ce sont des matières qui sont propres, et nous avons fait des partenariats avec des marques françaises afin de réaliser au maximum les choses ici”, explique-t-il en dévoilant des pièces aux couleurs bleu, blanc et rouge. “Je voulais être radical : c’était une volonté de se réapproprier le drapeau”, lance-t-il. Paris, capitale d’une nouvelle idée de la mode : c’est tout du moins ce que les choix de Daphné Bürki illustrent depuis la première cérémonie.

Avec Nouchi, de nouvelles pages s’écrivent, embrassant les paradoxes : entre couture et streetwear, fluide et rigide, magnifiant la spécificité des corps tout en dessinant un “nous”.



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Author : Manon Renault

Publish date : 2024-08-28 10:52:34

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