Art ou sport ? Entre les deux, le cœur du jeu vidéo balance fort, mais c’est dans la seconde direction que s’engage joyeusement Nintendo World Championships. Arrivé en plein été pour réveiller les pulsions compétitives des propriétaires de Switch, ce dernier s’appuie sur une mythologie : celle d’un grand tournoi organisé en 1990 par l’éditeur japonais à travers les États-Unis, qui vit s’affronter les joueur·ses sur trois titres de sa très populaire console NES. C’est sur la ludothèque de la même machine que repose la version moderne de ces “championnats Nintendo”, avec treize titres emblématiques de l’époque et la promesse d’une dimension cette fois vraiment mondiale, grâce au jeu en ligne.
Avant d’aller vérifier si l’on est en mesure de tutoyer, sur Excitebike ou Ice Climber, le gratin planétaire (spoiler : non), dans les modes “Championnats du monde” (qui propose cinq défis par semaine) ou “Tournois de survie”, mieux vaut commencer par un peu de contre-la-montre en solitaire. Car le principe, ici, est celui du speedrunning : le temps qu’il nous faudra pour remplir l’objectif fixé, simple au départ (grimper à une échelle de Donkey Kong), puis nettement moins au fil de notre progression (boucler au sprint les trois niveaux du même Donkey Kong), déterminera l’évaluation de notre performance par le programme. Avec, au bout du chemin de plus en plus escarpé, notre éventuelle gloire internationale.
Entre l’art vidéoludique et l’e-sport
Il y a La Légende de Zelda (1 et 2), Super Mario Bros (1, 2 et 3, plus un second épisode 2 car le Japon n’avait en son temps pas eu le même que l’Occident). Il y a Kirby’s Adventure, Metroid, Balloon Fight… Ou, plutôt, des fragments de chacun de ces jeux, qui se retrouvent décomposés en séquences d’actions plus ou moins longues et élaborées.
D’une manière assez paradoxale, avec les collections de mini-jeux WarioWare et NES Remix, Nintendo s’était d’abord livré à ce genre d’exercice sous l’angle de la réinterprétation, du détournement, voire de la parodie. Rien de tel dans Nintendo World Championships, dont le projet consiste à reproduire des phases de jeu à l’identique en isolant certains motifs ludiques, comme pour les donner à (re)découvrir libérés du prestige potentiellement écrasant ou, à l’inverse, de la réputation d’œuvres datées des jeux auxquels ils ont été empruntés.
En ressort d’abord le sentiment que Super Mario Bros, par exemple, n’est pas tant la grande aventure d’un moustachu parti sauver une princesse que des sauts, des esquives et des courses. Que Kirby, c’est flotter, gober et cracher. Que Zelda, c’est s’orienter et taper. Qu’il s’agit fondamentalement de gestes à effectuer dans le tempo voulu par les level designers, tels des instrumentistes suivant avec application la partition de compositeur·rices. Mais avec quand même notre petite touche à nous, notre signature limpide et virtuose, ou un rien bringuebalante quand le niveau des épreuves passe de “difficile” à “maître”. Et c’est ainsi qu’entre l’art vidéoludique et l’e-sport, le pas de deux, presque en douce, se poursuit.
Nintendo World Championships: NES Edition (Nintendo), sur Switch, 30 €.
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Author : Erwan Higuinen
Publish date : 2024-08-31 07:00:00
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