Deux ans après son lancement en grande pompe, et une campagne promotionnelle assourdissante empilant les superlatifs, force est de constater que Les Anneaux de Pouvoir ne s’est pas imposée comme la série de fantasy ultime, capable de les gouverner toutes. Signe manifeste : la réticence d’Amazon à communiquer ses audiences passée l’annonce (quant à elle largement claironnée) des 25 millions de spectateur·ices pour ses seuls deux premiers épisodes – qui trahit sans doute des chiffres moins spectaculaires qu’escomptés.
Conçu pour être le Game of Thrones de l’écurie Bezos, bien aidé par un budget astronomique (elle devrait atteindre le milliard de dollars au terme de ses 5 saisons programmées), Les Anneaux de Pouvoir a fait ce pari, risqué sinon impossible, de ne pas adapter les trois romans que composent Le Seigneur des Anneaux – déjà portés à l’écran par l’indépassable trilogie de Peter Jackson 20 ans plus tôt – mais de jouer la carte du préquel, s’appuyant sur les textes épars, et les milliers de pages plus ou moins annexes, que J. R. R. Tolkien a consacré à l’édification de son monde tentaculaire, et à son histoire plusieurs fois millénaire.
Une équation insoluble ?
Faire entrer dans une série formatée pour le grand public une mythologie aussi touffue, au style plus proche de la geste nordique que du roman de fantasy, relatant les événements du Second Âge de la Terre du Milieu comme la création des Anneaux de Pouvoir, la chute de Númenor ou l’Ultime Alliance des Elfes et des Hommes (les tolkiennien·nes pratiquant·es s’y retrouveront) – avait tout d’une gageure. La première saison portait les stigmates de cette équation insoluble, cherchant son identité entre ses propres ambitions, son obédience manifeste à la trilogie de Jackson, et un fan service encombrant, qui apparentaient le résultat à une sorte de fan fiction indigeste, d’où l’émotion attendue peinait à affleurer. Ni les centaines de millions de dollars, ni les quelques éclats rococos de l’artificier en chef J.A. Bayona, ne parvenant à dissimuler l’inconsistance du projet.
La deuxième saison, dont les trois premiers épisodes sont disponibles sur Prime Video, reprend là où nous avait laissé·es la première : au terme d’un long jeu de dupe adressé aux spectateur·ices pour démasquer Sauron (le grand méchant) parmi tout un tas de candidat·es potentiel·les. On découvrait, pas vraiment stupéfait, que Halbrand, qui répondait pourtant à tous les critères du héros tolkiennien, sorte de Aragorn télévisuel, était l’heureux élu. À lui donc de recouvrer ses forces, et de leurrer son monde, pour devenir le terrible Seigneur des Ténèbres que l’on connaît.
Une débauche de moyens
Comme dans la première saison, ces trois premiers épisodes nous font vagabonder d’un coin à l’autre de la Terre de Milieu, suivant pas moins de six intrigues parallèles, à l’intérêt très variable. Comme dans la première saison, la série hésite entre le sérieux papal de son registre mythologique, un humour guilleret et pastoral calé au chausse-pied, et sa myriade de citations à la trilogie de Jackson, comme là pour cajoler les fans. Mais à l’inverse des trois films du Néo-Zélandais, qui parvenaient à mêler épique et intime de manière organique, la démarche des showrunners JD Payne et Patrick McKay nous apparaît franchement volontariste, et dissimule péniblement son artificialité. C’est aussi vrai de la débauche de moyens, visible dans le déluge de plans CGI, parfois impressionnants, mais qui cloisonnent la Terre du Milieu dans une sorte d’incorporalité, bien loin de la matérialité, et de l’esprit d’aventures et de voyage qui caractérisaient la trilogie de Jackson.
On saura néanmoins gré à cette deuxième saison d’épaissir quelque peu certains de ses personnages, comme le demi-Elfe Elrond, éternel sceptique contestant une autorité ampoulée, ou le jeune Isildur, futur souverain qui s’ignore. Et on se met à espérer que Les Anneaux de pouvoir, en revoyant ses ambitions à la baisse, et en cessant de lorgner vers un modèle inatteignable, puisse devenir ceci : une série de personnages, qui gagnerait en sincérité ce qu’elle perdrait en calculs. Affaire à suivre.
Les Anneaux de pouvoir avec Morfydd Clark, Robert Aramayo disponible sur Prime Video
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Author : Léo Moser
Publish date : 2024-09-02 15:52:10
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