Après avoir embrassé une certaine idée des codes esthétiques du Brick Squad sur sa mixtape hommage à la trap d’Atlanta, 24, se pourrait-il que la Fève, en épouse aussi les modes de production stakhanovistes ? Encore très, très loin d’atteindre les standards de productivité d’un Gucci Mane (l’homme aux 85 mixtapes parues rien qu’en 2015), le jeune rappeur de Fontenay-sous-Bois vient pourtant de rompre avec son traditionnel rythme de parution en sortant sans crier gare BIGLAF, une nouvelle mixtape seulement huit mois après 24.
Selon toute vraisemblance et au regard de la manière dont le rappeur de 25 ans construit patiemment sa carrière, on serait tenté de répondre par la négative. Mais, entre les dizaines de morceaux indisponibles sur les autres plateformes qui pullulent sur son Soundcloud (les récréatifs Empty The Bin, en trois volumes pour le moment) depuis le début de sa carrière et la nature de cette nouvelle mixtape, certains indicateurs ouvre la voie à une toute autre orientation.
BIGLAF, le retour aux sources de La Fève
Après deux longues années passées à maturer 24, La Fève semble donc fin prêt à renouer avec la spontanéité de ses débuts. Là où 24 s’envisageait comme un disque conceptuel qui puisait dans l’esthétique du premier âge d’or de la trap d’Atlanta pour faire l’étalage de sa nostalgie, de sa mélancolie autant que celui de sa réussite, BIGLAF se conjugue au présent et abandonne cette réflexivité post-moderne pour une approche plus directe et expéditive (29 minutes, montre en main).
Si l’on en croit le principal intéressé, cette tape produite dans la foulée de 24 serait un mélange entre les influences qui irriguaient son hommage trap et celles de son premier long format, ERRR. Il battra certainement en brèche cette idée dans le futur, pour l’instant il semble avoir trouvé sa formule sur cette nouvelle collection de morceaux – suffisamment addictive pour que l’on se pose notre question inaugurale et imaginer naïvement une pléthorique carrière à la Future (Nayvadius DeMun Cash de son vrai nom).
L’affranchi
Libéré de la charge conceptuelle du précédent disque, BIGLAF brille par son immédiateté, par un enchaînement d’idées vertigineux (aucun morceau n’excède les trois minutes) et par l’affolante facilité de La Fève à se mouvoir sur les productions de ses acolytes (Lyele, Tarik Azzouz, Kosei…). Si elle est toujours traversée par les spectres de la Maybach Music de Rick Ross (Tarik Interlude, Disque D’or) ou les productions conquérantes de la trap d’Atlanta, la musique de La Fève abandonne le rétro-futurisme qui caractérisait son précédent projet (de haute volée mais condamnée à être un one shot sous peine d’auto-parodie).
À l’instar de ses textes triomphants tournés vers le futur (“Fais péter le son dans la caisse ma gueule/C’est fini le ghettoblaster”, “Le temps file vite/c’est pour ça je m’arrête pas”), La Fève est une force vive qui pourrait lorgner vers les productions de MexikoDro (Playboi Carti, Maxo Kream…) ou EvilGiane (A$AP Rocky, Maxo Kream, Veeze, xaviersobased…). De quoi l’affirmer un peu plus, s’il fallait encore le dire, comme l’un des fers de lance du rap français des années 2020.
BIGLAF (Walone/ADA). Sortie depuis le 6 septembre.
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Author : Théo Dubreuil
Publish date : 2024-09-06 14:55:35
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