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À quoi sert encore “Emily in Paris” ?

À quoi sert encore “Emily in Paris” ?



C’est vrai, questionner l’utilité d’Emily in Paris semble une façon étrange de situer le débat, tant la plus frenchie des séries américaines n’a jamais revendiqué un esprit de sérieux, inventant plutôt la fiction “scrollable”, qui se regarde avec une attention peu soutenue.

On l’a compris assez vite, la création de Darren Star – vétéran d’Hollywood, il a commencé sa carrière dans les années 1990 avec Beverly Hills, avant d’enchaîner avec Melrose Place et Sex And The City – s’est donné un objectif particulier : ne pas uniquement concurrencer les autres séries diffusées sur les chaînes et plateformes mondialisées, mais jouer dans la même cour que les contenus divertissants postés à longueur de journée sur Instagram ou Tiktok. Comme si le marché s’était déplacé. En un clin d’œil, il faut pouvoir comprendre ce qui se passe et saisir un enjeu humain dans chaque scène, être saisi·e immédiatement par “l’influence” des images sur nous, le désir qu’elles suscitent ou leur impact instantané, qui serait la seule condition de leur survie.

Joyeux bordel et placements de produits

Aussi effrayant que cela puisse paraître, cette manière de concevoir la fiction a toujours vécu, dans Emily in Paris, en parallèle avec une vision assez lucide des relations professionnelles et/ou affectives actuelles, décrivant leur soumission au processus néolibéral. Vouloir avancer pour soi, considérer les autres comme des atouts/obstacles, et promener son petit cœur d’artichaut dans cette jungle contemporaine, tel a été le programme depuis quatre saisons, avec un sous-texte féministe qui montre à quel point ces questions coûtent souvent plus cher aux femmes qu’aux hommes, mettant le bordel partout.

Le souci, c’est que Emily in Paris, dans son envie joyeuse de ne pas développer la moindre critique de nos vies à vendre, prend le risque de perdre sa pertinence si l’époque change (un peu) de point de vue sur le triomphe des apparences.

Et cette saison 4 ?

Cinq nouveaux épisodes ont été mis en ligne jeudi 12 septembre, presque un mois après la première partie de la quatrième saison. Une stratégie de diffusion liée à de pures questions pécuniaires – pour ne pas donner au public qui s’abonnerait à Netflix seulement pour les 30 jours d’essai gratuit, la possibilité de voir l’intégralité de la saison à l’aise ?

On a le sentiment d’un découpage inutile pour créer le buzz, comme si Emily in Paris comprenait que sa date de péremption pourrait vite arriver. Relayé partout, le cameo de Brigitte Macron a servi également à faire parler. Et cela a fonctionné. Ce n’est pas demain que le monde arrêtera de s’intéresser aux marques et à nos vies connectées dans un décor de rêve capitaliste, bien sûr, mais peut-être que l’un des atouts de la série, sa manière de travailler les clichés sur Paris, a subitement pris de l’âge.

Emily, c’est pas du Jolly

Cette quatrième saison arrive juste après les Jeux olympiques et paralympiques, à la fin d’un été où les images de la capitale française ont circulé partout, plus intensément que jamais. Emily in Paris n’a jamais caché son appétence pour les plans de coupe idéalisés d’une ville-musée, un geste également pris à son compte, mais de manière beaucoup plus déconstruite, par Thomas Jolly et son équipe lors de la cérémonie d’ouverture des JO (et dans une moindre mesure celle qui a ouvert les Jeux paralympiques), où les monuments, la Seine et l’imaginaire français ont pu être redéfinis avec un point de vue où le collectif, le mélange, l’idée d’une histoire à construire en commun, empêchaient toute possibilité de figer Paris dans l’espace et dans le temps.

Toujours plaisante mais moins folle, Emily in Paris s’est encroûtée. D’ailleurs, le cliffhanger de fin de saison laisse envisager a minima des allers-retours à venir entre Paris et Rome pour Emily. Une terre vierge à conquérir ? La série vient en tout cas d’être officiellement renouvelée pour une saison 5.

Emily in Paris saison 4. Sur Netflix.



Source link : https://www.lesinrocks.com/series/a-quoi-sert-encore-emily-in-paris-629270-16-09-2024/

Author : Olivier Joyard

Publish date : 2024-09-16 15:14:06

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