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“Les Barbares” : Julie Delpy nous sert une comédie politique condescendante et consternante



Un chef rondouillard et dépassé (Jean-Charles Clichet, assez drôle), un vieux sage fantasque à longue barbe blanche qui vit en bordure du bourg (Albert Delpy, père de), des villageois·es gentiment benêt·es, colériques et chauvin·es, un personnage central plus malin, ruminant sous sa toison blonde une soif de justice et d’aventure, le tout dans un décor breton… Julie Delpy n’est pas allée chercher très loin le modèle des Barbares, le premier album d’Astérix à portée de main ayant dû suffire à lui inspirer cette sorte de village-type de la campagne française – ni riche ni pauvre, ni trop de gauche ni trop de droite –, où elle imagine une comédie-apologue sur le racisme et la crise des réfugié·es.

À Paimpont donc (drôle d’idée d’avoir gardé un vrai nom de ville pour y installer une parodie vitriolée de l’étroitesse rurale et de l’esprit de clocher), une institutrice monte un projet humanitaire d’accueil de famille ukrainienne, contre la perplexité d’une partie du conseil municipal et l’hostilité plus franche du raciste officiel de la bande, un plombier à bouc et aux goûts de beauf (Laurent Lafitte) qui va tout faire pour renvoyer les intru·es lorsque ces dernier·ères vont s’avérer non plus être des réfugié·es est-européen·nes mais une famille syrienne.

Julie Delpy, l’expatriée californienne

Comédie de mœurs se voulant une sorte d’exutoire aux mauvaises pulsions et de parabole pédagogique sur la tolérance, le film emprunte aussi à Goscinny un principe d’enclave autarcique : les fortifications ne sont certes que mentales, mais le village se pense comme autosuffisant, à la fois en biens, en services, en loisirs, en rencontres – on naît, on vit, on meurt à Paimpont, et au-delà de l’épouvantail incarné par le plombier, tout le village est acquis à ce principe générateur d’un sentiment d’harmonie que vient forcément parasiter l’arrivée d’allogènes. Seul le personnage de Delpy développe un rapport avec le monde extérieur (comme Astérix), et finira d’ailleurs par s’exiler dans un camp humanitaire.

Si le film arrive à ménager quelques réussites comiques, plutôt dues aux inspirations de ses interprètes (Clichet et India Hair, qui compose un personnage très subtil d’épouse dominée), il n’en demeure pas moins d’une condescendance grossière, atrocement inopportune au regard de l’endroit depuis lequel parle la réalisatrice – une position privilégiée d’expatriée californienne, brossée avec mordant dans sa série On The Verge, mais ici retirée de l’équation – et du contexte politique dans lequel sort le film.

Niaiseries scénaristiques

Au moment où la France dite “périphérique”, privée de services publics, ravagée par le mal-emploi (réalités absentes d’un film totalement à l’ouest sur le climat sociopolitique des campagnes), n’a jamais autant rejeté les élites détentrices du pouvoir économique et symbolique (celui de faire du cinéma, par exemple) et voté à l’extrême droite, il n’y a sans doute pas de reflet plus irresponsable à lui renvoyer qu’une telle caricature de fachos bas·ses du front, gaulois·es obtu·es, que quelques niaiseries scénaristiques suffiront à remettre dans le droit chemin du vivre-ensemble (les professions “modèles” des réfugié·es syrien·nes, finalement intégré·es parce qu’architecte et médecin, ce qui est en soi plus que douteux, mais à ce stade…). On frémit à l’idée de l’impact que son exploitation aurait pu avoir dans des bassins frontistes, ou des circonscriptions bascule : et hop, cinq points pour Bardella !

Les Barbares, de Julie Delpy, avec elle-même, Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte. En salle le 18 septembre.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/les-barbares-julie-delpy-nous-sert-une-comedie-politique-condescendante-et-consternante-629222-16-09-2024/

Author : Théo Ribeton

Publish date : 2024-09-16 13:40:52

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