Valérie Donzelli a raté le conservatoire, deux fois. C’était à la fin des années 1990. Ironie du sort, la voilà trente ans plus tard, invitée par la prestigieuse école d’art dramatique en qualité d’experte. Venue pour animer une master class sur le jeu d’acteur et d’actrice au cinéma, la comédienne et réalisatrice a composé à cette occasion avec les élèves d’une promo un court métrage réalisé avec les moyens du bord.
C’est avec ce même sens de la débrouillardise qu’elle a conçu Rue du conservatoire, long métrage qui, lui, n’était pas prévu au programme. C’est à la demande d’une élève Clémence Coullon, comédienne et apprentie metteuse en scène sur le point de (re)monter Hamlet et soucieuse de garder une trace de cette dernière année de Conservatoire, que Donzelli a réalisé ce film de troupe et de souvenirs. Rue du Conservatoire se fait alors le témoin de la vie collective de ces jeunes acteur·ices, de leur travail, de leur ardeur pour donner forme et vie au projet fou de Clémence – s’attaquer à l’une des plus célèbres pièces de Shakespeare pour en remanier le sens et l’envisager d’un point de vue féministe. L’audace et le charisme de la metteuse en scène sont fascinants à observer et le film passionne dans la façon qu’il a d’enregistrer le cheminement intime de la création, voguant entre élans d’affirmation et tâtonnements apeurés.
Le conservatoire par celles et ceux qui l’habitent
À travers Clémence, c’est aussi un peu elle que Donzelli regarde ; fougue de la jeunesse et indélébile syndrome d’illégitimité qui colle à la peau des jeunes filles comme expériences partageables. Par cette confrontation, Rue du Conservatoire restitue la distance qui sépare la cinéaste de cette jeune génération, en même temps qu’il établit des points de connexion et de reconnaissance avec elle.
Le film parvient ainsi à poser une question plus large, et plus complexe, sur ce qui fait et défait une génération et s’offre comme un contrechamp pertinent au film documentaire consacré au tournage des Amandiers de Valéria Bruni Tedeschi, lui aussi voué à l’étude de l’acte de création (Des amandiers aux amandiers de Karine Silla Perez, Stéphane Milon) et très axé sur l’impétuosité de son autrice.
Présent et passé
À l’inverse, tout dans Rue du Conservatoire témoigne d’une modernité : des profils extrêmement variés des comédien·nes (on s’étonne et on se réjouit qu’une telle diversité ait pénétré cette vieille institution) à la façon dont Clémence travaille avec elles et eux, avec pugnacité mais délestée de la posture sacrificielle de l’artiste au travail. Enfin, le délicieux anachronisme de la touche Donzelli donne au film des drôles d’airs. À mesure qu’il enregistre le présent très actuel de ces jeunes gens, il les archive instantanément. Une émotion particulière se dégage alors de ces images, de ces nouveaux visages. En les regardant Rue du Conservatoire ne pouvait pas être plus clément envers celles et ceux, acteurs et actrices, dont la plus grande crainte est de ne plus être regardé.
Rue du Conservatoire de Valérie Donzelli – En salle le 18 septembre
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Author : Marilou Duponchel
Publish date : 2024-09-17 12:52:55
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