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Marguerite Duras : l’écrivain, toujours seul ?

Marguerite Duras : l’écrivain, toujours seul ?



Il y a 40 ans, Marguerite Duras remportait le prix Goncourt avec L’Amant. Elle qui avait commencé à écrire 41 ans plus tôt – son premier roman, Les Impudents, paraît en 1943 –, elle qui très vite a innové en imposant une voix à nulle autre pareille, elle qui aura en somme renouvelé la littérature française n’avait reçu ni grand prix, ni consécration importante avant 1984. Pourtant, elle l’aurait mérité, ne serait-ce qu’avec Un barrage contre le Pacifique (1950), Moderato Cantabile (1958), Le Ravissement de Lol V. Stein (1964), Le Vice-Consul (1966) et, à vrai dire, tant d’autres de ses livres.

Alors qu’on célèbre cette année l’anniversaire de L’Amant, et celui de la naissance de Duras (110 ans), il est intéressant de se rappeler à quel point elle fut longtemps traitée avec condescendance, ses textes reçus avec mépris, son style occasionnant d’incessants ricanements dans la plus parfaite impunité. Nul·le n’est prophète en son pays ? Est-ce que tout·e véritable écrivain·e impose une langue qui se heurte et heurte le socius, qui dès lors le diminue, le rejette ? Pour Duras, un·e écrivain·e est résolument seul·e. Comme on dit seul·e de son espèce, comme on se tient aussi hors du troupeau, donc vulnérable.
Dans Écrire (1993), elle a des pages magnifiques sur la solitude, notamment celle qu’elle a enfin trouvée dans sa maison de Neauphle-le-Château, qui deviendra pour elle le symbole et l’utopie (atteinte) de l’état mental propice à l’écriture : “La solitude de l’écriture c’est une solitude sans quoi l’écrit ne se produit pas, ou il s’émiette exsangue de chercher quoi écrire encore”, ou “Il faut toujours une séparation d’avec les autres gens autour de la personne qui écrit les livres. C’est une solitude essentielle”.

C’est peut-être ce que le social lui a souvent fait payer, cette séparation impardonnable, ce refus d’être comme les autres, de se soumettre au même rythme, au style commun. Jusqu’au succès et à la consécration de L’Amant, mais surtout jusqu’à sa disparition en 1996. Ce n’est qu’après avoir basculé dans la mort que Duras a basculé définitivement dans le panthéon des grand·es écrivain·es français·es.

Marguerite Duras, Écrire (Folio), 144 p., 5,70 €.
L’Amant, édition spéciale enrichie d’entretiens de 1984 et 1985 et de fac-similés du manuscrit du roman. Les Éditions de Minuit – En librairie 7 novembre.



Source link : https://www.lesinrocks.com/livres/marguerite-duras-lecrivain-toujours-seul-629672-19-09-2024/

Author : Nelly Kaprièlian

Publish date : 2024-09-19 10:02:46

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Tags :Les Inrocks

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