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Présidentielle américaine : dans les “swing states”, la démographie au secours de Kamala Harris

Kamala Harris, en Caroline du Nord, le 16 août 2024




Cette scène, de nombreux Américains ne l’oublieront pas. Le 6 janvier 2021, alors que le collège électoral se réunit pour certifier les résultats de l’élection présidentielle, des milliers de soutiens de l’ex-président Donald Trump s’infiltrent dans le Capitole pour tenter d’arrêter le processus. En vain.Quatre ans plus tard, l’ex-président républicain est de retour, et affronte cette fois Kamala Harris, la vice-présidente démocrate. A six semaines du scrutin, les deux camps comptent leurs points : tous les regards sont tournés vers une poignée d’États-clé – les fameux “swing states” – qui pourraient faire basculer l’élection dans un sens ou dans l’autre.Ils sont au nombre de sept – l’Arizona, la Caroline du Nord, la Géorgie, le Michigan, le Nevada, la Pennsylvanie et le Wisconsin – et représentent 93 voix au collège électoral, soit environ 18 % du total. Dans la majorité des cas, Donald Trump y a réalisé de brillants scores en 2016, puis s’est fait battre en 2020, souvent à quelques milliers de voix près. Il dispose aujourd’hui de sondages assez favorables dans plusieurs de ces territoires, mais Kamala Harris n’a pas dit son dernier mot, comme l’explique William Frey, démographe au sein du Brookings Institute.Dans l’Arizona, le “swing comté” dans le “swing state””Il y a huit ou dix ans, personne n’aurait prédit que l’Arizona deviendrait un Etat-clé, commente William Frey. Contrairement aux Etats du Vieux Sud, son allégeance au Parti républicain remonte au tout début du XXe siècle, avant même le mouvement des droits civiques.” Il est vrai qu’entre 1952 et 2016, cette région désertique bordée par la Californie à l’ouest et par la frontière mexicaine au sud a presque toujours voté pour un candidat républicain lors des élections présidentielles.”Il faut savoir que l’Arizona a la réputation d’être un point de convergence pour de nombreux retraités blancs du Midwest et ce sont souvent des électeurs républicains”, analyse le démographe. Mais en 2020, l’Etat bascule et envoie 11 grands électeurs démocrates au collège électoral. Joe Biden l’emporte avec une marge de 0,3 point – à peine 11 000 voix d’avance – sur son adversaire.Pour comprendre ce revirement, il faut s’intéresser à un comté en particulier : Maricopa, un territoire biscornu, en forme de coude, grand comme la Normandie. C’est là qu’est installée Phoenix, la capitale de l’Arizona, et sa banlieue proche, qui concentrent environ 60 % de la population locale en âge de voter. Pour l’emporter, mieux vaut avoir Maricopa dans son escarcelle.”C’est une région avec un fort esprit républicain incarné par des figures comme Barry Goldwater [NDLR : ancien sénateur et candidat malheureux à la présidentielle de 1964] ou John McCain [l’adversaire de Barack Obama en 2008]”, détaille William Frey. En effet, entre 1952 et 2012, le Parti républicain est presque toujours arrivé devant le Parti démocrate avec plus de dix points d’avance. Mais le vent tourne. Aujourd’hui, “c’est une région très dynamique, qui accueille une grande diversité d’Américains et de plus en plus d’immigrés latinos et de jeunes, souvent californiens, qui cherchent un endroit où le coût de la vie est plus mesuré ; ils représentent un atout pour les démocrates qui ont réussi à y faire élire des sénateurs et des représentants au Congrès lors des dernières élections.”En Pennsylvanie, la force de la “coalition Obama”Depuis le retrait de Joe Biden, Harris et Trump courtisent la Pennsylvanie. En deux mois, cet Etat a été le plus visité par les deux candidats. D’après William Frey, “les équipes des deux candidats pensent que la victoire y sera déterminante. Mais Kamala Harris devrait y avoir un avantage : la Pennsylvanie fait en effet partie de ce qu’on appelle le “blue wall”, un ensemble d’Etats industriels du Nord-Est qui votent quasi systématiquement démocrate. Depuis les années 1990, la Pennsylvanie n’a presque jamais voté pour le candidat républicain.” A une exception près : l’élection de Donald Trump en 2016.Avant cela, Barack Obama avait réussi à rassembler largement derrière sa candidature en 2008 et en 2012. “Parmi les électeurs d’Obama, il y avait surtout des jeunes, des femmes, des Américains très diplômés, des noirs et des latinos, explique le démographe. Dans ces Etats très industriels du Nord-Ouest, Kamala Harris devrait parvenir à réunir tous ces groupes, appelés la “coalition Obama”. Mais une question reste en suspens, celle de la participation électorale.”Côté pile, donc : un avantage pour Kamala Harris puisque la Pennsylvanie est une région qui se diversifie sur le plan démographique. Côté face : un handicap réel, puisque les jeunes et les minorités raciales votent moins que d’autres communautés. “On sait aussi qu’en 2020, les électeurs s’étaient fortement mobilisés parce qu’avec la pandémie de Covid-19, beaucoup d’Etats avaient facilité le vote à distance, rappelle William Frey. Ce n’est pas le cas cette année et pour l’emporter en Pennsylvanie, Kamala Harris doit réussir à mobiliser tous les électeurs potentiels du camp démocrate.”En novembre prochain, l’Etat de Pittsburgh et Philadelphie élira 19 grands électeurs. C’est le cinquième plus gros contingent au sein du collège électoral.En Géorgie, la transformation d’AtlantaAu lendemain de l’élection de 2020, Donald Trump appelle le bureau des élections de Géorgie, furieux. “Débrouillez-vous, trouvez-moi 12 000 votes !”, ordonne-t-il aux responsables locaux. L’administration locale, aux mains des républicains, refusera d’obéir au caprice de Trump. Mais elle n’en est pas moins abasourdie. Après des années de règne du camp républicain, Joe Biden l’emporte avec quelques milliers de voix d’avance. 16 grands électeurs démocrates supplémentaires rejoignent le collège électoral et là encore, c’est une victoire historique – et l’aboutissement d’une dynamique démographique qui favorise le parti démocrate.Comme ses voisins, la Géorgie est un Etat profondément républicain. Mais Atlanta, sa capitale, est un havre démocrate depuis longtemps. Dans cette ville qui vu naître Martin Luther King, un habitant sur deux est noir et 40 % de ses habitants sont âgés de 20 à 40 ans contre 27 % à l’échelle du pays entier. Des paramètres plutôt favorables à la victoire de candidats démocrates.”Depuis la pandémie, beaucoup d’Américains qui vivaient dans le Nord-Est ont cherché à fuir les grandes villes côtières, rappelle William Frey, et beaucoup sont venus s’installer en Géorgie, en particulier dans la métropole d’Atlanta. Ce sont des jeunes diplômés blancs, quelques latinos, mais surtout des Afro-Américains. Aujourd’hui, cette ville est même devenue la destination privilégiée des noirs qui migrent à l’intérieur des Etats-Unis.” Résultat : en trente ans, la métropole a triplé de volume. Avec plus de 6 millions d’habitants, c’est aujourd’hui la sixième aire métropolitaine du pays, et d’après les projections de l’ONU, elle devrait atteindre 8 millions d’habitants d’ici à 2050.”Dans la plupart des villes du pays, les noirs étaient concentrés dans les centres-villes et ils n’avaient pas accès aux banlieues pavillonnaires. Il y avait une sorte de ségrégation immobilière, insiste le démographe. Atlanta s’est ouverte un peu plus vite que les autres et aujourd’hui, c’est l’une des aires urbaines les plus dynamiques et les plus diverses du pays.”Cet élargissement massif d’Atlanta accroît son poids électoral. En 1990, elle ne représentait que 45 % des Géorgiens en âge de voter ; aujourd’hui, plus de 55 %. Et à mesure qu’elle grossit, certaines banlieues blanches qui étaient fermement acquises au camp républicain ont commencé à basculer. En 2020, Joe Biden est arrivé en tête dans les très peuplés comtés de Cobb, Gwinnett et Henry avec à chaque fois, plus de 10 points d’avance.Aujourd’hui, les étoiles semblent alignées pour que Kamala Harris l’emporte à Atlanta. Mais pour réitérer le miracle de 2020, il faudra qu’elle mobilise sa base, et tout particulièrement les électeurs afro-américains. Une gageure, tant les noirs du Vieux Sud ont longtemps été maintenus à l’écart des bureaux de vote.



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Author : Mathias Penguilly

Publish date : 2024-09-19 16:00:00

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