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Après le glaçant “Dahmer”, faut-il voir “Monstres : L’histoire de Lyle et Erik Menendez” ?

Après le glaçant “Dahmer”, faut-il voir “Monstres : L’histoire de Lyle et Erik Menendez” ?



Ce texte contient des spoilers sur l’ensemble de la saison.

Avant de débuter Monstres : L’histoire de Lyle et Erik Menendez, le deuxième volet de l’anthologie de Ryan Murphy et Ian Brennan sur des affaires criminelles après le carton Dahmer, il faut savoir quel engagement s’impose pour en saisir le spectre.

Juger sur deux ou trois épisodes, comme les fans de séries surbooké·es le font souvent, n’a pas beaucoup de sens dans ce cas. Le mieux est de trouver le temps d’aller au bout des neuf. L’histoire est si retorse qu’elle change de nature, à peu près en son milieu. D’une affaire de meurtres horribles, on passe alors à une fable contemporaine sur le vertige des intimités détruites. En plus de tout le reste. 

Gosses de riches et meurtriers

Lyle et Erik Menendez sont deux gosses de riches de Beverly Hills presque comme les autres quand, un soir de 1989, ils débarquent chez leurs parents avec des fusils à pompe et trouent leurs corps de plus de dix balles chacun·e. C’est une boucherie que retrouve la police, où gisent les corps de José Menendez, un puissant homme d’affaires d’origine cubaine, et sa femme Kitty, ancienne journaliste devenue mère au foyer. Durant les semaines qui suivent les meurtres, les deux frères âgés respectivement de 21 et 18 ans, claquent des centaines de milliers de dollars en bagnoles, montres et fringues, vivant leur meilleure vie au son de tubes du moment, que Ryan Murphy et Ian Brennan (responsables, entre autres, de Glee et Ratched) se font un plaisir d’insérer dans la fiction comme un bonbon un peu sale. Surtout s’il s’agit de Girl I’m Gonna Miss You du (faux) duo Milli Vanili. 

Le goût pour l’outrance pop et queer de Murphy et son compère ne disparaît donc pas de cette histoire qui fait néanmoins partie des plus noires et saisissantes qu’ils aient choisi de raconter. C’est même ce contraste qui fait l’un des premiers intérêts de Monstres : L’histoire de Lyle et Erik Menendez, où se croisent à la fois un mode de vie californien attaché aux plus superficielles et pécuniaires manifestations du rêve américain, étudié de très près dans toute sa vulgarité potentielle, et une plongée très universelle dans le fonctionnement d’une famille, où rien ne s’exprime autrement que dans l’abus, la transgression odieuse des tabous.

Un épisode 5 stupéfiant

Qui sont vraiment les monstres ? Après quelques épisodes où l’idée plane sans vraiment s’exprimer frontalement, la minisérie s’attaque à l’aspect le plus déroutant de cette affaire : les accusations d’inceste et de pédocriminalité que Lyle et Erik Menendez portent contre leurs parents, en premier lieu leur père, joué par un Javier Bardem flippant, comme extrait directement de son personnage dans No Country For Old Men des frères Coen, en moins ironique. Chloë Sevigny, quant à elle, interprète la mère avec ce qu’il faut de détresse et de violence. 

La manière dont la série mute nous impressionne, culminant dans le cinquième épisode, réalisé par Michael Uppendahl (un vétéran télé, qui a travaillé entre autres sur Mad Men et Fargo) sous la forme d’un plan séquence d’environ 35 minutes, soit la totalité de l’épisode. Erik Menendez (Cooper Koch, excellent) y raconte, détails glaçants à la clé, les viols perpétrés par son père sur lui pendant des années, et la façon dont son frère Lyle, lui-même victime, a fini également par le violer. Leur père est le premier auteur de ces actes violents et sadiques, sous prétexte de préparer ses fils à la vraie vie. C’est stupéfiant, filmé avec une sobriété exemplaire – tout juste un lent zoom avant, pas de coupes – et c’est aussi le seul moment où la série, qui ne cesse de montrer des personnages fascinés par le storytelling, l’entertainment, le récit hollywoodien de la réussite, prend le temps de faire pause et d’écouter une parole de vérité. Quelques mois après les confessions du héros de Mon Petit Renne dans un quatrième épisode devenu viral, les séries contemporaines s’intéressent de plus en plus aux figures masculines victimes d’abus et de viols.

Un vertige, aux limites de l’expérience humaine

La justice n’a pas eu cette attention, puisque après deux procès, les allégations d’inceste et de pédocriminalité n’ayant jamais pu être prouvées, Lyle et Erik Menendez n’ont pas été épargnés. Monstres : L’histoire de Lyle et Erik Menendez prend le soin, à travers un carton final, de préciser que les deux frères, si proches, ont toujours maintenu leurs accusations, malgré les attaques répétées et les doutes sur leur probité, le motif financier et crapuleux pour le meurtre de leurs parents restant possible. 

Tout ceci est un vertige, un vrai, où Ryan Murphy tutoie les limites de l’expérience humaine. On regrette que les deux derniers épisodes, consacrés au procès, n’aient pas l’ampleur de ce qui les précède, comme si la série se normalisait subitement pour capter notre attention de manière classique. Il n’en reste pas moins que cette épopée malaisante et par moments brillante reste en tête, par la façon dont elle semble mettre à nu une inarrêtable chaîne de la violence.

Monstres : L’histoire de Lyle et Erik Menendez est disponible sur Netflix 



Source link : https://www.lesinrocks.com/series/apres-le-glacant-dahmer-faut-il-voir-monstres-lhistoire-de-lyle-et-erik-menendez-629866-20-09-2024/

Author : Olivier Joyard

Publish date : 2024-09-20 16:18:28

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