Projeté pour la première fois hors compétition à la Mostra de Venise, Russians at War raconte comment la réalisatrice russo-canadienne, Anastasia Trofimova, s’est infiltrée, au culot, en gagnant la confiance des soldats derrière la ligne de front russe, durant sept mois.
Elle suit le quotidien des soldats russes et met en scène leurs désillusions. Que s’est-il passé entre le succès de Venise (la documentariste assure avoir été ovationnée) et le fiasco de Toronto (l’organisation du festival a annulé la projection du film pour des raisons de sécurité) ?
Manifestations et menaces de mort
Parce qu’il met en scène des soldats russes et que son entreprise semble peu réalisable sans l’accord du Kremlin, Russians at War est soupçonné de faire de la propagande pro-russe – le tournage du documentaire a été réalisé dans des zones ultra sensibles où la présence des journalistes n’est tolérée que sous une étroite surveillance et des contrôles renforcés. “Comment une réalisatrice peut-elle avoir accès au front en Ukraine, passer sept mois avec l’unité russe sans que personne ne pose de questions ?”, a déclaré Oleh Nikolenko, consul général d’Ukraine à Toronto, avant d’ajouter : “Je pense que le gouvernement russe était d’accord pour autoriser la production de ce film parce qu’il s’inscrit dans le cadre des efforts de propagande de l’État russe.”
Au micro du podcast CBC Front Burner, Anastasia Trofimova assure cependant que son documentaire a été tourné sans l’autorisation du gouvernement russe. “Les gens pensent que la zone de guerre est un endroit très organisé et étroitement contrôlé. Mais […] si vous pouvez faire bonne impression et si les gens vous font confiance, ils s’ouvrent à vous et ils sont parfois prêts à fermer les yeux ou à contourner les règles.”
Pour la vice-Première ministre canadienne Chrystia Freeland pas de doute, Russians at War n’a pas sa place au TIFF. Cette dernière a déclaré à la presse le 10 septembre, sans toutefois avoir vu le film : “Il n’est pas normal que l’argent public canadien finance la projection et la production d’un film comme celui-ci”. Suite à sa prise de parole, plusieurs centaines de Canadien·nes d’origine ukrainienne sont descendu·es dans les rues de Toronto pour protester contre la première du film dans leur ville.
Le TIFF a annulé les projections de Russians at War par mesure de sécurité
Résultat, jeudi 12 septembre, Le Festival international du film de Toronto annonce déprogrammer le film, après avoir été “informé de menaces importantes pour le fonctionnement du festival et la sécurité publique” de la part d’opposant·es. Cependant, deux séances ont malgré tout été reprogrammées ce mardi 17 septembre dans une ambiance délétère. Cameron Bailey, directeur du TIFF, a rappelé qu’il s’agissait d’une coproduction franco-canadienne soumise à un “processus de sélection rigoureux” et qu’il avait été invité en fonction de ses “mérites artistiques” et de sa “pertinence”. Quant à Sarah Spring, directrice générale de l’Association des documentaristes du Canada, elle a déclaré pour sa part vouloir “protéger la capacité des documentaristes à explorer des sujets controversés” .
Russians at War sera projeté au ZFF
De son côté, et en dépit de la colère de Kiev qui s’insurge contre la diffusion du documentaire, le Zurich Film Festival (ZFF) a décidé de maintenir la projection du documentaire pendant son édition du 3 au 13 octobre. Christian Jungen, le directeur du festival, a déclaré comprendre “le mécontentement des Ukrainiens” mais considérer le documentaire de Anastasia Trofimova comme un film anti-guerre. Selon lui “les films doivent inciter à la discussion”, un espace de débats sera ainsi mis en place pendant le festival.
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Author : Manon Durand
Publish date : 2024-09-20 14:27:26
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