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Avec “Dämon – El funeral de Bergman”, Angélica Liddell signe une performance cathartique et punk

Avec “Dämon – El funeral de Bergman”, Angélica Liddell signe une performance cathartique et punk



On a beau suivre Angélica Liddell depuis ses débuts sur les plateaux européens, l’expérience de ses spectacles aura toujours quelque chose d’un peu rêche. Son effet étant comparable à l’absorption d’une demi-bouteille de gin tiède au réveil (on n’a jamais essayé : on imagine). Pour l’organisme, ça n’est pas forcément recommandé. Mais au moins, ça décape. Et il se passe de drôles de choses…
Parce que l’artiste castillane sait créer des images de théâtre qui infusent notre inconscient et resteront à jamais gravées dans la mémoire. Qu’elle fait rire et qu’elle fait peur. Qu’elle tient la scène avec une intensité démente. Qu’elle attise nos penchants masochistes. Qu’elle ose tout. Qu’elle va trop loin. Qu’elle électrise les sens. Qu’elle fait passer Johnny Rotten pour un enfant de chœur. Qu’elle se lave le sexe, puis les fesses dans un bidet face à son public. Qu’elle se moque de savoir si son théâtre ainsi résumé n’est pas du miel pour ses détracteur·rices réacs. Qu’elle branle un vieux comédien déguisé en pape. Qu’elle n’hésite pas à nommer les critiques qui lui sont défavorables, et à les insulter. Que lors du dernier Festival d’Avignon, où ce Dämon – El funeral de Bergman fut présenté, elle fit débat (à cause de ses injures aux critiques, justement).
La scène comme purgatoire
Avec elle, la dénomination “spectacle vivant” n’est pas usurpée. Angélica Liddell provoque donc les expériences les plus cathartiques qui soient et notre plaisir de voir quelqu’un surmonter ses peurs avec un tel panache. Qu’il est plaisant d’assister à ce que nous n’oserons jamais. La performeuse se purge par la scène. Et de fait, elle nous assainit dans le même mouvement, avec son sens de la dérision et cette tendresse salvatrice qui finit toujours par poindre à la fin. Sa violence est proportionnelle à sa fragilité.
Évidemment, à cause de sa paranoïa et de son égocentrisme, ses propos frisent le grand n’importe quoi, quand ils ne sont pas un peu bébêtes. “Les artistes sont moins bien considérés que les terroristes”, clame-t-elle à titre d’exemple (la citation est approximative, mais le sens est là). Pourtant, à l’inverse d’une confession, elle intervient en amont de l’acte répréhensible : on aurait tort de lui reprocher sa franchise. Elle a beau injurier ses détracteur·rices avec une véhémence inouïe, elle ne parle que pour elle.
Libre, impertinente, jusqu’au-boutiste
Il faut bien le reconnaître : l’argument autour de la pièce est trompeur. De Bergman, il est très peu question ici. Le cinéaste suédois est davantage un prétexte pour aborder ses thèmes de prédilection : la vieillesse, la solitude, la vanité, le sexe triste, la mort, la critique… Bergman appelait ses angoisses “ses démons”. D’où le titre de la pièce, cette scénographie rouge sang qui évoque le film Cris et chuchotements et cette scène finale où la performeuse s’adresse au cercueil du maître scandinave pour lui faire part de ses doutes et de son amour pour son œuvre.
En revanche, on entendra pendant pas moins d’une heure une litanie punk qu’elle déclame en arpentant la scène comme un fauve. On verra des femmes nues réconforter de vieilles personnes en fauteuil roulant (l’image la plus bouleversante du spectacle). On comprendra pourquoi, selon elle, le sexe n’est que solitude et vanité. On la verra danser sur une civière. On découvrira l’image fugace mais effrayante d’hommes-araignées arpentant les murs du Palais des papes.
Ce spectacle est en quelque sorte l’exposition de sa psyché torturée, mise en scène avec un sens de l’espace incomparable. Peu d’artistes ont été capables d’habiter la cour d’honneur du Palais des papes, à Avignon, comme elle l’a fait. Parions qu’à Paris, elle saura transfigurer ces démons qui nous habitent à présent.
Dämon – El funeral de Bergman d’Angélica Liddell, avec David Abad, Ahimsa, Yuri Ananiev, Nicolas Chevallier. À l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris, du 26 septembre au 6 octobre.



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Author : Igor Hansen-Løve

Publish date : 2024-09-21 06:00:00

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