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Avec “Quichotte”, Gwenaël Morin réinvente et réenchante le chef-d’œuvre de Cervantes

Avec “Quichotte”, Gwenaël Morin réinvente et réenchante le chef-d’œuvre de Cervantes



En choisissant Jeanne Balibar pour le rôle de Don Quichotte, Gwenaël Morin a d’abord réalisé un coup ; un coup qui relève tout en même temps de l’audace, de l’évidence et de l’éclair de génie.
De l’audace, parce que l’artiste propose un théâtre du dénuement absolu, qui se joue souvent dans l’herbe et les pieds nus, alors que son actrice jouit d’une aura cinématographique sophistiquée, pour avoir porté des films d’Arnaud Desplechin, Paweł Pawlikowski, Mathieu Amalric, Ladj Ly, Olivier Assayas, etc.
De l’évidence, car il y a chez cette comédienne une folie donquichottesque, dans sa façon de persévérer dans l’existence avec ce style si particulier, à la fois lunaire et engagé, intello et charnel, branché et à côté de la plaque – et ce malgré le temps qui passe et les tendances qui changent. Et de l’éclair de génie, parce qu’immédiatement, le projet met l’imagination en branle. D’emblée, on veut voir Jeanne Balibar sous son casque et derrière son armure. À l’instar de Gwenaël Morin, on commence à la mettre en scène (dans sa tête) : on commence à rêver.
Un moment de grâce
Mais une belle affiche ne fait pas un bon spectacle et, à force de rêver, le résultat est forcément moins bien que celui que l’on espérait. Il n’empêche : ce Quichotte est une petite merveille. La réussite tient à ce que Gwenaël Morin prend le parti (original) de son protagoniste ivre d’histoires et malade de son époque. Jamais il ne se moque de sa folie. Jamais il ne joue du simple décalage entre sa perception hallucinée et la dure réalité, comme dans la plupart des adaptations. À l’inverse, il nous fait découvrir son monde et donne à voir la violence qu’il subit ; c’est l’innocence même qui est ici martyrisée. Derrière sa légèreté apparente, il y a là une vraie tragédie, convenant à merveille à l’apparente précarité de son esthétique.
La réussite tient aussi, évidemment, au plaisir de cette troupe au diapason. Plus athlétique que jamais, Jeanne Balibar s’amuse, se donne à fond, se tourne en dérision, vient chatouiller le public. Marie-Noëlle ! Incroyable Rossinante, la monture de Quichotte, mais aussi conteuse et narratrice ; littéraire, délicate, déphasée, maladroite, tordue, brillante. Jamais aussi drôle que quand elle sort de ses rôles. Et Thierry Dupont, dans la peau de Sancho Panza, qui incarne si merveilleusement l’humilité et la simplicité. Le contrepoint idéal à ces deux monstres de théâtre. Malgré quelques longueurs, malgré la confusion du récit ici et là, Quichotte s’impose comme une parenthèse enchantée, un petit moment de grâce.
Quichotte d’après Miguel de Cervantes, adaptation, mise en scène et scénographie Gwenaël Morin, avec Jeanne Balibar, Thierry Dupont, Marie-Noëlle. Au Théâtre Paris-Villette, du 26 septembre au 12 octobre.



Source link : https://www.lesinrocks.com/arts-et-scenes/avec-quichotte-gwenael-morin-reinvente-et-reenchante-le-chef-doeuvre-de-cervantes-626023-22-09-2024/

Author : Igor Hansen-Løve

Publish date : 2024-09-22 06:00:00

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Tags :Les Inrocks

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