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Union européenne : et Ursula von der Leyen inventa la Commission version “Tonton flingueurs”

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au Parlement européen à Strasbourg, le 17 septembre 2024




“Fragmentation” : c’est le dernier mot à la mode en Europe depuis la publication du rapport de Mario Draghi sur l’avenir de l’Union européenne, dont le constat sans concession tranche avec le style feutré de la bulle bruxelloise. Fragmentés, le marché des capitaux et la base industrielle de défense pourtant nécessaire à notre sécurité. Fragmentée, la politique industrielle où chaque Etat veut ses usines de batteries, ses champions, ses financements pour ses innovations technologiques plutôt que traiter le sujet à la seule échelle qui vaille pour faire pièce aux mastodontes chinois et américain : celle du continent. Fragmentées, la stratégie de décarbonation et la politique commerciale qui ont donné à la Chine la clé de l’industrie automobile européenne. Ce qui est en jeu ? “La lente agonie” de l’économie européenne, pour reprendre les mots de Draghi, et, avec elle, de notre liberté de choisir notre destin.Mario le sage a parlé. Et maintenant ? Comment les responsables politiques européens, à Bruxelles et dans les Etats membres, vont-ils se saisir de cette “âpre vérité” et proposer les nécessaires réformes ? La gouvernance européenne impose à trois entités – les Etats membres, le Parlement européen et la Commission, garante des traités, donc de l’intérêt commun européen – de s’entendre sur les décisions à prendre. Qu’attendre de chacun ? Par définition, les Etats membres incarnent la fragmentation européenne : ils défendent leurs intérêts nationaux. Dans le passé, certains leaders ont su articuler priorités nationales et européennes. Mario Draghi fait partie des dirigeants de cette trempe. Sauf que, en repoussant la publication de son rapport après les élections européennes, Bruxelles et certains Etats membres ont voulu neutraliser le poids politique de l’ancien président de la Banque centrale européenne : ce qui aurait pu être la feuille de route d’un grand dirigeant européen est devenu le rapport d’un vénérable augure qu’on écoute… avant de s’en retourner vaquer à ses petits jeux politiciens. Quant au Parlement européen, jamais il n’a été aussi fragmenté.Une Commission version Tonton flingueursReste la Commission. Il y aurait beaucoup à dire sur le casting proposé au Parlement par sa présidente, Ursula von der Leyen, mais tenons-nous en pour l’heure à deux certitudes. La première est que cette dernière renforce sa position. Les chevauchements multiples de compétences entre les portefeuilles – par exemple entre Teresa Ribera, chargé de la transition énergétique et de la concurrence et Stéphane Séjourné, chargé de la réindustrialisation – sont présentés comme une réponse à l’inefficacité des politiques en silo dénoncée dans le rapport Draghi : chacun devra travailler avec les autres. En réalité, ils sont l’assurance de rapports de force multiples, favorables à Ursula von der Leyen. Après le quasi-limogeage de Thierry Breton, la présidente allemande invente la Commission version Tonton flingueurs avec ces portefeuilles éparpillés façon puzzle.Deuxième certitude : il se confirme que la séquence catastrophique ouverte par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin aura achevé de réduire l’influence française à Bruxelles. Se laisser imposer la nomination de deux socialistes antinucléaires, l’Espagnole Teresa Ribera et le Danois Dan Jorgensen, commissaire à l’énergie, pour chapeauter les deux services qui ont la haute main sur les investissements énergétiques et leurs règles de financement public – par le truchement de la direction de l’énergie et surtout de la toute-puissante direction de la concurrence -, relève de l’exploit à l’heure du retour en force du nucléaire partout en Europe. Verra-t-on, en réaction, une nouvelle coalition stable d’Etats pronucléaires ? Pas forcément : attention à l’émergence de majorités ad hoc surprenantes à l’heure où les pays d’Europe centrale et baltique sont obnubilés par les questions de sécurité – on le serait à moins… -, donc prêts à des compromis sur tous les autres sujets pour promouvoir leur agenda de défense. “Notre Europe est mortelle”, se plaît à répéter le président français. L’industrie nucléaire française et européenne aussi.Cécile Maisonneuve est fondatrice de Decysive et conseillère auprès du centre Energie et Climat de l’Ifri



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Author : Cécile Maisonneuve

Publish date : 2024-09-22 08:30:00

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