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Procès de Mazan : faut-il changer la loi sur le viol ?

Procès de Mazan : faut-il changer la loi sur le viol ?



“Quand on voit la défense des avocats et ce que disent les accusés […] , on voit qu’on a un problème avec la manière dont on définit le viol.” Invitée la semaine dernière sur le plateau de Public Sénat pour parler du procès des viols de Mazan, Mélanie Vogel a évoqué les problèmes posés par la définition pénale du viol.

Comme elle, plusieurs associations et collectifs féministes plaident depuis plusieurs années pour que la notion de consentement soit inscrite dans la loi. La sénatrice écologiste avait d’ailleurs déposé une proposition de loi allant dans ce sens à l’automne 2023.

Consentement explicite

“C’est quelque chose que l’on comprend très bien dans la société, à partir du moment où l’on parle de n’importe quoi d’autre que du corps des femmes, a continué Mélanie Vogel. Si vous regardez la violation de domicile : vous êtes chez vous, vous n’avez invité personne, vous êtes en train de lire dans votre canapé, et quelqu’un rentre chez vous. Vous n’êtes pas censés rentrer chez quelqu’un qui n’est pas d’accord, tout le monde comprend cela. Mais quand c’est à propos du corps des femmes, soudainement il y en a qui disent ‘je ne savais pas qu’elle n’était pas d’accord’. Il n’y a que pour le corps des femmes que soudainement, on considère que sans indication contraire, il est disponible. Eh bien non, c’est l’inverse, il n’est pas disponible sauf avec consentement.”

Depuis l’affaire dite de “La Meute” en Espagne – le viol d’une jeune femme par cinq hommes – qui avait sidéré la population et déclenché plusieurs manifestations dans le pays, la loi sur le viol a été modifiée en 2022 pour y inscrire la notion de consentement explicite. Le procès de Mazan pourrait-il, lui aussi, être le catalyseur d’une réforme judiciaire en France ? Éléments de réponse avec Violaine de Filippis-Abate, avocate engagée et cofondatrice d’Action Juridique Féministe. 

Comment le Code pénal définit-il le viol ?

Violaine de Filippis-Abat – Actuellement, le Code pénal définit le viol comme “tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise”. 

Quels problèmes pose cette définition légale qui ne mentionne pas explicitement la notion de consentement ? 

D’une part, je pense que l’élément matériel du viol, c’est-à-dire la pénétration par violence, menace, contrainte ou surprise, n’est pas clairement défini. Or, c’est légitime, surtout quand on n’est pas juriste, de se demander ce que signifie un viol par surprise ou par contrainte. Ça pose donc un problème d’intelligibilité de la loi qui reste perçue comme pas claire, y compris par les victimes. D’autre part, ce serait intéressant de continuer à s’interroger sur comment intégrer la notion de consentement à la loi. Je pense qu’il serait possible de le faire sans pour autant supprimer les cas qui matérialisent cette absence de consentement, à savoir la violence, la menace, la contrainte ou la surprise ; mais à condition donc, de les définir. Par ailleurs, concernant l’élément moral du viol, c’est-à-dire la volonté de violer, réformer la définition du viol pourrait être l’occasion d’aller vers un dispositif légal qui présumerait de l’intention de violer de la part de l’agresseur dans certains cas, notamment quand la victime est inconsciente.

Les cas de soumission chimique rentrent-ils dans la catégorie “contrainte” ou “surprise” ?

Comme la définition pénale du viol ne définit pas précisément la contrainte ni la surprise, la jurisprudence a parfois recours à la notion de contrainte ou à celle de surprise, parfois aux deux cumulativement, pour qualifier l’élément matériel du viol en cas de soumission de chimique. Ce qui est regrettable, c’est que l’absence de définition légale de ces deux notions peut donner lieu à des débats dans le prétoire qui sont encore plus lourds et douloureux pour les victimes de violences sexuelles. De la même manière, le fait qu’il n’y ait pas de présomption d’intentionnalité laisse la voie libre aux avocat·es de la défense pour dire que leurs clients n’avaient pas l’intention de violer, comme ça a été le cas au procès de Dominique Pelicot et des autres accusés pour les viols perpétrés à Mazan. Cela donne des arguments extrêmement durs à entendre pour les victimes. 

Le procès Mazan pourrait-il faire évoluer la loi comme le procès de “La Meute” l’a fait avec la loi espagnole ?

Je pense qu’en théorie, ce procès pourrait servir à un plaidoyer parlementaire fort en faveur d’une redéfinition pénale du viol. Un texte qui serait, vu le contexte, soutenu par l’opinion publique et par les associations féministes, mais compte tenu de la composition actuelle de l’Assemblée nationale, je ne sais pas quelles sont les chances que cela aboutisse. On peut également douter du contenu final d’une telle réforme, si elle venait à être adoptée : il serait regrettable qu’elle aboutisse à un simple texte de compromis se cantonnant à des mesures utiles mais toujours insuffisantes pour assurer une protection réelle des victimes de violences sexuelles. 



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Author : Julia Tissier

Publish date : 2024-09-23 15:28:39

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