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Tout le bien qu’on pense du “Monde n’existe pas”, polar bizarroïde avec Niels Schneider

Tout le bien qu’on pense du “Monde n’existe pas”,  polar bizarroïde avec Niels Schneider



Au dernier festival Séries Mania, il n’y avait pas photo dans la compétition française pour spotter ce qui relève encore de l’exception. Après ses excellents films Perdrix (2018) et La Fille de son père (2023), puis la réalisation de l’intéressante comédie politique Sous contrôle (Arte, 2023), le reconverti Erwan Le Duc – ancien journaliste – confirme sa place singulière entre les deux pôles ciné et séries, et son aisance à la barre de récits ligne claire souvent déchirants qu’il façonne avec une précision de plus en plus aiguë. En quatre épisodes, il adapte pour Arte un roman de Fabrice Humbert sorti en 2020 chez Gallimard.
Si Le monde n’existe pas se déroulait en Amérique, autour d’un journaliste du New Yorker de retour dans la ville de son adolescence pour enquêter sur une affaire de meurtre impliquant celui qu’il adulait, le premier geste d’appropriation d’Erwan Le Duc consiste à relocaliser l’histoire en France, dans le Nord.
Un héros à la vie perso en ruine
La ville, fictive, s’appelle Guerches-sur-Isoire. Adam Vollmann, employé dans un grand quotidien national, se retrouve là après avoir demandé à couvrir l’affaire, mais on sent que ses raisons sont mystérieuses, qu’une attraction fatale le guide vers ce mythe intime qu’était pour lui il y a vingt ans Axel Challe, désormais meurtrier présumé et fuyard.
Au lieu de surligner ce qui anime son personnage, la série préfère jouer une forme de bizarrerie souvent comique, à travers par exemple un assistant vocal franchement pénible dans la voiture de location d’Adam. Niels Schneider interprète ce jeune homme avec une rage pas toujours rentrée et une sorte d’intensité médusée. On l’aimait déjà beaucoup, mais ce rôle tête rasée, regard habité, vie perso bientôt en ruine le porte vers de nouvelles hauteurs.
Au fil des épisodes, des rencontres et des indices qu’il parvient à trouver, l’ennui le guette et quelque chose se brouille. Les photos, vidéos ou témoignages recueillis par Adam deviennent autant de chausse-trappes potentielles. Avec l’idée – déjà centrale dans le roman – que nos vies sont d’abord des histoires que l’on écrit de façon plus ou moins maîtrisée.
La série ne joue jamais la démonstration de force visuelle, mais plutôt l’épure et les cadres rigoureux
S’embarquer dans le mauvais récit, c’est se retrouver piégé·e, et même prendre le risque de s’égarer. La confusion devient alors un mode de vie. Adam Vollmann se transforme parfois en héros lynchien, influence assumée d’Erwan Le Duc et référence concrète dans une scène très Twin Peaks: The Return, où son personnage hurle au ralenti et en staccato, comme s’il nous donnait un accès direct à sa tête brûlée. C’est d’autant plus impressionnant que Le monde n’existe pas ne joue jamais la démonstration de force visuelle, mais plutôt l’épure et les cadres rigoureux.
Chez ses personnages – autour de Vollmann, une ribambelle d’ancien·nes élèves, de connaissances, de collègues, de proches –, Le Duc traque le point de rupture. Mais une rupture douce, discrète, comme une dissonance qui n’en a pas toujours l’air, avant l’explosion.
Un étrange retour sur soi
Sur un ton proche de celui de ses films, le réalisateur démontre son talent à capter les débordements, mais aussi les introversions, tout ce qui se joue à la lisière entre le dedans et le dehors. Rien de psychologique là-dedans, juste un don d’observation des mouvements des corps, du rapport plus ou moins terrible des un·es et des autres aux paysages, à leurs frères et sœurs humain·es, à l’architecture, au ciel.
La série pourrait être froide, presque empaquetée dans sa mise en scène au cordeau, mais elle assume trop bien les fractures identitaires et la violence de ses héros et héroïnes pour nous perdre. Le quatrième épisode, un peu moins abouti que les autres – même s’il reste très bon, surtout dans ses ultimes minutes –, ne gâche pas le sentiment de fluidité de l’ensemble.
Avec sensibilité, Erwan Le Duc fait du retour chez soi un étrange retour sur soi. Les premiers émois adolescents d’Adam resurgissent, la matière des souvenirs dérègle le présent, comme un trouble recomposé a posteriori. Ici, on est parfois l’ombre de soi-même, mais on apprend à vivre avec ça. “Moi aussi j’ai pu croire que la vie serait plus grande”, dit une femme, comme pour tendre un miroir.
Le monde n’existe pas d’Erwan Le Duc, avec Niels Schneider, Julien Gaspar-Oliveri, Maud Wyler. Depuis le 19 septembre sur arte.tv et sur Arte le 26 septembre.



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Author : Olivier Joyard

Publish date : 2024-09-23 10:00:00

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