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Lou Lampros : “Mon incessante envie de m’échapper s’apaise au contact du cinéma”

Lou Lampros : “Mon incessante envie de m’échapper s’apaise au contact du cinéma”



Éloquente, l’actrice de 22 ans l’est tellement qu’elle nous facilite la tâche. Herméneute de son propre travail, elle commence par nous donner la clé de sa vie et de sa filmographie encore frémissante : “Mon truc à moi, c’est que, depuis que je suis toute petite, je me barre en courant.”
Ce motif de la fuite, elle l’illustre par son rejet de l’école et son impossibilité à rester en place, mais on le retrouve aussi dans les deux premiers rôles qu’elle a jusque-là composés. Dans Ma nuit d’Antoinette Boulat (2021), elle emporte le film au bout d’une virée nocturne à travers un Paris endeuillé par les attentats, mais surtout éperdu de jeunesse et de liberté. Tandis que dans Jacky Caillou de Lucas Delangle (2022), ses traits de nymphe se métamorphosent en ceux d’une louve-garou traquée.
En quête d’affranchissement
À ce titre, son rôle dans le nouveau film de Gaël Morel, Vivre, mourir, renaître, marque une rupture. Elle y campe une jeune femme qui aime un homme (Théo Christine), qui l’aime tout en aimant aussi un autre homme (Victor Belmondo). S’installe un trouple vite brisé par l’arrivée de l’épidémie de sida. Ce personnage est, selon Lou Lampros, son premier rôle de femme : “Parce qu’il s’agit d’une mère, mais aussi parce qu’elle est confrontée à la maladie. Je pense que la souffrance fait grandir. Et c’est aussi mon rôle le plus ample, puisqu’il se déploie sur une fresque qui court sur plusieurs années. Par le passé, j’ai plutôt recherché à travers mes rôles une forme d’affranchissement des stéréotypes féminins.”
Affranchie, l’actrice l’a très vité été de ses parents et de sa scolarité pourtant obligatoire. Ayant grandi avec trois frères dans le Marais et au sein d’une famille d’artistes gréco-américaine, elle se décrit comme “une enfant de la ville” : “J’ai vraiment passé mon enfance et mon adolescence dehors. J’ai voulu me barrer de chez mes parents le plus tôt possible. Le problème n’était pas que j’étais particulièrement mal chez eux, c’est plutôt que j’avais un désir impérieux de m’échapper.”
L’ascension vers le cinéma
À 13 ans, elle sort d’un cours de danse et se fait repérer par la photographe de mode italienne Alice Rosati. Sa carrière de mannequin décolle vite et lui donne les moyens d’une première évasion : “Comme j’avais du blé, j’ai commencé à me désintéresser de l’école, je me faisais systématiquement exclure et j’étais chaque année menacée de redoublement. En troisième, je n’avais pas le même niveau que les autres. Je suis partie de chez mes parents à 15 ans et j’ai vécu toute une série d’expériences, positives comme négatives. Je faisais beaucoup la fête, je voyageais sans trop me poser de questions. À 19 ans, je me suis retrouvée sans bac ni brevet. J’ai pris conscience que mon incessante envie de m’échapper s’apaisait au contact du cinéma, que c’était mon endroit, le seul que je ne voulais pas fuir.”
Forte de son expérience dans le mannequinat, elle enchaîne les castings et décroche vite des petits rôles dans Madre de Rodrigo Sorogoyen (2019), Médecin de nuit d’Elie Wajeman (2020), The French Dispatch de Wes Anderson (2021), De son vivant d’Emmanuelle Bercot (2021) et la série Irma Vep d’Olivier Assayas (2022), avant de connaître donc son premier rôle principal avec Ma nuit d’Antoinette Boulat, cinéaste et directrice de casting qui a beaucoup compté dans son parcours : “Elle est ma fée, je lui dois ce premier rôle, mais elle m’a aussi permis d’en décrocher d’autres et m’a transmis son amour du cinéma.”
“J’avais besoin de trouver du sens ailleurs”
En dehors des plateaux qui l’aimantent et la font grandir, sa formation, elle la doit d’une part à un capital socioculturel dont elle a conscience, mais aussi à une série de rencontres déterminantes, comme cette amie plus âgée qui lui a refilé “des piles de bouquins à lire dès 16 ans, Nietzsche, Kundera, etc.”. “Elle me disait ‘si tu lis, tout ira bien’, elle avait raison, c’est la littérature qui m’a éduquée”, raconte-t-elle. Ou encore ce professeur de philosophie qui lui donne des cours tous les jours pendant sept mois en échange de bouteilles de whisky.
Avec le temps, elle a réalisé que son inadaptation à l’école venait plus d’un trouble de l’attention et d’une hyperactivité que d’un refus d’apprendre : “J’ai besoin de comprendre par moi-même et d’être constamment stimulée par ce que je fais. J’avais besoin de trouver du sens ailleurs et j’en ai trouvé dans le métier d’actrice.”
La force de l’ambition
Habitée et ambitieuse, celle qui fréquente aujourd’hui le conservatoire du VIIIe arrondissement de Paris se dit plus attirée par “le désordre, l’absurde, l’organique que l’ordre, le sérieux et la technique”. Actrice instinctive, Lou Lampros est d’une beauté frappante ; mais au-delà de ses traits botticelliens, ce qui captive chez elle, c’est plutôt son regard. Dans ses yeux s’anime toujours la trace d’une véhémence tapie dans l’ombre.
Son jeu a l’épaisseur d’un cuir déjà bien tanné, à l’image d’une Béatrice Dalle, qu’elle admire autant que Catherine Deneuve et Gena Rowlands. Alors que sort en salle Vivre, mourir, renaître, elle est déjà sur un nouveau projet, Les Furies de Camille Ponsin, dans lequel elle incarne la fille du personnage interprété par Céline Sallette, une fille qui grandit dans une communauté néo-rurale dans les Cévennes et qui s’en échappe pour vivre dans la forêt pendant quinze ans. Une évasion de plus.
Vivre, mourir, renaître de Gaël Morel, avec Lou Lampros, Victor Belmondo, Théo Christine. En salle le 25 septembre.



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Author : Bruno Deruisseau

Publish date : 2024-09-24 11:51:52

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