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Ces 8 films de Coppola qu’il est grand temps de (re)découvrir

Ces 8 films de Coppola qu’il est grand temps de (re)découvrir



Les Gens de la pluie (1969)
Avant que Francis Ford Coppola ne livre au monde Le Parrain au début des années 1970, il réalise une poignée de longs métrages au cours de la décennie précédente, celle de sa vingtaine. Il fait ses premières armes dans la sexploitation, notamment avec Tonight for Sure (1962), où il reprend un de ses courts métrages qu’il mêle à des images de western dans un cabaret de strip-tease. Il tourne ensuite un curieux slasher en noir et blanc, Dementia 13 (1963), où il pose sa caméra dans un château en Irlande pour un film d’étang et de jardins plongé dans la nuit et les crimes. Vient ensuite Big Boy (1966), film déréglé sur l’émancipation sexuelle où le cinéaste expérimente joyeusement, ce qui lui vaut sa première sélection en compétition à Cannes en 1967.
De genre en genre, Coppola se lance ensuite dans un film musical, La Vallée du bonheur (1968), avec Fred Astaire et Petula Clark qui campent un père et sa fille en quête fantaisiste d’un eldorado. Mais c’est avec Les Gens de la pluie (1970) que le cinéaste livre son premier grand film. Il a alors 30 ans et il y met en scène deux acteurs majeurs de sa grande œuvre : James Caan et Robert Duvall. Deux figures masculines qui rôdent autour du personnage de Shirley Knight, désarmante. Un matin comme un autre, elle se glisse hors du lit conjugal et prend la tangente à bord de sa Ford Torino pour gagner un peu de liberté.
Le titre vaut pour une anecdote qui y est racontée en quelques secondes : les gens de la pluie seraient des créatures qui disparaissent quand elles pleurent car elles fondent. Ce road movie intimiste est ainsi contaminé par de nombreux flashbacks qui interrompent le flux du voyage, comme des gouttes de chagrin qui viennent embuer le récit. Coppola y dessine le portrait bouleversant d’une femme sans cesse rattrapée par les hommes et le drame, jusqu’à ce que la mort ne vienne clore le voyage. La fin tragique du road trip ne pouvait pas mieux annoncer l’épopée mafieuse et sanglante qui allait suivre. Où les femmes pleurent les hommes qui s’entretuent.
Conversation secrète (1974)
Harry Caul (Gene Hackman, génial) est un “écouteur” professionnel, un ingénieur du son éprouvé qui décrypte des enregistrements audio pour que d’autres s’en servent à des fins juridiques ou policières. Caul s’en fiche. Jusqu’au jour où il entend une conversation qui lui laisse croire qu’un couple est en danger de mort. Conversation secrète occupe une place singulière dans la filmographie de Coppola : il le tourne entre Le Parrain (1972) et Le Parrain 2 (1974), laissant même son monteur le finir tout seul.
Or, paradoxalement, ce film au budget modeste est la première Palme d’or que reçoit Coppola à Cannes, en 1974 – avant celle de 1979 pour Apocalypse Now. Aux Oscars de 1975, Le Parrain 2 bat pourtant Conversation secrète. Il n’en demeure pas moins un film étonnant, entre Blow-Up de Michelangelo Antonioni et Blow Out de l’ami de Coppola Brian De Palma, très en phase avec le cinéma de paranoïa politique des années 1970, tendance Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack ou Alan J. Pakula. Certain·es (comme le critique Jean-Baptiste Thoret) ont parfois théorisé que ces films, dans leur forme même, étaient influencés par les images de l’assassinat de Kennedy. Peut-être. Un film en tout cas incroyable.
Coup de cœur (1982)
Conçu par Coppola comme un “petit” film après l’harassante expérience d’Apocalypse Now, qui a failli lui coûter la vie – mais lui a finalement rempli les poches de dollars –, Coup de cœur (One from the Heart en VO) est, sur le papier, une comédie musicale de remariage comme Hollywood en a produit à la chaîne lors de son âge d’or. Sauf qu’avec Coppola, rien n’est jamais petit. Soucieux, comme à chaque fois, de bouturer le passé et le futur de son art, le savant fou reconstitue le vieux Las Vegas dans ses studios flambant neufs de Los Angeles, teste des nouvelles techniques de prise de vues (le cinéma électronique) et laisse le budget filer, au nez et à la barbe des comptables…
Le résultat est – outre une inévitable faillite financière – un émerveillement pour les yeux, les oreilles et le cœur… Tout le génie du film tient dans ce qu’on lui a reproché à l’époque : l’artificialité des corps et des décors, cette gaucherie de deux prolétaires (les méconnu·es Teri Garr et Frederic Forrest) coupables de rêver dans un monde où les rêves sont instantanément punaisés et mis sous cloche, comme des insectes au musée d’histoires pas naturelles. C’est ce qui en fait précisément un grand film sur Vegas, sur les faux-semblants et l’amour vrai, treize ans avant Showgirls de Paul Verhoeven. Coppola (accompagné de ses fidèles Vittorio Storaro à la photo et Dean Tavoularis à la direction artistique) fait mille tours de passe-passe avec trois néons, six boulons et douze chansons (de Tom Waits et Crystal Gayle), inventant l’esthétique du clip et préfigurant le primitivisme techno-romantique de Leos Carax ou Yann Gonzalez. “I love you more than all these words can ever say. Oh baby, this one’s from the heart.”
Outsiders & Rusty James (1983)
Il faut sortir Outsiders de l’éclipse où l’a plongé son faux jumeau Rusty James, tourné la même année dans la même ville et avec le même Matt Dillon. Extirpé du désastre commercial de Coup de cœur, Coppola entame sa renaissance auprèsde ce qu’il n’a encore que peu filmé : des enfants et des adolescent·es. Plus exactement des bandes rivales de l’Amérique du début des années 1960 ; celle de Grease, de La Fureur de vivre ou d’American Graffiti de son complice George Lucas – prédécesseurs d’un teen movie à la mythologie balbutiante, appelée à exploser très bientôt (Fast Times at Ridgemont High est sorti l’année précédente, John Hughes attaquera sa série de hits la suivante). Coppola en livre une version dure, libre, sauvage, privée de tout repère : il n’y a ni famille ni école dans ce portrait d’une génération d’orphelins (ainsi que de futures vedettes : Patrick Swayze, Tom Cruise, Rob Lowe) empreint de toute une cinégénie mortifère de l’adolescence, qui n’échappera pas à ses continuateurs mélancoliques – pas un hasard si Dillon atterrira très vite chez un certain Gus Van Sant.
Plus noble qu’Outsiders par la splendeur de son noir et blanc, ses personnages filmés comme les dieux d’un Olympe populaire américain, Rusty James marque le retour de Coppola, déjà, à une quête de virtuosité, voire de pyrotechnie. Un prolongement formaliste d’Outsiders, dont le film semble tirer une sorte d’enluminure maniériste en même temps qu’il en solde l’univers. De cette adolescence des bandes et des bagarres de rue, il veut cette fois peindre le crépuscule, cristallisé par la transmission tourmentée liant le Motorcycle Boy (Mickey Rourke), loubard repenti de retour au bercail, et son jeune frère Rusty James, qu’il voudrait éloigner d’un destin violent s’il en est encore temps. Du Parrain à Tetro (2009), il n’est jamais aisé chez Coppola de régler son rapport à un frère admiré – c’est de son propre frère August, père de Nicolas Cage, qu’il est toujours question dans ces films éminemment personnels, chargés de mythologies d’enfance et de complexes familiaux, et qui font de Rusty James une des clés les plus essentielles pour comprendre Coppola.
Peggy Sue s’est mariée (1986)
Dans les années 1980, Francis Ford Coppola tourne un film par an. Souvent des commandes. Il faut éponger les dettes faramineuses contractées pour Coup de cœur. Il hérite du projet Peggy Sue s’est mariée dont personne ne veut. Un an plus tôt, Retour vers le futur a électrisé le box-office et tout le monde veut surfer sur la vague des paradoxes temporels. Avec Peggy, ce sera plutôt retour dans le passé, soit l’histoire d’une jeune femme (Kathleen Turner) telle une Alice au pays des merveilles, voyageuse du temps transportée dans ses années lycée auprès de celles et ceux qu’elle a aimé·es. Sous la contrainte de la commande, et malgré l’envergure a priori mineure de ce mélo rose bonbon, Coppola réalise pourtant l’un de ses films les plus bouleversants et personnels. Dans cette irrésistible comédie de remariage teintée de mélancolie, partie à la recherche du temps passé, se devine le portrait d’un cinéaste prêt à tout revivre et peut-être à tout pardonner, entouré des images de sa vie. Des années avant de réaliser Dracula (1992) et L’Homme sans âge (2007), c’est comme si Coppola rêvait déjà d’éternité.
Dracula (1992)
Dernière superproduction à succès du cinéaste avant une série d’échecs et une lente marginalisation de l’industrie, Dracula est un sommet d’esthétique baroque doublé d’un retour au fantastique d’un des premiers films de Coppola, Dementia 13 (1963). Avec cette adaptation assez fidèle au texte de Bram Stoker, il répond à une commande portée par sa future actrice principale Winona Ryder et réalise une œuvre à l’ambition, comme souvent, démesurée. En plus d’un casting XXL (Gary Oldman, Anthony Hopkins, Tom Waits, Keanu Reeves et Winona Ryder donc), le film bénéficie des costumes absolument somptueux de l’artiste japonaise Eiko Ishioka. Avec son hommage au cinéma muet et à ses trucages non-numériques (surimpressions, fausses perspectives, caméra renversée) et sa texture en sfumato, son Dracula est une hallucinante fresque érotico-rococo.
Twixt (2012)
Twixt, film le plus en marge de l’œuvre de Francis Ford Coppola, en est le cœur secret. Il est son “cœur révélateur”, au sens de la nouvelle d’Edgar Allan Poe, qui joue le rôle de Virgile dans cette réécriture par Coppola de La Divine Comédie. Plusieurs siècles après Dante, un écrivain “au milieu du chemin de sa vie” entre “dans une forêt obscure dont la voie droite s’est perdue”. Le romancier insomniaque (Val Kilmer), sorti d’une intrigue gothique de Stephen King, est le double de Coppola. Twixt est un autoportrait. Sa beauté tient à la porosité de la mise en scène, qui entraîne les spectateur·rices dans une dérive spectrale.
Obsédé par une jeune fille défunte (Elle Fanning), l’écrivain remonte le temps jusqu’à l’heure de son traumatisme intime, ce moment où la temporalité humaine se met à tourner en sens inverse et accouche de cette monstruosité : la mort d’un·e enfant. La traversée des enfers dantesques aboutit à la séquence sidérante où Coppola reconstitue, sur la surface d’un lac identique à un écran de cinéma, l’accident atroce de hors-bord qui a coûté la vie à son fils Gian-Carlo, à 22 ans. “Twixt” est un terme médiéval signifiant “entre”, ce royaume entre la vie et la mort depuis lequel Coppola nous adresse ses films.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/ces-8-films-de-coppola-quil-faut-redecouvrir-629983-25-09-2024/

Author : Florianne Segalowitch

Publish date : 2024-09-25 10:00:00

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