La semaine dernière, plus de 200 hommes, parmi lesquels on compte Guillaume Meurice, Flavien Berger ou encore Baptiste Beaulieu, ont signé, dans le journal Libération, une tribune en forme de “feuille de route contre la domination masculine”. Initié par le thérapeute, essayiste, spécialiste des questions de genre Morgan N. Lucas, ce texte questionne la place des hommes sept ans après le mouvement #Metoo : “Où en sommes-nous ? Qu’avons-nous appris ? Comment nous sommes-nous positionnés ? Où sommes-nous lorsque nos potes, nos collègues, nos frères ont des comportements ou des propos sexistes ? Où sommes-nous lorsque les femmes sont agressées ? ”
La tribune s’adresse ensuite à “tous les hommes pour qui le procès Pelicot est un point de bascule”, “ceux qui refusent de continuer à participer à un système qui, pour exister, a besoin de dominer la moitié de la population”. En référence à Vincent Lindon qui, en mai dernier, demandait à être “guidé” pour pouvoir “accompagner les femmes” – l’acteur avait d’ailleurs été largement critiqué après ses propos –, le texte propose une feuille de route “donnée par un homme aux autres hommes parce qu’il va falloir arrêter de demander aux femmes de nous mâcher le travail”.
Pour et contre
Dans les cercles féministes, le texte suscite des réactions disparates. D’un côté, celles qui préféreraient que les hommes fassent profil bas, de l’autre, celles qui estiment qu’il est indispensable que ces derniers s’allient publiquement à la cause féministe.
Du premier côté du spectre, on trouve la militante féministe Caroline de Haas qui a rapidement réagi sur son compte Instagram en expliquant pourquoi ce type d’initiative la mettait “très (très) mal à l’aise” pour plusieurs raisons. La première, nous explique-t-elle au téléphone, c’est la présence d’“hommes violents parmi les signataires qui en profitent pour asseoir leur impunité” : comment on fait quand on sait que c’est à chaque fois ?, interroge celle qui a décidé depuis bien longtemps de ne plus faire de tribunes mixtes.
View this post on Instagram A post shared by Caroline De Haas (@carolinedehaas)
“Une dépolitisation totale de la pensée féministe”
Puis, Caroline de Haas souligne que, de manière générale, “les femmes sont encore sous-représentées dans la prise de parole publique” et qu’elle ressent une profonde gêne qu’on “reparle des hommes” pour “des sujets qui concernent exclusivement les femmes, pour lesquels elles sont particulièrement légitimes pour être écoutées et pour prendre la parole”. Imaginer que “sans les hommes, on n’y arrivera pas, précise-t-elle, constitue selon moi une dépolitisation totale de la pensée féministe”.
Pour elle, la lutte féministe est “une lutte sociale” et “quand on pense aux luttes sociales, on sait que le rapport de force est central pour faire bouger les lignes. Penser que les hommes vont renoncer à leurs privilèges parce qu’on va les convaincre de se battre avec nous, c’est un peu naïf”, estime-t-elle.
“Les hommes, tous les hommes sont concernés”
Un avis qui n’est pas partagé par la philosophe Camille Froidevaux-Metterie qui a défendu un autre point de vue sur France Inter lundi soir dans l’émission Le téléphone sonne. “On est dans un moment important où il est temps que les hommes prennent leur part, a-t-elle assuré au micro de Fabienne Sintes. Ça fait une petite dizaine d’années que les féministes sont mobilisées sur toutes ces questions liées notamment aux violences sexuelles mais pas seulement et il se trouve que tel que les choses se présentent politiquement, ce qui se présente devant nous, c’est de l’ordre d’une quasi catastrophe c’est-à-dire que nous ne savons quand nos revendications vont pouvoir être portées, vont pouvoir donner lieu à des lois, à des changements juridiques parce que nous avons un contexte politique qui ne va pas du tout dans le sens de ce que nous essayons d’obtenir. Et je pense que le moment est crucial de ce point de vue-là et que c’est irresponsable pour les hommes de rester à distance et de s’estimer en quelque sorte hors du jeu alors que chaque homme, dans son quotidien, a quelque chose à voir avec tout ça, et puis pour les femmes, et même certaines féministes, irresponsable parfois d’opposer aux initiatives des hommes une sorte de fin de non-recevoir, une forme d’insatisfaction permanente, avec toujours quelque chose à reprocher ou à critiquer dans ces initiatives, je trouve ça très dommageable et vraiment je trouve qu’on n’est pas à un moment ou il faut se priver d’un quelconque soutien.”
J’étais hier soir sur France Inter pour dire et redire que les hommes, tous les hommes, sont concernés par le procès des viols de Mazan. Ils doivent sortir du silence et de l’inaction pour rejoindre la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.https://t.co/st2yJiys1q— Camille Froidevaux-Metterie (@CFroidevauxMett) September 24, 2024
Sur son compte Instagram, Morgan N.Lucas, qui ne s’attendait pas à ce que “cela prenne autant d’espace dans nos cercles”, n’a pas tardé à réagir aux critiques : s’il admet que “le titre est mal trouvé”, l’auteur de la tribune tient à préciser que ce texte “n’est pas une fin en soi” mais un “caillou à l’édifice”, “un début” et entend “que par sa forme ou son fond, il ne puisse pas plaire”. Concernant les signalements visant certains signataires de la tribune, l’essayiste explique les avoir pris “très sérieusement” en compte et avoir transmis les informations qu’on lui a remontées au journal Libération. et se dit ouvert à l’échange qui est “amplement possible”.
Source link : https://www.lesinrocks.com/cheek/proces-de-mazan-les-hommes-doivent-ils-louvrir-ou-la-fermer-630101-25-09-2024/
Author : Julia Tissier
Publish date : 2024-09-25 11:53:58
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.