À chaque album enregistré sous différents pseudonymes (Christine and the Queens, Chris, Redcar et désormais Rahim Redcar), une même pensée inonde l’esprit. Ou plutôt, est-ce une évidence : oui, l’art contribue à réconcilier l’artiste avec le monde. Chez le Français, chaque chanson semble même être une revanche sur ses malheurs, une façon d’avancer, de mettre au clair ses humeurs les plus maussades, une manière de se connecter à quelque chose de plus grand que lui, plus spirituel sans doute.
Avec le temps, on a compris que cette pensée originelle pouvait également être considérée sous un autre angle, que l’art, dans certains cas, est précisément ce qui permet de réconcilier le monde avec un artiste. Sujet à de nombreux propos haineux, Rahim Redcar a en effet cette faculté à faire taire les mauvaises langues dès lors que l’on tend sérieusement l’oreille à ses albums, toujours différents, jamais fainéants. Tout n’est pas parfait, certaines intentions tombent parfois à l’eau faute de clarté, ou de mesure, mais systématiquement, on retrouve cette même pulsion créative, pure, jusqu’au-boutiste. Il y a quoiqu’il arrive chez Rahim Redcar un goût pour l’excès, jusque dans le titre de son nouvel album (Hopecore), écrit en majuscules, presque hurlé, comme s’il s’agissait pour lui de prôner un espoir total, sans inhibition, au sein d’une époque rongée par l’angoisse.
7 titres
De Forgive 8888888 à Manuela Danse, les sept titres réunis ici appuient eux aussi l’idée d’une musique pleine d’allant, ouvertement dansante, volontiers rétro-futuriste. Perpétuellement à la recherche de l’innovation, du son d’après, Rahim Redcar joue la carte de l’artiste prophétique, ne s’excuse pas de le faire, et c’est très bien ainsi.
Cela donne notamment naissance à Opera – I Understand, une épopée dantesque, étirée sur vingt minutes, tout en maîtrise et en rythmes répétitifs, un péplum subtilement nuancé qui ne substitue jamais la réflexion à l’instinct, le bon sens aux sens, qui refuse de verser dans l’outrance ou le grand final en forme d’apothéose.
Se réinventer encore et encore
Quand d’autres grands noms de la pop mettent parfois trois ans pour produire un album susceptible de chambouler les certitudes, Rahim Redcar fascine par sa propension à se réinventer chaque année, à désorienter également, quitte ici à cocufier le studio pour aller prendre du plaisir sur la piste de danse.
C’est là, au milieu d’une foule en transe, que Hopecore se démarque très nettement des albums précédents. Parce qu’il s’autorise à manipuler la génétique de la techno et de la pop pour investir les clubs. Parce que Red Birdman Emergency et Deep Holes, aussi sophistiqués soient-ils, exigent l’abandon du corps, le lâcher-prise, à l’image de cette voix qui chuchote, hurle, ose les envolées et les allers-retours entre l’anglais et le français. Et parce que Rahim Redcar, performeur dans l’âme, est incapable d’opter pour la redite. “My heart is so open wide, oh, I can be that guy”, chante-t-il, persuadé à juste titre que les meilleures vies sont définitivement celles que l’on s’invente.
Hopecore (Because). Sortie le 27 septembre.
Source link : https://www.lesinrocks.com/musique/avec-hopecore-rahim-redcar-met-un-pied-dans-la-culture-club-630285-26-09-2024/
Author : Maxime Delcourt
Publish date : 2024-09-26 14:23:21
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