MondialNews

Charles Stépanoff et Grégory Delaplace : deux essais pour réconcilier nature et culture

Charles Stépanoff et Grégory Delaplace : deux essais pour réconcilier nature et culture



Prolongeant les recherches de leurs aînés prestigieux, d’Alfred Irving Hallowell à Claude Lévi-Strauss, en passant par Philippe Descola ou Bruno Latour, de nombreux·ses anthropologues creusent aujourd’hui l’un des chantiers les plus inventifs des sciences humaines sur la fin de la séparation entre nature et culture.

La preuve avec deux textes magnifiques de Charles Stépanoff et Grégory Delaplace, publiés ces jours-ci, qui évoquent nos relations au cosmos, aux esprits, aux animaux, à tout ce qui n’a pas l’apparence de l’humanité commune. D’autres cosmologies sont possibles, nous suggèrent ces anthropologues, en mettant l’accent sur des relations horizontales de réciprocité avec le milieu vivant, et même avec les morts.

Dans Attachements : Enquête sur nos liens au-delà de l’humain, Charles Stépanoff rappelle ainsi que “nous établissons des relations fortes avec les esprits des montagnes et des fleuves, avec des dieux ou des ancêtres”. Cartographiant les diverses formes d’attachement liant des populations humaines à de nombreux environnements extra-humains, ce spécialiste des peuples de Sibérie renverse le discours de la modernité fondé sur la domination et la domestication de la nature, pour déborder la perspective anthropocentrée et intégrer les non-humains dans nos façons de vivre.

Donner une voix à tout ce qui n’en a pas

Comme le suggère Grégory Delaplace, dans son enquête anthropologique La Voix des fantômes : Quand débordent les morts, les disparu·es elleux-mêmes deviennent des sujets actifs de nos existences, par-delà les rituels funéraires et mémoriels voués à “contenir le débordement des revenants”. Les morts, selon lui, “sont encouragés par les vivants à devenir un certain type de sujet, pourvu ou dépourvu de certaines capacités, épais ou discret, visible ou occulté, banni ou attendu”.

Ils s’éduquent, en quelque sorte, ce sont des “fantômes mis au pas”, des “morts à qui les vivants ont appris à vivre, enfin”, écrit Delaplace avec les mêmes mots que Jacques Derrida dans son célèbre Spectres de Marx, réédité dans quelques jours.

Donner une dignité scientifique aux fantômes, aux animaux, aux fleuves ou aux arbres : les objets d’attention des anthropologues d’aujourd’hui élargissent la scène des savoirs dits humanistes. Donner une voix à tout ce qui n’en a pas : c’est là que se situe l’un des chantiers les plus vifs de la pensée contemporaine.

Charles Stépanoff, Attachements : Enquête sur nos liens au-delà de l’humain, La Découverte, 640 p., 27 €.
Grégory Delaplace, La Voix des fantômes : Quand débordent les morts, Seuil, 272 p., 20 €.



Source link : https://www.lesinrocks.com/livres/charles-stepanoff-et-gregory-delaplace-deux-essais-pour-reconcilier-nature-et-culture-630425-27-09-2024/

Author : Jean-Marie Durand

Publish date : 2024-09-27 10:44:54

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Exit mobile version