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Mylène Farmer au Stade de France : ça donnait quoi ?



Il y a trois types de réactions lorsque vous dites à quelqu’un que vous allez voir Mylène Farmer au Stade de France. La première consiste à jauger votre degré de Farmeritude et émane, le plus souvent, des fans de la première heure, “ah bon ? C’est ton combientième concert de Mylène ?” Si vous avez le toupet de répondre “le premier” (ce qui est effectivement le cas), vous perdez immédiatement votre interlocuteur·ice (qui ne va pas fréquenter une novice). La deuxième consiste à dire : “Mylène ? Farmer ? Mais… tu écoutes Mylène Farmer ?!!!!” La voix montant dans les aigus, les yeux légèrement écarquillés, l’interlocuteur·ice attendant de savoir s’il s’agit d’une plaisanterie. La troisième consiste à dire “Tout est chaooooooos à côtééééééé tous mes idéaux des mooooots abîmééééés” avec un sourire fendant le visage extatique genre montée de MD impromptue jusqu’à ce que vous vous mettiez, vous aussi, à entonner le fameux tube. 

Mylène Farmer, c’est un peu comme les J.O. Elle rassemble large, très large, tout en laissant pas mal de monde sur le bas-côté, sceptiques de la première heure, incapables de voir chez Mylène Farmer autre chose qu’une star de variet’ estampillée Radio Nostalgie (ce qui est très mal vu chez une partie des “expert·es” en musiques). Et pourtant, son Désenchantée, sorti en 1991, a connu un regain de popularité au sortir du Covid-19 en 2021, auprès d’une jeunesse déboussolée, souvent adepte de techno. S’est donc mis à résonner dans toutes les soirées dignes de ce nom le tube originel, ou bien un remix (par exemple, le remix très fast signé Trym du Désenchantée de Kate Ryan).

La plus grande tournée de stades en France

Mais revenons au Stade de France, en ce 27 septembre pluvieux et froid, pris d’assaut par des hordes de gens de tous âges venu·es célébrer “Mylène” – certain·es ayant même campé durant cinq jours devant le stade, comme des couvertures de survie et des piles de détritus en témoignent.

On aperçoit des perruques “à la Mylène”, mais aussi Juliette Armanet, Sandrine Kiberlain et sa fille Suzanne Lindon, Woodkid. Nevermore est tout simplement la plus grande tournée de stades en France pour une artiste : plus de 620 000 spectateur·ices au total, et 220 000 à Paris. 

Mylène Farmer enchaîne les tubes

Parler de spectaculaire, en ce qui concerne ce à quoi l’on a assisté vendredi soir, relève de l’euphémisme. D’ailleurs, le public danse peut, reste même assez statique, assis dans les gradins, debout comme des poteaux dans la fosse. La faute à la pluie et au froid peut-être, ou bien au côté spectaculaire de ce show qui invite moins à y participer qu’à s’y faire engloutir, immobilisé·es par la démesure de la proposition, aussi radicale que peut l’être une proposition au Stade de France. Des épouvantails, une grue métallique portant Mylène de gauche à droite, un décor de cathédrale, des croix géantes à l’envers, un corbeau XXL… Les cheveux sont toujours roux, nuque longue attachée façon catogan dix-huitièmiste. Les tubes s’enchaînent : Libertine, Optimistique-moi, À tout jamais, C’est une belle journée…

À noter : deux duos, l’un avec Aaron (Rayon Vert), l’autre avec Seal (Les Mots), et un hommage à Jean-Louis Murat décédé en mai 2023, avec qui elle avait sorti Regrets en 1997 sur une musique de son producteur historique, Laurent Boutonnat. À noter surtout : Mylène Farmer ne change pas (physiquement, vocalement), et signe un tel résumé de ses précédents shows, de son univers que l’on se demande s’il s’agit là d’une tournée d’adieu (elle s’appelle d’ailleurs Nevermore). Vient Sans contrefaçon, qui rappelle à celles et ceux qui l’auraient oublié le jeu aussi habile que sexy de Mylène Farmer sur le genre et l’érotisme bien avant qu’on parle même de “genre”, dans la veine d’une Madonna. Vient Désenchantée, qu’elle fait reprendre au public environ 4 fois, pleins poumons etc. Un tube comme un hymne transgénérationnel, miroir prémonitoire du chaos ambiant.

Vœu de silence

On ne citera pas tous ses morceaux, le show dure tout de même 2 heures, mais il faut noter (aussi) que son côté spectaculaire n’enlève rien à sa classe. Un show monstrueux et magistral, tout sauf grossier ou laid, déployant un monde romantico-gothique qui lorgne du côté de la fantasy. Outre le non-vieillissement de Mylène qui semble avoir 30 ans et non 63, l’autre chose très étrange sont ses chorégraphies. Presque clownesques, à l’ancienne, un enchaînement de mouvements mécaniques comme une poupée désarticulée ou rendue un peu folle, très dérangeante voire inquiétante.

Après avoir vu Mylène avancer dans un paysage enneigé, puis dans un paysage de feu, après avoir vu un mage noir géant débouler sur scène (rappelant les Gisants de Jeanne Vicerial), Mylène Farmer – qui a très peu parlé mais c’est bien normal, elle a fait vœu de silence et communique avec nous via son art – s’envole dans un ascenseur vitré, après un rappel tout de même. Pas de merci, pas de déclaration d’amour, rien. C’est sûrement ça, la classe de Mylène Farmer : proposer un spectacle total, sans noyer son public sous un déluge de sucre. 

Mylène Farmer a sorti un album live, Nevermore, le 27 septembre, et le doublera d’un film qui bénéficiera d’une projection unique le 7 novembre. 



Source link : https://www.lesinrocks.com/musique/concert/mylene-farmer-au-stade-de-france-ca-donnait-quoi-630516-30-09-2024/

Author : caroleboinet

Publish date : 2024-09-30 09:28:37

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