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“Les Oubliées de l’Arkansas” : portrait sensible d’une Amérique blanche qui déraille

“Les Oubliées de l’Arkansas” : portrait sensible d’une Amérique blanche qui déraille



Noël 2015. Monica Potts attend Darci, sa meilleure amie d’enfance, devant un mobil-home dans les monts Ozark, en Arkansas. Les deux femmes ont renoué le contact sur Facebook quelques mois plus tôt et doivent faire la route ensemble pour aller chercher les affaires de Darci dans un centre de désintoxication. Dans le cadre de son travail de journaliste politique, Potts enquête sur les femmes blanches de son âge qui n’ont pas obtenu l’équivalent du baccalauréat et, selon une étude sociologique, ont vu leur espérance de vie se réduire de cinq ans par rapport à la génération de leurs mères. Des femmes comme son amie Darci, qu’elle décide de prendre comme objet d’étude.
Dans ce roman hybride, mi-enquête journalistique abondamment sourcée, mi-récit de vie agrémenté d’interviews d’ancien·nes professeur·es et camarades de classe, Monica Potts essaie de comprendre à quel moment la vie de sa meilleure amie a dévié. Elles partaient pourtant avec les mêmes cartes en main : une intelligence remarquée à l’école, une famille installée dans la petite ville de Clinton, Arkansas, et un rêve partagé d’aller s’installer en Californie à leur majorité. Pourtant, Potts a mené de brillantes études en Pennsylvanie pendant que Darci abandonnait le lycée, tombait enceinte et développait une addiction à la méthamphétamine. Quel élément a pu faire dérailler l’existence de Darci ? Le divorce de ses parents ? Sa grossesse accidentelle ? Et pourquoi le système l’a-t-il laissée dévier sans jamais lui apporter aucune aide
“Ces Blancs non diplômés du supérieur”
Sans condescendance, avec la rigueur d’une journaliste et la sensibilité d’une romancière, Potts dresse un panorama de la société américaine des années 1980 à 2022. Plutôt que de “faire porter le blâme d’échecs collectifs sur les individus qui en souffrent” – tendance qu’elle reproche tout au long de l’ouvrage à ses compatriotes –, elle préfère décortiquer tout ce qui, dans le modèle américain, a trahi Darci : un système de santé défaillant, un accès facilité aux opioïdes, des violences conjugales jamais punies, une absence d’aide financière de l’État. L’autrice analyse aussi par un prisme féministe la manière dont l’Église baptiste, très présente dans le Sud, entrave l’émancipation des femmes en leur faisant miroiter qu’elles n’existent que pour être mères et en ne leur offrant aucune éducation sexuelle.
À quelques semaines de l’élection présidentielle américaine, Les Oubliées de l’Arkansas permet de braquer un projecteur sur ces “Blancs non diplômés du supérieur” qui forment, comme le souligne l’écrivaine, “la catégorie de la population qui vote le plus massivement en faveur de Donald Trump”, par “rejet de l’élitisme”, par conservatisme religieux et par racisme. Le roman de Monica Potts offre de nombreuses clefs de lecture pour mieux appréhender cette Amérique souvent oubliée, par les politiques comme par la fiction, et lui donne un visage humain et complexe, sans jamais la justifier ou l’absoudre. Elle nous rappelle à chaque page que le privé est plus que jamais politique et que les trajectoires individuelles permettent de comprendre les mouvements collectifs.
Les Oubliées de l’Arkansas de Monica Potts (Globe), traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Deniard, 416 p., 24 €. En librairie le 3 octobre.



Source link : https://www.lesinrocks.com/livres/les-oubliees-de-larkansas-portrait-sensible-dune-amerique-blanche-qui-deraille-628795-01-10-2024/

Author : Pauline Le Gall

Publish date : 2024-10-01 06:00:00

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Tags :Les Inrocks

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