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Censure, cyberharcèlement : une rentrée théâtrale sous tension

Censure, cyberharcèlement : une rentrée théâtrale sous tension



Dans les salles de spectacle, la rentrée se déroule dans une atmosphère étrange, où le même et l’autre se réagencent silencieusement ; de quoi nous inquiéter. On vient d’échapper à un gouvernement d’extrême droite qui aurait transformé les plateaux de théâtre en un vaste champ de bataille. Les affiches qui égaillent nos métros et nos colonnes Morris attestent que nous vivons toujours dans le même monde : Angélica Liddell met le boxon à l’Odéon, Rébecca Chaillon électrise La Criée, Julie Duclos enchante le Théâtre national de Bretagne. Partout en France, les artistes font usage de leur liberté de création. Ils et elles clivent, provoquent, amusent, donnent matière à réflexion…

Malheureusement, il y a aussi ces signaux faibles qui ne trompent pas et se multiplient en coulisse, souvent loin des grandes villes. Ce sont les pièces déprogrammées, ou tout simplement refusées dans les théâtres municipaux à cause des sujets abordés. L’immigration, par exemple, jugée à la fois trop polémique et loin des préoccupations des spectateur·rices ruraux·les. Dans un article du Monde daté du 25 septembre, la journaliste Sandrine Blanchard faisait état de cette censure insidieuse. Les équipes municipales préférant des spectacles fédérateurs et divertissants. C’est Passeport, d’Alexis Michalik, qui a fait un tabac à Paris, mais a été annulée dans plusieurs petites villes de régions, à cause du véto de plusieurs élus.

Des symptômes qui inquiètent

C’est aussi l’audition lunaire de Thomas Jolly et de Patrick Boucheron devant la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, le même jour. Le metteur en scène a été largement acclamé par le public des JO et soutenu par le pouvoir qui lui a demandé ces cérémonies : cette audition était l’occasion de le rappeler. Mais l’artiste, qui a subi un cyberharcèlement particulièrement violent pour, soi-disant, avoir tourné en ridicule la religion chrétienne, a passé un temps fou à justifier ses choix artistiques : non, il ne s’est pas inspiré de la Cène pour son tableau avec les drag queens ; non, il ne voulait pas moquer, choquer, ou dénigrer ; non, il ne voulait pas se mettre à dos l’épiscopat catholique, les croyant·es… Comme si sa célébration virait au réquisitoire.

Ce sont ces symptômes-là qui inquiètent, parce qu’ils incitent les artistes à la retenue, au doute, au discours défensif, parce qu’ils tendraient à prouver que le public n’est capable de se rassembler que sur le plus petit dénominateur commun. Ne leur donnons jamais raison. Ne soyons pas dupes : au théâtre, la guerre culturelle est déjà déclarée.



Source link : https://www.lesinrocks.com/arts-et-scenes/censure-cyberharcelement-une-rentree-theatrale-sous-tension-631213-08-10-2024/

Author : Igor Hansen-Løve

Publish date : 2024-10-08 09:12:26

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