Reliant de nombreuses structures partenaires autour de la Scène nationale Carré-Colonnes, le Festival des arts de Bordeaux (FAB) explore la création contemporaine, du théâtre aux arts visuels, en passant par le nouveau cirque, la danse, la performance, ou encore la musique. Pendant trois semaines, des propositions artistiques très diverses, volontiers insolites (et en partie gratuites), apparaissent à travers tout le territoire de la métropole bordelaise, entre intérieurs et extérieurs, d’espaces naturels en zones urbaines.
En prise directe avec le monde tel qu’il va (plutôt mal, ces temps-ci…), le festival s’attache à l’appréhender par des prismes singuliers, porteurs d’espoir et vecteurs de poésie. Résolument engagé, il doit hélas parfois subir les conséquences de la situation géopolitique internationale, comme c’est le cas cette année : l’artiste libanaise Hiba Najem – qui devait venir présenter début octobre le spectacle Chaussons aux tomates – n’a pu faire le voyage en raison des frappes israéliennes massives infligées à son pays depuis fin septembre.
Une savoureuse conférence décalée
Très ancré dans son territoire, le FAB véhicule une conscience forte des enjeux écologiques actuels et à venir, en particulier ceux liés à l’eau. Un versant spécifique de la programmation, “Suivre le fleuve et ses affluents”, leur est ainsi dédié.
Au cours du deuxième week-end de cette édition 2024, on a pu s’immerger à plaisir dans “À l’eau, la terre ?”, une investigation drolatique de l’estuaire de la Gironde conçue par l’Agence nationale de psychanalyse urbaine (ANPU), organisme de recherche peu orthodoxe. Découlant d’un minutieux travail en amont, entre enquêtes sur le terrain et consultation d’archives, le résultat final – présenté au public par Laurent Petit, cofondateur de l’ANPU – prend la forme d’une savoureuse conférence décalée qui déborde de gags, textuels ou visuels, empreints d’une ironie décalée à la Desproges.
Une pièce acrobatique un peu trop convenue
Création du collectif néerlandais Vloeistof, Sliding Slope a suscité moins d’éclats – notamment de rires. À la fois aquatique et acrobatique, cette pièce de danse théâtrale a pour principal trait distinctif son espace de jeu, un toit de maison qui flotte au-dessus de l’eau.
Les quatre interprètes évoluent en équilibre instable tout du long, au bord de la glissade. Si le dispositif possède un flagrant relief, ici encore accru par la présence en arrière-plan de l’impressionnante base sous-marine, la pièce en elle-même manque d’intrépidité artistique, semblant presque convenue.
Cohorte joyeusement extravagante
Revenons sur la terre ferme, aux côtés des 11 membres du jeune collectif francophone La Ville en feu. Dansant et chantant a cappella au milieu du public, dans le square Dom Bedos ou sur le parvis de l’église Sainte-Croix, cette cohorte joyeusement extravagante a déployé ses deux premières créations, inspirées de deux grands classiques de la musique symphonique : Le Sacre, d’après Le Sacre du printemps de Stravinsky, et Les Planètes, d’après l’œuvre éponyme de Gustav Holst. Si la seconde création, toute récente, paraît encore trop inconstante, la première s’avère vraiment exaltante, riche en éclats de corps et de voix.
C’est également la sensation que procure Le Chœur de Fanny de Chaillé, nouvelle directrice du théâtre national de Bordeaux en Aquitaine (TnBA). Portée par dix interprètes (cinq filles, cinq garçons) aux abords de la trentaine, la pièce – oscillant entre théâtre, danse, poésie et musique – entrelace fragments de souvenirs individuels, échos de l’histoire collective et extraits de poèmes de Pierre Alferi avec une maestria très inventive (mention spéciale à la séquence finale, en retour arrière accéléré). Une saisissante approche de la jeunesse d’aujourd’hui qui s’évertue à vivre, obstinément, dans le fracas du (vieux) monde.
Le Festival international des arts de Bordeaux métropole, jusqu’au 13 octobre.
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Author : Jérôme Provençal
Publish date : 2024-10-09 09:59:11
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