Arrivée dans nos contrées au début de l’été, la plateforme Max (qui accueille notamment le catalogue HBO) met enfin en ligne sa première série française, après plusieurs années de développement que l’on commençait à trouver longuettes. Ancienne de Canal Plus, Véra Peltekian a pris en charge la création originale de la plateforme qui annonce notamment Malditos, un alléchant polar dans le milieu gitan, piloté par le cinéaste Jean-Charles Hue (La BM du seigneur).
Mais Une Amie dévouée restera à jamais la première, adaptée du livre enquête d’Alexandre Kauffmann, La Mythomane du Bataclan (édition Gouttes d’or), paru en 2021. Soit quatre épisodes et un fil rouge, l’histoire de Chris (Laure Calamy), qui se trouvait à Paris le 13 novembre 2015, et, alors qu’elle n’a connu ni de près ni de loin l’horreur des attentats, participe à la création d’une association de victimes en s’inventant un destin. Fan de rock, prétendant avoir un proche en réa suite au massacre du Bataclan, elle intègre le cercle de celles et ceux qui font vivre la mémoire de l’événement. Sans sourciller et avec l’énergie du mensonge.
Un thriller sans mordant
Dès les premiers instants, l’imposture de Chris est intégrée à la série, ce qui induit une question, un suspens qui n’en est pas vraiment un : quand sera-t-elle découverte ? Une Amie dévouée lance quelques pistes devenant majeures au gré des épisodes, mais ce fil du thriller et du jeu de masques n’a pas vraiment de moelle. On connaît pour ainsi dire la fin, et l’ensemble ne trouve pas son équilibre, pour ne pas avoir choisi entre le récit de genre et une pure étude de caractères.
Filmer le mensonge, quand il confine à la maladie mentale comme ici, n’est pas une mince affaire et un sujet passionnant. Mais l’équipe créative (Just Philippot, réalisateur de La Nuée derrière la caméra, les chevronné·es Jean-Baptiste Delafon, Fanny Burdino et Samuel Doux à l’écriture) paraît un peu noyée dans ses précautions. Les personnages de victimes et proches de victimes du 13 novembre, pourtant omniprésents, apparaissent sans grand relief, ce qui fait singulièrement tache alors que le souvenir de 2015 est encore très présent dans toutes les têtes. D’un autre côté, la série ne prend pas le risque d’essayer de nous faire aimer, même un tout petit peu, le personnage de Chris, dont on découvre qu’elle a été condamnée pour escroquerie et pourrait juste n’être qu’une fille paumée, désespérément en quête de lien à une époque qui n’en produit pas. C’est une piste explorée par la série, mais pas complètement. Parce que nous aurions pu détester Chris un peu plus ?
Une série beaucoup trop timide
Une amie dévouée occupe malgré tout l’esprit, peut-être par le vertige qu’elle suggère, cette sensation d’une toute petite histoire qui reste collée à la grande comme une huître à son rocher. Mais elle le fait maladroitement, en ratant le portrait clinique de son héroïne paumée, qu’elle aurait pu tracer en prenant un peu de hauteur, en osant le trouble. Chris n’est ni une grande criminelle, ni une fille attachante, sa banalité reste finalement supérieure à son étrangeté. Cette banalité absolue aurait dû ouvrir la porte à l’abîme du vide, une sensation souvent explorée par les grands artistes. À la place, nous avons une série beaucoup trop timide et bien élevée pour convaincre.
Une amie dévouée de Just Philippot avec Laure Calamy – disponible sur Max
Source link : https://www.lesinrocks.com/series/une-amie-devouee-la-serie-adaptee-de-la-mythomane-du-bataclan-rate-le-portrait-de-son-heroine-631581-11-10-2024/
Author : Olivier Joyard
Publish date : 2024-10-11 10:41:28
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