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La Syrie pourra-t-elle vraiment compter sur la Chine pour sa reconstruction ?

Le président chinois Xi Jinping, le 18 novembre 2024 à Rio de Janeiro




En plus de treize ans de guerre civile, Bachar el-Assad a été avare en déplacements à l’étranger. L’une de ses rares visites officielles a eu lieu à Hangzhou, en Chine, en septembre 2023. Accueilli dans une pittoresque demeure au bord d’un lac, l’ex-président syrien a échangé quelques sourires et poignées de main avec son homologue Xi Jinping. L’occasion idéale de réaffirmer les liens qui unissent les deux pays et de nouer un “partenariat stratégique”.Un an plus tard, son renversement ne semble pas déconcerter Pékin. “Les relations amicales entre la Chine et la Syrie concernent l’ensemble du peuple syrien”, a assuré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois après la chute du régime.Beaucoup de paroles…Cette amitié ne date pas d’hier. Avant le début du conflit en 2011, certaines entreprises chinoises, telles que Sinopec, avaient misé sur le secteur pétrolier syrien. Des investissements gelés par la suite. Les champs pétrolifères en question sont désormais contrôlés par les Kurdes. Mais les choses pourraient bientôt changer. “Aujourd’hui, on voit des tensions entre les Kurdes et l’opposition syrienne, explique Benjamin Fève, consultant au cabinet d’analyse Karam Shaar Advisory et spécialiste du pays. Celle-ci pourrait être tentée de repousser l’administration kurde. A ce moment-là, la Chine aurait toute latitude pour récupérer ses actifs, surtout si les sanctions sur le secteur pétrolier syrien sont levées.”Malgré la guerre, la Chine se classe dans le top 3 des exportateurs vers la Syrie. En 2022, l’alliance sino-syrienne a franchi une nouvelle étape, avec la signature d’un accord intégrant Damas dans le corridor chinois des nouvelles routes de la soie. Un clin d’œil à l’histoire : Alep et Palmyre étaient des étapes clés de l’ancienne route commerciale.Pour la Syrie, ce rapprochement est crucial. Les dommages d’une décennie de guerre civile se chiffrent en centaines de milliards de dollars. Parmi ses rares partenaires, la Chine apparaît comme le candidat idéal pour la reconstruction. En 2017 déjà, Pékin avait promis d’y consacrer deux milliards de dollars. “La Chine était le choix préféré d’Assad pour reconstruire la Syrie, indique Jonathan Fulton, expert associé à l’Atlantic Council. Le nouveau gouvernement pourrait choisir de ne pas se formaliser du soutien passé de Pékin au régime d’Assad et poursuivre les discussions sur la reconstruction.”… et peu d’actesSur le terrain, pourtant, les promesses chinoises ne se traduisent pas en actes. “La Chine n’est pas un pays philanthrope, elle investit seulement lorsqu’elle a quelque chose à en tirer”, constate Fabrice Balanche, spécialiste du Moyen-Orient et auteur de l’ouvrage Les Leçons de la crise syrienne (Odile Jacob). Dans ce pays visé par des sanctions internationales et fragilisé par un conflit meurtrier, Pékin a du mal à identifier les opportunités. “La corruption endémique ne l’incite pas à investir. Il y a peu de chances que cela change avec le nouveau régime”, poursuit le chercheur.Ce “partenariat stratégique”, dont s’était félicité Bachar el-Assad, n’est en fait qu’un accord bilatéral parmi la myriade signée par la puissance asiatique… sans débouchés concrets. D’autant que les sommes allouées par la Chine aux nouvelles routes de la soie ont diminué ces dernières années. “Pékin se recentre sur son économie intérieure. Le pourvoir chinois a retenu la leçon sur les déconvenues et les risques liés à des financements de projets aux modèles économiques incertains, voire négatifs. Ses investissements deviennent plus ciblés, avec un souci de profitabilité”, note Philippe Dauba-Pantanacce, économiste à la banque Standard Chartered.Pour Fabrice Balanche, la Chine pourrait s’engager économiquement en Syrie dans un scénario précis : “Si HTC [NDLR : le groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir al-Cham] instaure un totalitarisme islamique qui aboutit à une forme de stabilité, et que la Syrie obtient des financements du Qatar, de l’Arabie saoudite ou de la Banque mondiale pour sa reconstruction, les entreprises chinoises se précipiteront dessus.” Reste que la Syrie n’est pas un allié prioritaire dans la région. “C’est un pays ami de longue date, mais qui n’a pas la même importance pour Pékin que l’Iran ou l’Arabie saoudite. Ce qui explique que la coopération ne fonctionne pas à son plein potentiel”, souligne Mohamad Zreik, chercheur au Centre pour le Moyen-Orient de l’université chinoise Sun Yat-sen.En janvier 2008, le gouvernement chinois s’était engagé à octroyer un prêt à taux zéro pour construire un “pont de l’amitié”, enjambant l’Euphrate, dans la province syrienne de Deir ez-Zor. Dix-sept ans plus tard, le projet est toujours dans les limbes.



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Author : Tatiana Serova

Publish date : 2024-12-15 11:00:00

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