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L’effet Donald Trump : comment, avant même son investiture, il a déjà changé le monde

Emmanuel Macron, le président élu américain Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky quittant l'Elysée pour Notre-Dame de Paris après leur rencontre à l'Elysée le 7 décembre 2024




Il n’est pas encore président… mais c’est tout comme. Elu le 5 novembre, Donald Trump doit accéder officiellement à la Maison Blanche le 20 janvier après avoir prêté serment sur la Bible. D’ici là, il n’est qu’un “président élu” (president elect, en anglais) sans aucun pouvoir. Cependant, loin de se tenir en retrait comme c’est habituellement le cas pendant les périodes de transition, le futur chef de l’Etat se comporte déjà comme s’il était aux affaires. Dès sa victoire électorale, il a formé son cabinet en quelques jours, multiplié les annonces sur les réseaux sociaux, monopolisé l’attention des médias. Il a rencontré ou échangé avec des dizaines de chefs d’Etat, discuté de la paix en Ukraine avec Volodymyr Zelensky, parlé de la frontière avec Claudia Sheinbaum [la présidente du Mexique] et menacé le Hamas d’un “enfer” si l’organisation terroriste ne libérait pas les otages toujours retenus à Gaza, parmi lesquels figurent des Américains. Plus généralement, il a déjà fait “bouger les lignes” en Europe, en Ukraine, au Moyen Orient et en Asie.”Mieux préparé que lors de sa première accession au pouvoir en 2016, Donald Trump agit avec plus de vitesse que ne l’ont fait ses prédécesseurs lors des périodes de transition présidentielle”, remarque l’ancien “Speaker” de la chambre des représentants Kevin McCarthy, interrogé par L’Express dans le cadre de la 17e World Policy Conference organisée à Abou Dhabi par l’Institut français des relations internationales (Ifri) du 13 au 15 décembre. “Par exemple, il a déjà mis en garde la Chine contre l’exportation de précurseurs chimiques vers le Mexique, là où est fabriqué le mortel Fentanyl avant d’être envoyé aux Etats-Unis où il provoque une hécatombe ; dans le même temps, il a invité Xi Jinping à Washington pour assister à la passation de pouvoir en janvier”, ajoute l’élu républicain qui parle d’une “accélération du tempo” depuis l’élection de Trump.Egalement présent à Abou Dhabi, le député CDU du Bundestag Norbert Röttgen renchérit : “Il y a clairement un “effet Trump”. Je n’ai jamais vu aucun président américain – ni Obama ni personne avant lui – avoir un tel impact sur les discussions géopolitiques et les relations internationales avant même d’être entré en fonction”, remarque le chrétien-démocrate qui a présidé la commission des Affaires étrangères au Bundestag jusqu’en 2021. Il détaille : “En laissant planer le doute sur le niveau de l’engagement militaire des Etats-Unis dans l’Otan, Donald Trump crée une incertitude qui fait levier sur les partenaires européens. Elle les oblige à réfléchir sur le niveau de dépenses qu’ils doivent allouer à leur propre défense au sein de l’Alliance atlantique.” Déjà, la discussion ne tourne plus autour du fameux critère des 2 % du PIB que chaque pays doit consacrer à sa défense mais autour d’un nouvel objectif de 3 %. Même ce nouveau chiffre pourrait ne pas suffire. Selon le Financial Times, Donald Trump pourrait fixer le seuil à 5 % en amont du prochain sommet de l’Otan en juin à La Haye (Pays-Pas), en échange de quoi les Etats-Unis continueraient à soutenir l’Ukraine. Sinon…Quoi qu’il en soit, chacun se positionne déjà vis-à-vis du prochain président des Etats-Unis. La centralité de ce dernier a sauté aux yeux le 7 décembre à Paris lors des cérémonies de réouverture de Notre-Dame. La simple annonce de sa venue a, semble-t-il, décidé plusieurs chefs d’Etats hésitants à effectuer le déplacement qu’ils n’auraient sans doute pas fait en son absence. Après une rencontre tripartite à l’Elysée avec Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky pour parler de la paix en Ukraine, le président a accaparé l’attention de toutes les caméras lors de son entrée “royale” dans la cathédrale. La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili s’est par exemple levée de son siège pour aller saluer Donald Trump installé au premier rang, en espérant être adoubée par l’Américain. En pleine tourmente politique, la Géorgie recherche le soutien des Etats-Unis face à la pression de Moscou qui veut forcer la république caucasienne à rentrer dans l’orbite de Moscou. Parmi les autres chefs d’Etat rencontrés à Paris figure notamment l’Italienne Giorgia Meloni, tenue en haute estime par la sphère trumpienne.Avant cela, fin novembre, le président élu avait aussi reçu le Premier ministre canadien Justin Trudeau qui s’est précipité à Mar-a-Lago, la résidence de Trump en Floride, pour parler de la sécurisation de la frontière canadienne : Trump menace d’imposer 25 % de droits de douane à Ottawa si le Canada ne stoppe pas le flux de migrants qui arrive aux Etats-Unis. “Il n’est pas banal de voir autant de dirigeants internationaux courtiser un chef d’Etat qui n’est même pas entré en fonction”, remarque Yuichi Hosoya, professeur de relations internationales à Tokyo en rappelant que 54 000 soldats américains sont stationnés au Japon. Chacun sait, avec Donald Trump, il est primordial d’entretenir une relation personnelle, comme l’Argentin Javier Milei est en train d’en construire une (il s’est lui aussi rendu à Mar-a-Lago en novembre). “Pour nourrir le lien avec Trump, reprend l’expert japonais, notre pays s’appuie sur Taro Aso [l’ancien vice-premier ministre de Shinzo Abe, de 2012 à 2021]. Sa relation personnelle avec Trump, qu’il est allé voir dans la Trump Tower en avril dernier, permet de lui faire passer des messages”, observe-t-il. Et il ajoute : “La relation des pays asiatiques avec Trump sera facilitée par le fait qu’ils le préfèrent à Kamala Harris ou aux leaders européens qui passent leur temps à vouloir imposer leurs valeurs au reste du monde.”Plusieurs autres facteurs expliquent que Donald Trump soit déjà traité comme un chef d’Etat. D’abord, il a déjà occupé la fonction suprême. Certains de ses homologues – Emmanuel Macron, Poutine… – étaient aux affaires lors de son premier mandat et le connaissent déjà. Ils ne sont donc pas en position de la considérer comme un débutant. Ensuite – et c’est l’élément déterminant – les Etats-Unis traversent une situation de quasi-vacance du pouvoir depuis près de six mois. “L’effervescence autour de Donald Trump reflète le vide politique qui s’est créé après le débat catastrophique de Joe Biden fin juin et de la campagne improvisée de Kamala Harris qui s’est ensuivie”, remarque le républicain non-trumpiste Eliot A. Cohen, qui fut secrétaire d’Etat adjoint des Etats-Unis sous George W. Bush. Et d’ajouter : “L’actuel locataire de la Maison Blanche [Biden] n’aurait jamais dû se lancer dans une seconde candidature. Aujourd’hui, il est incroyablement affaibli alors que la situation mondiale, instable comme jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, requiert du leadership.”De fait, le modèle des social-démocraties européennes est fragilisé par le vieillissement démographique et le ralentissement économique. Au Moyen Orient, les anciens systèmes laïcs baasistes (Irak, Syrie) qui, au XXe siècle, garantissaient la stabilité, n’existent plus. De son côté, l’Iran est fragilisé après la destruction du Hamas à Gaza, du Hezbollah au Liban et de l’effondrement du régime d’Assad en Syrie. Pour sa part, la Russie tente en vain – et au prix de centaines de milliers de morts – de reconstruire son empire. Et la Turquie, elle, nourrit des ambitions néo-ottomanes qui se traduisent par des interventions militaires en Afrique et au Moyen-Orient. En Asie, la Chine modernise son armée tout en rêvant à la conquête de Taïwan. Autrement dit, Donald Trump revient au pouvoir dans un monde hautement instable où sa réputation d’homme à poigne est susceptible de ramener de la stabilité.Une équipe plus expérimentée et solide”Au surplus, Donald Trump est aujourd’hui plus expérimenté qu’il ne l’était en 2016, avec une approche assez réaliste du monde et une équipe plutôt solide”, abonde le géographe et diplomate Michel Foucher, fin connaisseur, entre autres, du monde russe. De fait, Donald Trump a choisi Mike Waltz pour occuper le poste stratégique de conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche : c’est un ancien colonel des forces spéciales (les fameux “bérets verts”) qui a travaillé dans l’administration de George W. Bush dans les domaines de la défense et du renseignement. Et il a désigné le sénateur Marco Rubio à la fonction de Secrétaire d’Etat [ministre des Affaires étrangères]. Vice-président de la commission du renseignement du sénat, ce qui lui donne accès à des informations classifiées, il connaît en outre parfaitement les mécanismes des régimes totalitaires pour être lui-même originaire de Cuba.”Il y a effectivement un “effet Trump””, conclut le fondateur de l’Ifri et de la World Policy conférence Thierry de Montbrial. “Pour le mesurer il suffit de constater que, à la différence de 2016, le président élu est, cette fois, pris au sérieux par l’ensemble des protagonistes du système international. Au Moyen Orient, il est en outre crédité d’un important succès lors de son premier mandat : la conclusion des accords d’Abraham entre Israël et quatre pays sunnites (Bahreïn, Emirats arabes unis, Soudan, Maroc). A Abou Dhabi la semaine dernière, le diplomate émirati Anwar Gargash reconnaissait que ces accords avaient “traversé une période difficile” depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël. “Mais ils doivent continuer à servir de plateforme à une coopération accrue dans la région”, espérait aussi le conseiller diplomatique du président émirati Mohamed ben Zayed. A aucun moment ni lui ni aucun participant de la World Policy Conférence n’ont, pendant trois jours, prononcé le nom de Joe Biden.



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Author : Axel Gyldén

Publish date : 2024-12-21 11:30:00

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