Avant d’être nommé à Matignon, François Bayrou racontait volontiers que c’était lui qui, le 11 juin 2024, lors d’un déjeuner avec Emmanuel Macron auquel participaient aussi Gabriel Attal, Edouard Philippe et Stéphane Séjourné, avait mis les pieds dans le plat : le président, dans la campagne des législatives qui s’ouvrait à la suite de la dissolution, devait apprendre le silence.Vingt fois sur le métier… Il faudra que le nouveau Premier ministre se montre persévérant avec ce chef de l’Etat décidément incapable de rester dans son périmètre. François Bayrou n’aura pas manqué de noter la petite phrase, lors de l’allocution présidentielle du 31 décembre : “Cela suppose une France qui continue d’être attractive, qui travaille et innove plus, qui continue de créer des emplois et qui assure sa croissance en tenant ses finances. J’y veillerai.” Le chef de l’Etat y veillera ? A quel titre ?C’est un retour à la case départ. Le 23 juillet 2024, pour sa première intervention après les législatives, Emmanuel Macron montre à quel point il pense garder la main. Sur France 2, il remarque que “l’urgence du pays n’est pas de détruire ce qu’on vient de faire, mais de bâtir et d’avancer”, il dit sa volonté que ne soit pas remise en question la politique de lutte contre le chômage et d’attractivité de la France, il ajoute même qu’il faut “consolider” la compétitivité. Or s’il est un domaine qui ne souffre aucune contestation quant à l’interprétation du rôle du président et de celui du gouvernement, c’est bien la politique économique. Elle rentre pleinement dans le champ de l’article 20, celui-là même dont Emmanuel Macron convenait en privé qu’il prenait désormais beaucoup plus de force – mais, à l’évidence, sans s’y résoudre : “Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation.”Le choix quasi existentiel d’Emmanuel MacronL’expérience Barnier – qui, avançait le chef de l’Etat, était censée se prolonger jusqu’en 2027 – montre à quel point l’Elysée n’a pas accepté certaines des mesures préconisées par le Savoyard. La manière dont la question fiscale a surgi cet automne a vite inquiété Emmanuel Macron. “Je ne crois pas à la consolidation par l’impôt, car le signal est mauvais, du coup les rentrées ne correspondront pas aux attentes, vous courez derrière l’horizon”, constatait alors un fidèle du chef de l’Etat. La présence à Bercy d’Eric Lombard est-elle de nature à rassurer Emmanuel Macon et Alexis Kohler ? Le nom de l’ancien président de la Caisse des dépôts et consignations faisait partie de ceux avec lesquels le président a beaucoup joué depuis l’été – il le citait encore le 5 décembre devant le président du Sénat Gérard Larcher, au lendemain de la censure du gouvernement de Michel Barnier. Dans La Tribune Dimanche du 29 décembre, le ministre de l’Economie raconte avoir “rencontré François Bayrou lors de la campagne présidentielle de 2007, quand nous avons créé le groupe des Gracques avec quelques amis” et précise que “ce compagnonnage politique avec le Premier ministre a compté dans [s]a décision d’accepter cette mission”. N’en déplaise au chef de l’Etat, l’axe Bayrou-Lombard doit davantage compter que l’axe Macron-Kohler-Lombard.Incorrigible président. Evoquer la possibilité de recourir au référendum est un autre moyen de rester en première ligne. Lors des rencontres de Saint-Denis de 2023, Emmanuel Macron n’avait pas tourné autour du pot, lançant aux chefs de partis : “Je vous rappelle que le référendum est à ma main.” Ce n’est plus tout à fait le cas depuis la dissolution. Qu’il s’agisse du recours à l’article 11 ou à l’article 89 de la Constitution, l’accord du gouvernement ou du Parlement est un préalable qu’Emmanuel Macron, cette fois, ne pourra pas contourner – on se souvient comment il s’est assis sur l’article 12 lors de la dissolution, ne procédant à aucune des consultations qu’il avait le devoir d’effectuer.Longtemps, François Bayrou avait un rêve : faire adopter par référendum la réforme du mode de scrutin pour l’élection des députés en y introduisant la proportionnelle. En 2017 déjà, il avait tenté de convaincre Emmanuel Macron d’organiser un tel référendum en même temps que le premier tour des législatives. Un accord au sein du couple exécutif serait tout à fait possible sur le sujet, encore faudrait-il l’élargir à quelques autres responsables.Le choix d’occuper le devant de la scène, qui apparaît quasi existentiel chez Emmanuel Macron, a une conséquence néfaste pour la fameuse “stabilité” dont il s’était fait le garant l’été dernier : c’est le Premier ministre qu’il fragilise, car les oppositions lorsqu’elles renversent le gouvernement cherchent en réalité à atteindre le président. De l’utilité de rester à sa place…
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Author : Eric Mandonnet
Publish date : 2025-01-03 06:00:00
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