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En Syrie, le vernis de l’islamisme “modéré” craquelle déjà de partout

Ahmad al-Chareh, le nouveau dirigeant de la Syrie, à Damas le 22 décembre 2024.




A chaque apparition publique, sa barbe noire semble rétrécir. Depuis sa prise de Damas le 8 décembre, Abou Mohammed al-Joulani a troqué son nom de guerre pour celui d’Ahmed al-Charaa. Il a ensuite remplacé sa tenue militaire par un costume cravate, puis ses discours guerriers par un vocable de diplomate. L’ancien membre d’Al-Qaeda aurait renoncé au djihad international pour un “djihad national”, avec la promesse de respecter toutes les minorités de Syrie. Mais aussi celle de défendre les droits des femmes, malgré les restrictions d’habillement imposées dans la province d’Idlib, sous son contrôle pendant plusieurs années.L’homme fort de Damas a même, pour la première fois dans l’histoire syrienne, nommé une femme gouverneure de province et une autre gouverneure de la Banque centrale. Des gages d’ouverture et de stabilité, destinés avant tout à s’assurer un soutien occidental et une levée rapide des sanctions visant l’Etat syrien. “Al-Charaa dit mot pour mot tout ce qu’il devrait dire pour nous rassurer, nous confiait récemment un diplomate américain. Il fait preuve d’une intelligence extrême, ce qui le rend d’autant plus dangereux.”Une première levée des sanctionsLe 6 janvier, le Trésor américain a annoncé l’allégement des sanctions économiques pour les six prochains mois, notamment pour les entreprises fournissant de l’aide humanitaire et des besoins vitaux tels que l’eau courante et l’électricité. Washington a aussi supprimé al-Charaa de sa liste des terroristes recherchés, alors qu’une prime de dix millions de dollars continuait de peser sur sa tête. Des victoires diplomatiques essentielles pour le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), qui entend bien garder la main sur Damas à l’issue de la période de transition.Mais déjà, ce vernis de modération craquelle de partout. Au-delà de son refus de serrer la main d’Annalena Baerbock, la ministre allemande des Affaires étrangères – une habitude malheureusement courante chez les dirigeants de la région –, sa tentative de transformer les programmes scolaires montre que le nouveau maître de Damas n’a rien perdu de sa vision islamiste et rigoriste de la société. Dans les manuels, la “défense de la nation” devait être remplacée par “la défense de Dieu”, les passages sur la dynastie Assad expurgés pour faire de la place à l’enseignement islamique dans sa version la plus conservatrice. Toute référence à la théorie de l’évolution devait être supprimée, de même qu’une grande partie du programme scientifique. Dans les chapitres sur l’Histoire, la reine Zénobie, qui régna sur Palmyre à l’ère préislamique, allait être rayée de l’éducation des jeunes Syriens.Devant le tollé général et l’apparition de manifestations spontanées dans plusieurs villes syriennes, la réforme a été amendée. Mais les chrétiens et les juifs restent décrits comme “ceux qui ont provoqué la colère de Dieu”. Un avant-goût de la “modération” à la sauce al-Charaa.Les profils problématiques des nouveaux chefs de la SyrieEn parallèle, le passé des nouveaux maîtres de Damas refait surface avec leurs nominations à des postes élevés. Le ministre de la Justice, Shadi al-Waisi, a ainsi été identifié par la plateforme syrienne de vérification des faits “Verify” dans des vidéos de 2015 qui le montrent assistant, voire participant, aux exécutions de deux femmes à Idlib. Dans la première vidéo, il semble être celui qui lit l’acte d’accusation contre une Syrienne, à genoux, accusée de “corruption et prostitution”. Dans la seconde vidéo, une femme supplie de voir ses enfants une dernière fois, avant d’être tuée d’une balle dans la tête en pleine rue. Les appels à l’éviction du ministre n’ont pour l’instant eu aucun effet sur al-Charaa.Autre profil embarrassant, celui du porte-parole du gouvernement de transition, Obaida Arnaout. Interviewé par une chaîne libanaise mi-décembre, il a remis en question la nomination de femmes à des postes de responsables, notamment au ministère de la Défense et dans le domaine de la justice, en raison de “leur nature biologique et psychologique”…Au sein de l’armée aussi, al-Charaa a fait le ménage en nommant uniquement des rebelles de son groupe aux plus hauts postes, écartant pour le moment les autres milices armées. Le chef militaire de HTC, Mourhaf Abou Qasra, est ainsi devenu ministre de la Défense dans le gouvernement de transition et plusieurs djihadistes étrangers ont obtenu des grades militaires.Al-Charaa a promis que ce “gouvernement HTC” ne serait en fonction que jusqu’en mars, avant qu’un groupe de technocrates ne prenne le relais. Son calendrier inquiète tout de même de plus en plus d’acteurs syriens : l’homme fort de Damas estime que la rédaction d’une nouvelle Constitution prendra environ trois ans et que des élections pourront se tenir seulement un an après son adoption. Ce qui lui permettrait de garder le pouvoir, au moins en coulisses, pendant quatre ans. Suffisant pour commencer à modeler la nouvelle société syrienne selon ses critères.



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Author : Corentin Pennarguear

Publish date : 2025-01-07 15:00:59

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Tags : L’Express

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