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Giorgia Meloni-Javier Milei : ces parias devenus sources d’inspiration… même à gauche




La scène se déroule dans la Ville éternelle, quinze jours avant Noël. A l’occasion de son traditionnel raout de l’Atreju – un rassemblement d’extrême droite annuel organisé depuis 1998 à Rome par Giorgia Meloni et les jeunes de son parti, Fratelli d’Italia –, la présidente du Conseil italien enfile son costume d’hôte. La quasi-totalité des invités, triés sur le volet, est issue des rangs de la droite nationaliste et conservatrice. La plupart sont européens – l’eurodéputée française Marion Maréchal est notamment de la partie – et américains – le milliardaire, soutien de Donald Trump, Elon Musk l’était en 2023. Mais cette année, l’éventail des nationalités s’est agrandi. Depuis la dernière édition, de nouveaux leaders de droite ont émergé, d’autres se sont fait élire à la fonction suprême dans leur pays. C’est le cas de l’Argentin Javier Milei, accueilli en grande pompe sur la scène du festival italien par la locataire du palazzo Chigi.Ce samedi 14 décembre, l’introduction est aussi brève que dithyrambique. “Je me dois de remercier quelqu’un qui a fait un très long voyage pour participer à cette édition de l’Atreju, quelqu’un qui porte une véritable révolution culturelle dans une nation sœur de l’Italie”, lance Giorgia Meloni. Apparition sur scène de Javier Milei, suivie d’une accolade et d’une bise à la leader de Fratelli d’Italia. Tout au long de la prise de parole du président argentin, la cheffe du gouvernement transalpin sourit ou rit. On apprendra quelques heures plus tard que le premier – qui revendique des origines italiennes à 75 % – s’est vu décerner la citoyenneté du pays d’accueil par la seconde.Politico, The Economist… La consécration par la presse internationaleD’aucuns y voient une concrétisation d’une alliance transnationale, l’affirmation d’une droite longtemps diabolisée et ostracisée. Et qui l’est de moins en moins. La même semaine, Giorgia Meloni et Javier Milei sont tous deux à l’affiche de la presse anglo-saxonne. La première est couronnée par le pure player bruxellois Politico Europe du titre de personnalité la plus puissante du Vieux Continent. “En moins d’une décennie, la dirigeante du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia est passée du statut d’ultranationaliste excentrique à celui de Première ministre, élue, de l’Italie et s’est imposée comme une personnalité avec laquelle Bruxelles, et maintenant Washington, peut faire affaire”, fait valoir le média spécialisé.De l’autre côté de l’Atlantique, les succès économiques du président argentin – également en Une de l’hebdomadaire britannique The Economist, qui appelle “le reste du monde” à regarder de plus près la méthode Milei – sont loués par le Financial Times. “Javier Milei est parvenu à réduire le taux d’inflation mensuel de 26 % en décembre dernier à 2,7 % en octobre […]. Il a également dégagé un excédent budgétaire primaire chaque mois en 2024 en réduisant les dépenses publiques, après plus d’une décennie de déficit ininterrompu […]. Sans compter le prix des obligations souveraines argentines, longtemps en difficulté, qui a pratiquement triplé”, égraine le quotidien américain, tout en précisant que la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté a progressé de 11 points au cours du premier semestre 2023 pour s’établir à 53 %.On this day one year ago, I attended @JMilei’s inauguration. Throughout this year, Javier has worked tirelessly to modernize Argentina and put the country on track to overcome economic, financial and social challenges. I share his view that economic development is crucial to all… pic.twitter.com/F15hvzzlJ0— Volodymyr Zelenskyy / Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) December 10, 2024A l’international, des idées qui séduisent… même à gaucheA l’étranger, ces derniers mois, les inventions politiques de Giorgia Meloni et de Javier Milei ont été scrutées de près. Le projet de centre italien de demandeurs d’asile implanté en Albanie – retoqué depuis par la justice transalpine – et plus largement la politique migratoire italienne ont suscité l’intérêt de la Commission européenne et de gouvernements du Vieux Continent. Parmi lesquels des exécutifs de gauche, à l’instar du Parti travailliste de Keir Starmer, au Royaume-Uni. Outre-Rhin, le leader du SPD Olaf Scholz a musclé ces derniers mois son discours sur la question de l’immigration, assurant que l’Allemagne devait pouvoir choisir qui arrivait sur son sol. Le chancelier a notamment signé un accord avec le Kenya pour attirer une immigration qualifiée.Proche du chef d’Etat argentin depuis son élection, en 2023, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a récemment salué son travail pour “moderniser l’Argentine, et mettre le pays sur la bonne voie”. Au sein des frontières de l’Hexagone, un cortège d’économistes libéraux et plusieurs personnalités politiques incitent le gouvernement tricolore à s’inspirer des mesures économiques de Javier Milei. “Ne serait-il pas temps, sur le modèle argentin, de lancer une grande opération nationale de simplification des normes et de tous nos textes réglementaires et législatifs ?”, suggère le conseiller municipal bordelais Horizon Guillaume Chaban-Delmas sur son compte X.Mais, alors, comment ces figures autrefois considérées comme infréquentables – notamment au moment de leur accession au pouvoir – sont-elles parvenues à s’imposer jusqu’à devenir des sources d’inspiration ? Pour le professeur d’histoire à l’université Luiss Guido Carli Lorenzo Castellani, la Première ministre italienne dispose de quatre atouts majeurs : “le respect des règles financières européennes, l’excellente relation avec Ursula von der Leyen [NDLR : président de la Commission européenne], le déplacement du centre de gravité de la politique européenne vers la droite et l’instabilité politique en Allemagne et en France”. Au lendemain de la nomination de François Bayrou à Matignon, le quotidien espagnol El País ironisait : “Quatre Premiers ministres français en quatre ans ? Les titans des crises politiques comme l’Italie font pâle figure”.Une popularité en interne qui résiste à l’épreuve du pouvoirLa stabilité du palazzo Chigi depuis deux ans et demi détonne des habituelles turbulences politico-institutionnelles. “Entre 1946 et aujourd’hui, l’Italie a connu 71 gouvernements, soit une moyenne de deux exécutifs différents par an… La capacité de Giorgia Meloni à tenir sa coalition lui permet tout à la fois d’asseoir sa crédibilité à l’international, et de consolider sa popularité en interne”, décrypte Marc Lazar, professeur à Sciences Po et à l’université romaine Luiss Guido Carli.En juin 2024, la liste de Fratelli d’Italia conduite par Giorgia Meloni elle-même est arrivée en tête aux élections européennes, pourtant réputées pour sanctionner les gouvernements en fonction. Un sondage publié en novembre par le Corriere della sera montre que son parti caracole en tête des intentions de vote en cas de nouvelle élection, avec un écart de plus de 5 % avec le Parti démocrate (gauche). Rien de surprenant pour Marc Lazar : “L’opposition italienne est très morcelée, aucune figure ne parvient vraiment à émerger et à haranguer les foules comme Giorgia Meloni le fait. C’est une excellente communicante qui sait adapter son discours à son auditoire.”Une popularité intérieure dont jouit également Javier Milei, à qui elle a rendu visite en Argentine courant novembre. Après un an au pouvoir et malgré des mesures drastiques de réduction des dépenses publiques, le président libertarien conservait près de 47 % d’opinions favorables en novembre dernier, soit 4 points de plus qu’au moment de son entrée en fonction, un an auparavant, selon les données de Statista Research Department. Un sondage réalisé par l’institut Morning Consult et commandé par le quotidien de droite conservatrice La Derecha Diario le situe même à 66 % d’opinions favorables dans le pays. En tout état cause, constate The Economist, “il est plus populaire en Argentine que ne l’étaient ses récents prédécesseurs à ce stade de son mandat”.Les défenseurs d’un néo-atlantismeUne aura qui s’explique notamment, selon le conseiller politique à l’International Republican Institute Thibault Muzergues par leur capacité d’incarner “une nouvelle droite libérale, attachée à l’idée d’un Occident fort face à l’axe Russie-Chine-Iran”. Depuis son élection, Giorgia Meloni – qui a effectué en douze mois pas moins de 37 déplacements à l’étranger, soit plus de trois par mois – compte parmi les premiers soutiens de Kiev. “C’est certainement en partie ce qui lui a permis de se rapprocher de l’administration Biden, qui avait beaucoup d’a priori sur elle lorsqu’elle est arrivée au pouvoir”, note Marc Lazar.De son côté, Javier Milei, qui a qualifié à mainte reprise Vladimir Poutine “d’autocrate”, a reproché à son prédécesseur, Alberto Fernández, de ne pas être suffisamment “pro-ukrainien”. Invité en Argentine à l’occasion de l’investiture de Javier Milei, Volodymyr Zelensky avait remercié le nouveau président de son soutien “clair” et “sans ambiguïté” à l’Ukraine. Sur le Vieux Continent, ce qui distingue Giorgia Meloni d’autres dirigeants d’extrême droite est notamment son inclination à discuter avec Bruxelles, et surtout “à accepter les contraintes financières européennes dont fait fi Viktor Orbán”, souligne le politologue italien Lorenzo Castellani.Parmi les explications de la popularité des deux dirigeants, leur côté proactif, et l’impression d’une certaine efficacité. “Ils proposent quelque chose du nouveau par rapport à d’autres leaders populiste tels Donald Trump, Matteo Salvini – leader de la Ligua, parti membre de la coalition gouvernementale – ou encore Beppe Grillo – cofondateur du Mouvement 5 étoiles en Italie : primo, un projet qui a du fond. Deusio, il y a une certaine cohérence entre les promesses de campagne et les mesures mises en place”, fait valoir l’essayiste Thibault Muzergues, auteur de l’ouvrage Post-populisme (Ed. de l’Observatoire, 2024), dans le sillage de The Economist, qui écrivait fin novembre : “Qu’on les aime ou non, les politiques de M. Milei s’alignent les unes sur les autres, ce qui en amplifie l’effet. Contrairement à M. Trump, il ne promet pas de libérer le pouvoir des marchés et des consommateurs tout en s’engageant, juste après, à protéger les entreprises de la concurrence dans un second temps.”Meloni et Milei ? Des “anti-socialistes radicaux”Dans la presse internationale, l’étiquette de “leader populiste” est régulièrement accolée aux noms de Giorgia Meloni et de Javier Milei. Un qualificatif qui ne permettrait pas de comprendre leur logiciel politique, selon Thibault Muzergues : “Le populisme repose sur l’idée d’un clivage entre les élites et le peuple, ce qui ne correspond pas à la grille de lecture de Milei et de Meloni. Lui s’est inscrit en opposition à l’ancienne droite, qui s’accommodait assez bien du péronisme. Elle, dans l’idée selon laquelle la droite italienne n’avait jamais osé tenir le discours que les Italiens de droite attendaient, notamment sur les questions migratoires, raison pour laquelle elle a été taxée de populiste. Mais les deux veulent résolument appartenir à l’élite.”Ainsi Javier Milei et Giorgia Meloni s’inscriraient davantage dans une ligne “radicalement anti-socialiste”, opposée à tout compromis avec la gauche, analyse Thibault Muzergues. Bien que très impliquée à l’échelle européenne et proche d’Ursula von der Leyen, Giorgia Meloni a par exemple refusé d’accorder à la présidente de la Commission son soutien en vue de sa réélection l’été dernier. Un choix qu’elle a défendu en pointant du doigt l’alliance de “VDL” avec une partie de la gauche. En Argentine, l’économiste devenu président s’est illustré lors de sa campagne pour ses propos d’une rare violence à l’encontre de la gauche, n’hésitant pas à parler de “bataille culturelle [contre] le socialisme appauvrissant”.Un conservatisme mis en sourdineGagner en crédibilité sur la scène internationale a permis à Giorgia Meloni comme à Javier Milei d’étouffer les critiques liées à leur politique interne conservatrice et nationaliste. Pourtant, il semblerait que l’un comme l’autre n’aient rien abandonné de leur programme résolument conservateur et nationaliste. Sur le plan migratoire, à l’instar de Giorgia Meloni, qui a mis en place un centre de demandeurs d’asile délocalisé en Albanie, Javier Milei a annoncé courant décembre une série de mesures visant à durcir les conditions d’entrée et d’accueil des immigrés avec des sanctions prévues pour ceux qui refuseraient de regagner leur pays d’origine.Côté sociétal, si les restrictions en matière de droit à procréer ne constituent plus la pierre angulaire de son discours, “Giorgia Meloni a gardé un côté très conservateur voir traditionaliste sur les questions liées à la famille, au genre et à l’éducation”, note Marc Lazar. Depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition conduite par Fratelli d’Italia, Rome a par exemple durci les sanctions pénales en cas de recours à la gestation pour autrui (GPA). Désormais, tout couple qui ferait appel à une mère porteuse à l’étranger risque jusqu’à deux ans de prison et des amendes allant de 600 000 à 1 million d’euros.Sans oublier que l’un comme l’autre n’ont jamais caché être moralement opposés à l’IVG. Si, comme la leader de Fratelli d’Italia, le président argentin s’est engagé à ne pas revenir sur le droit à l’avortement, une enquête du média Chequeado révèle qu’aucune pilule abortive n’a par exemple été distribuée par le ministère de la Santé argentin en 2024, contre plus de 100 000 l’année avant l’arrivée au pouvoir de Javier Milei. Mais pour l’essayiste libéral Thibault Muzergues, Giorgia Meloni et Javier Milei “ne toucheront pas à l’IVG, car en revenant sur des acquis sociaux tels que le droit à l’avortement, ils auraient beaucoup plus à perdre qu’à gagner en termes d’image”.”Presque du Make Italy Great Again”Ces derniers mois, des inquiétudes concernant la liberté et l’indépendance de la presse ont émergé dans la Botte. L’opposition reproche à Giorgia Meloni d’avoir transformé le service public en organe de communication du pouvoir en place. “Pour se défendre, elle agite l’idée selon laquelle les partis politiques ont toujours contrôlé radio et télévisions publiques. Ce qui n’est pas faux. A cela près qu’ils se répartissaient les chaînes, ce qui n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Les controverses sur le traitement de l’information sont donc légitimes”, estime le politologue Marc Lazar, qui nuance : “Personne aujourd’hui ne peut dire qu’il y a en Italie une remise en question fondamentale de l’Etat de droit ou de la démocratie.”Plus conservatrice sur le plan sociétal et moins libérale économiquement que Javier Milei, Giorgia Meloni consacre une importante partie de son action politique au développement de l’Italie. “Sa proximité avec Elon Musk n’est pas uniquement fondée sur une convergence idéologique, mais également sur une volonté de restaurer la puissance économique de son pays”, analyse Thibault Muzergues. L’Italie serait notamment sur le point de conclure un accord de 1,5 milliard d’euros avec SpaceX, propriété d’Elon Musk, visant à fournir au gouvernement italien des moyens de télécommunications sécurisés. Une première sur le Vieux Continent. Et Marc Lazar de conclure : la politique sauce Meloni, c’est “presque du Make Italy Great Again”.




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Author : Ambre Xerri

Publish date : 2025-01-08 11:00:00

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