* . * . *
close

Ces nominations “santé” de Donald Trump qui menacent la science

Donald Trump sur scène lors de la conférence AmericaFest de l'organisation conservatrice Turning Point à Phoenix (Arizona), le 22 décembre 2024




Dans les prochaines semaines, le Congrès américain va devoir se prononcer sur le casting proposé par Donald Trump pour diriger les administrations sanitaires du pays. La liste n’est pas longue. Mais la mission ne sera pas aisée pour autant. Tous les candidats sélectionnés sont des “sceptiques”, ils doutent des données scientifiques, rêvent de renverser le “dogme médical” des institutions. L’inverse en somme, de ce qui est normalement considéré comme un bon choix aux yeux des élus.Se revendiquer contre le consensus scientifique est d’ordinaire disqualifiant pour ce type de poste. C’est pourtant précisément cette appétence que Donald Trump a choisi de mettre en valeur. Lors de son premier mandat, le président des Etats-Unis n’avait eu de cesse d’afficher sa détestation de la méthode scientifique. En pleine crise sanitaire, il recommandait de boire de la Javel contre cette “grippette” de Covid-19. Pour lui, tout devrait pouvoir se dire et se faire, même en science : ce sont donc des “libérateurs”, qu’il pense acquis à sa cause, qu’il a décidé de soumettre au vote du Congrès. Tous semblent alignés avec le potentiel futur ministre de la Santé, le complotiste antivaccin Robert F. Kennedy Jr., qui s’est lui aussi fixé comme priorité de réformer les agences sanitaires.Au premier rang de ces personnalités, capables selon Donald Trump de “défaire le joug de l’establishment”, figure Jay Bhattacharya, 56 ans. Donald Trump veut faire de ce chercheur en économie de la santé à Stanford le patron des National Institutes of Health (NIH), ces agences de recherches biomédicales parmi les plus puissantes du monde. Qu’importe si durant la crise du Covid-19, il s’est mis à dos les chercheurs de cette même institution, en s’opposant aux confinements.Un ennemi : les pathologies chroniquesComme toutes les personnalités sélectionnées, Jay Bhattacharya devra avant tout “restaurer l’efficacité” de ces institutions. Selon le président américain, ces structures, dont les travaux sont pourtant suivis de près par de nombreuses nations, auraient failli à combattre le seul “véritable” ennemi sanitaire des Etats-Unis : les pathologies chroniques, le diabète, l’obésité, ou encore les problèmes cardiovasculaires. Convaincu qu’elles se sont désorganisées, qu’elles ont dérivé à gauche et aux mains des industriels, Donald Trump veut les réformer, maximiser leur action, tout en réduisant leurs coûts, sur le modèle de ce qu’a fait Elon Musk avec l’entreprise Twitter.Si Jay Bhattacharya peut apparaître comme un choix curieux aux yeux des scientifiques les plus rigoureux, il reste bien placé pour mettre en œuvre ces changements institutionnels : “Il a un avis très éclairé sur la question. Il veut par exemple donner plus d’argent aux jeunes chercheurs, et éviter que les professionnels en fin de carrière ne s’approprient les ressources, c’est la conclusion de ses travaux”, détaille Yves Gingras, historien des sciences. Même s’il est qualifié par l’ancien directeur des NIH, Francis Collins, de “marginal”, il devrait facilement passer le filtre du Congrès. “Jay Bhattacharya apparaît qualifié, même aux yeux de chercheurs non trumpistes”, illustre ainsi Jocelyn Kaiser, journaliste spécialisée pour la revue scientifique Science.C’est également le cas du Dr Martin Makary. Annoncé pour diriger le gendarme du médicament, la Food and Drug Agency (FDA), il présente un pedigree comparable. Ce chirurgien de la prestigieuse faculté de médecine Johns Hopkins n’est pas plus rigoureux que Jay Bhattacharya : il a par exemple clamé que vacciner les jeunes était plus dangereux qu’utile, une assertion prisée des covidosceptiques pourtant maintes fois invalidée. Emporté dans les peurs suscitées par la crise sanitaire, il a également affirmé que faire porter un masque aux enfants pour éviter qu’ils ne propagent le Covid-19 relèverait de la “maltraitance”. Sans jamais faire de mea culpa.Sceptiques, mais…Mais, tout comme Jay Bhattacharya, Martin Makary a aussi montré qu’il était capable de bousculer l’ordre établi, sans jamais se disqualifier totalement aux yeux de la communauté scientifique. Il a notamment fait de la lutte contre les erreurs médicales son obsession durant sa carrière. Il y aurait là, selon lui, la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis. Ses calculs se sont avérés faux mais son combat a tout de même porté ses fruits : convaincu qu’il y avait urgence à rendre les opérations chirurgicales plus fiables, il a développé un guide de bonnes pratiques au bloc opératoire. Ses recommandations, simples comme vérifier l’identité du patient ou l’endroit de l’opération, n’étaient pas toujours suivies auparavant. Elles ont fini par être adoptées dans tout le pays. “Certains le décrivent comme un penseur indépendant respectueux de la science, d’autres le voient plutôt comme un homme en mal d’influence, qui ne cherche que la contradiction”, écrit la journaliste spécialisée Lizzy Lawrence, dans un portrait pour la revue biomédicale américaine Stat.Si Martin Makary apparaît comme la “moins pire “des personnalités capables de retenir l’attention de Donald Trump, aux yeux des chercheurs, ce n’est pas forcément le cas de Janette Nesheiwat. Donald Trump souhaite positionner cette médecin en Surgeon General. Si elle parvient à ce poste, cette jeune directrice de clinique new-yorkaise de 48 ans devra surtout faire de la communication en santé. A ce titre, la professionnelle est qualifiée : elle intervient régulièrement sur la chaîne préférée de Donald Trump, Fox News. Mais elle n’a en revanche aucune expérience en matière de santé publique, ce que le Congrès ne manquera pas de faire remarquer.Sur Fox News, Janette Nesheiwa se garde de tenir des propos anti-science – ils sont pourtant légion sur ce canal, même venant d’experts. Mais elle n’est pas pour autant appréciée de la communauté scientifique. La faute, en plus de son absence d’expérience académique, à une fâcheuse tendance à vendre tout et n’importe quoi sur son site Internet. Il est ainsi possible d’y acheter son livre Beyond the Stethoscope : Miracles in Medicine, où elle défend l’existence des “miracles de dieu” en médecine. On y trouve également tout un tas de compléments alimentaires dont l’utilité n’a pourtant pas été démontrée, en dehors de certaines pathologies très spécifiques.Un antivaccin aux vaccins ?Mais le choix le plus controversé de Donald Trump réside sans nul doute en la personne de David Weldon, ancien médecin hospitalier annoncé à la tête des Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Persuadé contre faits et preuves que certains vaccins rendent autiste, David Weldon n’a eu de cesse d’accuser l’institution qu’il est amené à diriger de fomenter un complot. Selon lui, les CDC auraient “tenu secret” les preuves de ses théories. Il a fait savoir à plusieurs reprises qu’il voulait retirer la prérogative vaccinale à cette structure, pour la confier à une autre agence.En optant pour David Weldon, Donald Trump tente tout bonnement de placer un antivaccin complotiste à la direction de l’institution chargée d’édicter les règles vaccinales. De quoi mettre à mal le fonctionnement de la structure. Difficile donc d’imaginer le soutien du Congrès pour ce profil. Les CDC n’ont pour autre rôle que celui de faire appliquer le consensus médical, et celui-ci est de loin favorable aux vaccins en circulation. Placer David Weldon à leur tête reviendrait à déclarer leur démantèlement.S’ils obtiennent le vote du Congrès, ces profils deviendront, bon gré, mal gré, les garants de l’ordre médical, ce même ordre qu’ils n’ont pourtant eu de cesse de conspuer. Jay Bhattacharya, Martin Makary, Janette Nesheiwat et David Weldon ont pour point commun d’avoir pensé les dysfonctionnements des institutions, c’est même ce pourquoi ils sont connus du grand public et de Donald Trump. Ils ont aussi l’avantage d’avoir la confiance d’une partie des Américains sceptiques vis-à-vis de la science. Ils ne pourront être jugés que sur leur bilan. Mais une chose est sûre : à la tête des institutions, il leur faudra choisir entre la raison ou les diktats d’un “camp” politique. Il en va de l’avenir des institutions scientifiques américaines.



Source link : https://www.lexpress.fr/sciences-sante/ces-nominations-sante-de-donald-trump-qui-menacent-la-science-QS37X54TTFEQBPS4VNT6Y3XEQU/

Author : Antoine Beau

Publish date : 2025-01-09 04:50:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express

.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . %%%. . . * . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - . . . . .