La Cour suprême américaine se penche vendredi 10 janvier sur le sort du très populaire réseau social TikTok, menacé d’interdiction imminente aux États-Unis, si sa maison mère chinoise refuse de le vendre, comme l’exige une loi récente. En pleine confrontation stratégique entre les États-Unis et la Chine, le Congrès américain a adopté cette loi en avril à une large majorité – rassemblant des élus démocrates comme républicains. Elle vise à prévenir les risques d’espionnage et de manipulation par les autorités chinoises des utilisateurs de TikTok, qui en revendique 170 millions aux États-Unis.La loi, aussitôt promulguée par le président Joe Biden, fixe à la maison mère du réseau social, ByteDance, la date limite du 19 janvier pour céder l’application à un autre propriétaire. TikTok et ByteDance, mais aussi les organisations de défense de la liberté d’expression, affirment qu’elle contrevient au Premier amendement de la Constitution américaine garantissant cette liberté. Telle est la question que devront trancher les neuf juges de la Cour suprême à majorité conservatrice, à qui le président élu Donald Trump a expressément demandé de bloquer cette interdiction. La Cour a accepté en décembre de se saisir de la loi, mais sans la suspendre comme le demandaient TikTok et Bytedance.”Espionnage””Personne ne peut sérieusement contester que le contrôle de TikTok par le Parti communiste chinois via ByteDance représente une grave menace pour la sécurité nationale”, affirme la conseillère juridique de l’administration Biden, Elizabeth Prelogar, dans ses arguments écrits. “L’accumulation par TikTok de masses de données sensibles sur près de 170 millions d’Américains et leurs contacts en fait un puissant outil d’espionnage”, ajoute-t-elle, faisant valoir que “la loi vise le contrôle par un adversaire étranger et non pas la liberté d’expression”.De son côté, Timothy Edgar, un ancien responsable de la sécurité nationale et du renseignement américain, estime qu’il s’agit “de l’affaire de liberté d’expression la plus importante depuis au moins une génération […]. Si l’on considère qu’il y a 170 millions d’utilisateurs mensuels actifs de TikTok aux États-Unis, le volume de liberté d’expression en jeu est le plus important de toute l’histoire de la Cour suprême américaine”, analyse-t-il auprès de l’agence de presse Reuters.Le réseau social a contesté à plusieurs reprises avoir transmis des informations au gouvernement chinois et assuré qu’il refuserait toute requête éventuelle en ce sens. Ses avocats affirment que la loi est “inconstitutionnelle” du fait qu’elle cible exclusivement TikTok et réclament à la Cour a minima une suspension de son entrée en vigueur afin de statuer sur cette question.Querelle chez les RépublicainsL’entreprise sait aussi pouvoir compter sur la sympathie du président élu Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier et a confié éprouver un “faible” pour TikTok. Donald Trump, qui a reçu en décembre le patron de TikTok Shou Zi Chew dans sa résidence de Floride, Mar-a-lago, a dans une intervention inhabituelle demandé à la Cour de suspendre la loi pour lui donner le temps, une fois à la Maison-Blanche, de “chercher une issue négociée qui éviterait une fermeture à l’échelle nationale de TikTok”.En revanche, de nombreux législateurs et responsables républicains font pression sur la Cour, dont la majorité conservatrice comprend trois juges nommés par Donald Trump au cours de son premier mandat. Les procureurs généraux républicains de 22 États ont ainsi déposé un mémoire auprès du tribunal, en désaccord avec les arguments de TikTok et demandant aux juges de confirmer la loi. “Autoriser TikTok à opérer aux États-Unis sans rompre ses liens avec le Parti communiste chinois expose les Américains au risque que le Parti communiste chinois accède à leurs données et les exploite”, ont écrit ces responsables, cités par Reuters. Mitch McConnell, ancien chef de file républicain du Sénat, a de son côté comparé le procès de TikTok à celui d’un criminel endurci qui cherche à obtenir un “sursis à exécution”.Donald Trump avait pourtant lui-même tenté d’interdire TikTok à l’été 2020, lors de son premier mandat, à coups de décrets qui n’avaient pas abouti. Il s’est depuis ravisé, appelant les électeurs attachés au service à voter pour lui. Le républicain voit dans TikTok une alternative à Facebook et Instagram, les deux plateformes de Meta, qui l’avaient temporairement exclu après son soutien aux participants à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.Potentiels repreneursUne des solutions envisagées en cas de maintien de la loi serait que ByteDance revende ses parts à des investisseurs non chinois, une possibilité que l’entreprise a constamment repoussée. Mais plusieurs repreneurs potentiels se sont tout de même manifestés, notamment le milliardaire américain Frank McCourt, qui milite pour des réseaux sociaux plus sûrs via son organisation, Liberty Project. “Nous avons présenté une proposition à ByteDance” pour lui racheter TikTok aux États-Unis, a annoncé Frank McCourt jeudi dans un communiqué.Si la Cour suprême venait à interdire le réseau social, cela créerait un précédent aux États-Unis et dans le monde, avec des répercussions sur les autres plateformes numériques : “Le gouvernement américain sera sur une base solide s’il choisit de réglementer ou d’interdire toute plateforme numérique impliquant une participation substantielle d’investisseurs étrangers”, a indiqué Timothy Edgar, qui estime que l’application russe Telegram pourrait être “la prochaine” sur la liste.
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Publish date : 2025-01-10 10:27:22
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