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L’exposition à voir : Jean-Jacques Henner et ses drôles de dames

Musée Jean-Jacques Henner




C’était il y a cent cinquante ans et des poussières. En cette année 1874, qui verra naître l’impressionnisme, Jean-Jacques Henner, 45 ans, est sollicité par Carolus-Duran pour le seconder à “l’atelier des dames” qu’il vient de fonder. Les deux peintres éminents profitent de la vogue des académies privées réservées aux femmes qui fleurissent alors dans la capitale. Si la peinture au féminin est longtemps restée un art d’agrément cantonné à la sphère domestique, nombre de jeunes filles rêvent désormais d’une autre voie. Problème : outre les obstacles d’ordre moral, juridique, logistique ou financier qui se dressent devant les postulantes, l’accès à l’école des Beaux-Arts leur est refusé – pas question de les mettre face à des modèles nus masculins. Reste donc ces lieux alternatifs pour bénéficier d’une formation artistique sérieuse. Celui dirigé par Carolus-Duran et Henner au 81, boulevard du Montparnasse, puis au 17, quai Voltaire à partir de 1877, tourne à plein régime. Françaises ou étrangères déjà expérimentées viennent s’y perfectionner. Après sa fermeture en 1889, Jean-Jacques Henner continuera de recevoir ses élèves les plus prometteuses dans son atelier personnel, place Pigalle.Qui étaient ces femmes ? Quels liens ont-elles noués avec leur mentor ? Quelle fut leur destinée ? Sous la houlette de Maëva Abillard et Marie Vancostenoble, le musée Jean-Jacques Henner, à Paris, a mené l’enquête. Les commissaires ont traqué les archives, les tableaux, parfois disséminés chez des particuliers, pour redonner un nom, un visage, une palette à une dizaine d’artistes. Elles s’appellent Dorothy, Hortense, Juana, Marie ou Ottilie. Elles sont mariées, pourvues d’enfants, célibataires ou même fille-mère. De leur production pointent plusieurs thèmes “henneriens” comme les sujets religieux, les têtes de fantaisie ou encore les nymphes, à l’image d’Eugénie-Marie Gadiffet-Caillard, dite Germaine Dawis. Le portrait demeure toutefois chez ces dames le registre le plus employé – autoportraits, portraits de femmes, mais aussi d’hommes et d’enfants dont raffole la haute bourgeoisie.”Desdémone”, 1903, par Juana Romani. A dr. : “Autoportrait”, deuxième moitié du XIXe siècle, par Louise Abbéma.Jusqu’à sa mort, en 1905, Jean-Jacques Henner prodiguera conseils et encouragements à ses protégées, entretenant avec certaines une correspondance au long cours. Au tournant du XXe siècle, les choses bougent enfin. En 1897, les femmes sont autorisées à suivre les cours théoriques des Beaux-Arts. C’est toujours ça de pris. Deux ans plus tard, elles peuvent enfin accéder aux séances de nus à l’égal des hommes, puis, dès 1903, concourir au prix de Rome, même s’il faudra attendre encore deux décennies pour qu’une peintre glane la prestigieuse distinction.Les ouailles de Henner, Elles (l’intitulé de l’exposition), connaîtront des fortunes diverses : Louise Abbéma, la plus connue de la bande, fera une brillante carrière, moult fois saluée de son vivant en France et à l’étranger. Hortense Bücher, la jolie rousse, modèle du maître, s’essayera au pinceau et exposera à quatre reprises au Salon des artistes français. Malgré des débuts remarqués, Marie Cayron-Vasselon délaissera progressivement son chevalet pour se consacrer à sa vie de famille. La Suissesse Ottilie Roederstein mènera sa barque à Francfort où elle se hissera au rang de première portraitiste de la ville. L’Anglaise Dorothy Tennant épousera l’explorateur Stanley et se désengagera peu à peu de l’art au profit de la politique. Quant à l’Italienne Juana Romani, elle aussi ex-modèle, elle connaîtra un destin tragique à la Camille Claudel : une trajectoire artistique fulgurante interrompue par des troubles psychiatriques qui la conduiront vers la tombe vingt ans plus tard, oubliée de tous.Elles. Les élèves de Jean-Jacques Henner, jusqu’au 28 avril 2025 au Musée national Jean-Jacques Henner (Paris XVIIe).



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Author : Letizia Dannery

Publish date : 2025-01-11 14:00:00

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