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Incendies de Los Angeles : “Pour Donald Trump, l’environnement n’a aucune valeur autre que financière”

Une maison en flammes à Altadena, près de Los Angeles, en Californie, le 8 janvier 2025




Alors que les incendies qui ravagent la Californie, et particulièrement Los Angeles, ont déjà provoqué la mort de seize personnes et entraîné l’évacuation de plus de 180 000 habitants, le président élu Donald Trump s’en est pris aux dirigeants démocrates de cet Etat de l’ouest des Etats-Unis. Sur son réseau Truth Social, il a affirmé que la région manquait d’eau à cause des politiques environnementales menées et que l’eau de pluie serait détournée pour protéger un “poisson inutile”. De fausses informations également relayées par le milliardaire Elon Musk, proche du Républicain, et qui figurera dans son nouveau gouvernement.Leur réaction n’étonne guère Christophe Roncato, maître de conférences en études américaines à l’Université Grenoble Alpes, spécialiste d’histoire environnementale et d’écologie industrielle. Ce chercheur, qui étudie la transition énergétique de la Californie, a vécu dans la région dans les années 1990, avant d’y retourner régulièrement pour son travail au cours des années 2010. Pendant ces périodes, il a assisté à l’allongement de la saison des incendies, une des conséquences du changement climatique. Il porte un regard lucide sur le discours “simplifié à l’extrême” des deux hommes, et évoque l’avenir des politiques climatiques américaines sous le second mandat de Donald Trump.L’Express : Donald Trump n’est même pas encore en poste qu’il déclenche déjà une première controverse en relayant de fausses informations et en rejetant toute la responsabilité sur Gavin Newsom, le gouverneur démocrate de Californie…Christophe Roncato : C’est sa stratégie ! Pourquoi ne pas accuser le voisin… Donald Trump souffle constamment le chaud et le froid, et plutôt le chaud d’ailleurs. J’en retiens deux choses. La première, le fond de l’affaire : si on dépasse son côté fantasque, les enjeux socio-écologiques sont pour lui triviaux. Dans l’esprit de Trump, l’économie et l’écologie sont désimbriquées. En cela, il s’inscrit dans une tradition qui trouve ses racines chez certains économistes du XVIIIe siècle pour qui les “richesses sont inépuisables”. Cette tradition nourrit encore la pensée néolibérale actuelle, dont il est l’héritier. L’environnement n’a pour lui aucune valeur autre que financière.La seconde : il y a beaucoup à apprendre sa gestion des catastrophes naturelles lors de son premier mandat. Entre 2017 et 2020, on dénombre au moins quatre catastrophes d’ampleur : en 2018, la Californie est touchée par d’importants feux ; l’État de Washington en 2020 ; et en 2017, l’ouragan Maria s’abat avec une rare violence sur Puerto Rico. Ces deux Etats démocrates et l’Etat libre associé qu’est Puerto Rico ne soutenant pas Trump, celui-ci retarde volontairement l’envoi des aides financières d’urgence. Il a tout fait pour qu’elles n’arrivent pas, ou pas entièrement. A l’inverse, lorsque l’ouragan Michael heurte la Floride en 2018, Trump débloque immédiatement la totalité des fonds d’urgence en insistant sur le fait que la Floride avait voté à 90 % pour lui. Cette politique clientéliste résume bien son fonctionnement. Si cela le sert, ou si on l’a servi au préalable, via un vote par exemple, il avance bras ouverts. Mais s’il n’y retrouve pas ses intérêts, c’est bien plus compliqué.Elon Musk a aussi minimisé le rôle du changement climatique dans les incendies de Los Angeles. Que peut donner ce duo pour la politique environnementale des Etats-Unis sous le deuxième mandat de Donald Trump ? La poursuite de cette politique de “clientélisme climatique” ?Complètement. Deux remarques. En 2016, Donald Trump a été un peu surpris par sa victoire et n’était pas réellement préparé. Les premières semaines ont passé sans la moindre conférence de presse. Mais cette fois, il est en ordre de bataille. On n’est pas encore le 20 janvier qu’il a déjà mis tout le monde en place. Il va être plus efficace et exécuter son programme de manière beaucoup plus rapide et profonde. Il a déjà placé une grande partie de ses pions – pions qui sont vraiment à sa botte. C’est ce qui m’inquiète le plus. Lors de Trump 1, on avait des personnes comme Mike Pence qui servaient de garde-fous ; notamment sur les épisodes que j’ai évoqués plus haut, l’exemple des feux en Californie. Sous l’administration Trump 2, il est fort probable que ces garde-fous disparaissent.Ensuite, la préparation du second mandat est bien différente. Les postes clés de la future administration sont déjà pourvus. A la tête de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA), c’est Lee Zeldin, qui est issu des énergies fossiles et qui est en faveur d’un affaiblissement des lois environnementales. Au département de l’Energie, c’est Chris Wright, PDG du pétrolier Liberty Energy, un climatosceptique notoire. Ils vont batailler pour déréguler un maximum. L’économie est totalement hors sol. Tout se passe comme si l’économie et l’écologie évoluaient dans deux sphères différentes, comme si aucune matière première n’intervenait dans les chaînes de production et de consommation. Incroyable, non ?Face à la recrudescence des catastrophes climatiques, combien de temps Donald Trump ou Elon Musk peuvent-ils rester sur cette ligne de déni ?Ils avancent un agenda à marche forcée et n’ont que faire de la science. S’il y a une catastrophe et que l’État est majoritairement républicain, je pense qu’ils débloqueront rapidement des aides. Et puis à l’inverse, on ira dire à des gens comme Gavin Newsom, donc des Démocrates, qu’ils ont mal géré leurs affaires. On le voit actuellement avec les feux de Los Angeles, Trump accuse Newson d’avoir mal géré la ressource en eau. On entend aussi souvent l’argument d’une mauvaise gestion des coupes forestières, qui laissent énormément de végétation susceptible d’alimenter les feux… Comme toujours, que ce soit Donald Trump ou Elon Musk, tout est simplifié à l’extrême. Là où on pourrait s’interroger sur les dynamiques de long terme qui alimentent la crise écologique, sur les politiques publiques, sur les choix en matière d’urbanisme, on se répand en invectives. @lexpress 2024 est officiellement l’année la plus chaude enregistrée sur Terre. #sinformersurtiktok #apprendreavectiktok #newsattiktok ♬ original sound – L’Express Cela augure-t-il de relations compliquées entre l’Etat fédéral et la Californie, déjà très critique du président élu lors de son premier mandat ?En écoutant Gavin Newsom réagir aux propos de Donald Trump, on sent qu’il est exaspéré. Il va y avoir des tensions. Mais il est évident que ces gouverneurs et leurs administrations misent sur la marge de manœuvre assez importante qu’ils ont à l’échelle de leur Etat.D’autres problèmes se poseront sûrement. L’exemple des assurances est intéressant. En Californie, certains assureurs se sont retirés depuis deux ans et le gouvernement fédéral est censé prendre la suite. Sur un feu de cette taille, qui a l’impact d’un ouragan – on parle de 50 milliards de dollars de dégâts -, c’est Washington qui devrait prendre la relève. Mais la somme est telle que l’on peut se demander si le gouvernement fédéral sera en mesure de la débloquer. Et quid des choix de Trump dans un tel contexte ? Il me semble probable que Trump 2 renforce encore plus les injustices sociales et environnementales.La Californie, fortement touchée par ces feux, a paradoxalement la réputation d’être plutôt une bonne élève de la transition énergétique…Historiquement, c’est un des tout premiers États à se positionner sur les questions environnementales. Dans les années 1880 déjà, les premières réglementations sur le sujet apparaissent : on interdit par exemple l’extraction hydraulique qui causait des dégâts majeurs en ravageant des bassins versants entiers. Dans le domaine du transport, pensons également, plus tard, aux pots catalytiques, expérimentés dans le laboratoire californien et qui ont ensuite fait florès à l’échelle nationale et internationale.Mais on est aussi au cœur d’un paradoxe, avec cet État qui a la force de frappe économique d’un pays. Quand on regarde le scénario de transition de la Californie, certes très ambitieux et élaboré par des experts, on peut s’interroger sur les choix qui le soutiennent. Typiquement tout ce qui relève des besoins en matières premières, pourtant essentiels à une transition juste, n’est pas pris en compte. Les ressources en métaux ne sont pas quantifiées, les externalités liées à l’extraction de ces ressources ne sont pas identifiées. A certains égards, la Californie oublie elle aussi que l’économie et l’écologie sont intimement imbriquées.



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Author : Baptiste Langlois

Publish date : 2025-01-12 08:30:00

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