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Mark Burnett, l’homme sans qui Donald Trump n’aurait jamais été président

Le producteur de "The Apprentice" Mark Brunett en compagnie de Donald Trump, en 2004.




Il suffit parfois d’une seule idée pour changer une vie et devenir immensément riche. Mark Burnett, 64 ans, en sait quelque chose. Voilà deux décennies, c’est lui qui a inventé l’émission de télé-réalité The Apprentice, qui a relancé la carrière déclinante de Donald Trump et placé ce dernier sur une rampe de lancement vers la réussite que l’on sait. Depuis, Burnett, fils d’ouvrier né dans la banlieue est de Londres, a accumulé une fortune évaluée à 500 millions de dollars. Pas mal pour un ancien parachutiste de l’armée britannique engagé dans la guerre des Malouines (1982) à l’âge de 22 ans, devenu vendeur de tee-shirts sur la promenade de Venice Beach, à Los Angeles, puis, dans les années 1990, producteur de télévision à Hollywood.”Trump passait pour un mariole”A l’époque, Burnett – dont l’itinéraire est raconté par le journaliste d’investigation Patrick Radden Reefe dans le formidable Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! publié ces jours-ci chez Belfond – n’est encore qu’un producteur parmi d’autres. Cependant, en 1997, il découvre le programme de télé-réalité suédois Expedition Robinson. Il en rachète les droits et s’empresse de le renommer Survivor l’année suivante – la version française, lancée en 2001, s’appelle Koh-Lanta. L’émission est un carton d’audience. “Burnett était un second couteau à Hollywood mais ce triomphe a fait de lui un oracle du divertissement”, explique Patrick Radden Reefe. Quelques années passent et Burnett, qui a les dents longues, invente un nouveau concept : Survivor, mais en ville. Des candidats se disputeront un poste dans une entreprise. La jungle urbaine, en somme. Titre de l’émission ? The Apprentice (L’Apprenti). Pour tenir le rôle du grand patron, Burnett a besoin d’une “incarnation”. Des chefs d’entreprise de l’establishment new-yorkais sont approchés. Ils refusent.Le producteur pense alors à un certain Donald Trump. Célèbre depuis les années 1980, il a façonné son personnage grâce au best-seller The Art of the Deal. Depuis, son empire immobilier vacille. Accumulant les faillites, il est pour ainsi dire un has been. “En 2003, il n’était plus qu’un énergumène cantonné à la scène locale, fréquent objet de risée du tabloïd new-yorkais Page Six”, rappelle à L’Express Radden Reefe qui, le premier, s’est intéressé au rôle de Burnett dans la vie de Donald Trump. “Il passait pour un mariole, surtout connu pour sa drôle de coupe de cheveux, ses faillites en séries et les robinets en or de son appartement sur la 5e Avenue, dont tout le monde savait qu’ils étaient ‘fake’.” D’abord, Trump hésite, comme il l’a raconté dans les années 2000 : “Je ne voulais pas avoir des caméras partout dans mon bureau quand je discute avec des entrepreneurs, des politiciens, des mafieux et tous les autres types avec qui je dois parler business. Vous savez, les mafieux n’aimeraient pas qu’il y ait des caméras partout dans la pièce quand ils me parlent.”Il invente aussi la punchline “Tu es viré !”Ça tombe bien, le concept de The Apprentice n’a pas grand-chose à voir avec la réalité. Au contraire, l’émission est hautement scénarisée, avec des répliques écrites à l’avance et une mise en scène digne d’un mauvais téléfilm. Tenté, Trump accepte la proposition de Burnett. Indiscipliné, il se montre incapable de respecter le script. Abrasif, il est capable de jeter à la figure d’un candidat : “John, ne le prends pas mal, mais tout le monde te déteste, okay ?” Disruptif mais créatif, il invente au passage la punchline “Tu es viré”, marque de fabrique de l’émission. “Trump appartient à la même catégorie que l’ancien président des Philippines Rodrigo Dutertre qui traitait le pape de ‘fils de pute’, juge Patrick Radden Reefe. A la télé, les personnalités transgressives sont irrésistibles. Vous les écoutez, votre cœur se met à battre un peu plus vite et vous en redemandez.””Le concept de The Apprentice repose sur une d’arnaque”Donald Trump crève l’écran. Mais travailler avec lui n’est pas une sinécure. “Comme il ne suivait pas le déroulé du jeu au jour le jour, le magnat de l’immobilier arrivait régulièrement peu préparé pour la séquence finale”, rembobine celui qui est aussi l’une des plumes du prestigieux New Yorker. “Sans trop savoir quel candidat avait tiré son épingle du jeu, il devait prononcer la fameuse phrase : ‘Tu es viré’. Parfois, un postulant se distinguait pendant les épreuves, ce qui n’empêchait pas Trump de le renvoyer sur un coup de tête.” Dans ces cas-là, les monteurs étaient obligés de “rétroconcevoir” l’épisode, passant en revue des centaines d’heures de rushs pour mettre en avant les rares moments où le candidat avait pu commettre une gaffe. “Ce genre de tour de passe-passe est habituel dans l’industrie de la téléréalité. Toutefois, le concept de The Apprentice reposait sur une sorte d’arnaque.”Mark Burnett – également producteur de The Voice – avait initialement prévu de changer de présentateur chaque année, mais il décide de fidéliser Trump. Pendant les dix saisons suivantes, il est l’unique vedette de The Apprentice. Burnett et Trump s’associent à 50-50 et multiplient les placements de produits dans l’émission, ce qui leur rapporte des millions de dollars. Trump en profite aussi pour promouvoir ses propriétés, l’une après l’autre. L’émission est tournée dans l’un de ses appartements de la Trump Tower, qu’il loue à la production. Les candidats organisent des événements au Trump National Golf Club, où ils vendent l’eau en bouteille Trump Ice. Et l’équipe gagnante de la saison 1 remporte le droit de séjourner et de jouer au casino Trump Taj Mahal d’Atlantic City, suivie par des caméras (l’établissement, en faillite, a définitivement fermé ses portes peu après).Saison après saison, l’image de Donald Trump évolue et s’installe dans l’imaginaire des Américains. Les cadreurs de l’émission filment leur vedette en contre-plongée, façon Leni Riefenstahl. “Trump dominait le téléspectateur”, lit-on dans Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! Ses apparitions étaient chorégraphiées pour un effet maximal, sur fond de musique sombre, à base de batterie et de cymbales électroniques. La “salle du conseil” – le décor dans lequel Trump décidait quel candidat renvoyer – baignait dans le clair-obscur menaçant d’un remake du Parrain. Et l’on voyait Trump faire visiter aux participants son appartement rococo au sommet de la Trump Tower en déclarant : “Je montre cet endroit à très peu de gens. Des présidents, des rois…” Dans le petit monde des tabloïds où il avait longtemps évolué, Trump avait toujours été “Donald”. Grâce à The Apprentice, il est enfin devenu M. Trump.Voleurs ! Escrocs ! Bandits ! de Patrick Radden Keefe (éd. Belfond)”Il incarne l’idée que les pauvres se font des riches”, dira l’essayiste Fran Lebowitz. Le financier Jonathan Braun, qui a participé à la saison 1 de l’émission, ajoutera pour sa part : “L’Amérique moyenne a vu toutes ces choses clinquantes, l’hélicoptère et les éviers plaqués or, et elle a vu la personne la plus riche de l’univers. Les gens que je connaissais dans la haute finance ont compris que c’était une vaste plaisanterie.” Grace à The Apprentice, la notoriété de Donald Trump – jusque-là cantonnée à New York – atteint en tout cas tous les foyers jusqu’au fin fond du Nebraska. Auprès de Monsieur Tout-le-Monde, il passe désormais pour le “roi de Manhattan” alors qu’il est loin, très loin, d’être un acteur majeur du marché immobilier new-yorkais. Conclusion de Radden Reefe : “En définitive, sa carrière politique repose sur deux ‘fakes’ : L’Art du deal, le best-seller de 1982 qu’il n’a pas écrit et où il se fait passer pour un businessman hors pair, et The Apprentice, ce programme bidon qui lui a permis de se faire connaître de tous. Sans cette émission, Trump ne serait jamais devenu président.””Un bonimenteur de foire..”En 2015, Trump arrête The Apprentice pour se lancer en politique. La suite est connue. Après Trump 1 à la Maison-Blanche, voici la saison 2 qui démarre le 20 janvier. “Son second mandat sera comme The Celebrity Apprentice, cette version people de The Apprentice. A partir de 2008, cette variante du programme initial mettait en scène des célébrités de seconde catégorie”, sourit Radden Reefe. Anisi, Robert F. Kennedy Jr (nommé à la Santé) et l’ancien présentateur de Fox News Pete Hegseth (nommé au Pentagone) seront les célébrités de la présidence à venir.Quant au discret Britannique Mark Burnett, aujourd’hui un fervent chrétien, il vient d’être nommé émissaire du président au Royaume-Uni. Un poste dont les contours restent flous. A New York, Patrick Radden Reefe soupire : “Il restera surtout dans les annales pour avoir offert à un bonimenteur de foire sans cesse en faillite le rôle d’un homme qui avait le potentiel pour devenir le leader du monde libre.”



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Author : Axel Gyldén

Publish date : 2025-01-12 06:45:00

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Tags : L’Express

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