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Radio Nostalgie, ça plane pour elle : les secrets de la deuxième antenne musicale de France

En surfant sur la nostalgie des années 80, la radio réussit.




Petit matin d’hiver, semaine de rentrée scolaire. The Cure et Daniel Balavoine en guise de réveil. Douche au son de Love Is in the Air. Rapide détour par l’actualité, la mort de Jean-Marie Le Pen, les soldes, le départ de Didier Deschamps, la météo, définitivement pas terrible, surtout dans le nord de la France. On ne s’attarde pas, quatre minutes maximum, le temps d’un café, à peine d’une tartine, on enchaîne avec Indochine et leur Trois nuits par semaine, une petite tranche de publicité, place à Whitney Houston. Pendant que les antennes généralistes réveillent leurs auditeurs à coups de chroniques, interviews, débats, d’invités politiques ou économiques qui décrivent un monde au bord du gouffre, Radio Nostalgie décline une partition bien à elle, faite de “musique et de bonne humeur”. De la chanson, de la chanson et encore de la chanson. Mais pas n’importe laquelle. Essentiellement puisée parmi les titres les plus connus des années 1980. Et ça marche. De mieux en mieux.Les grincheux, qui se piquent de branchitude musicale ou sont atteints de snobisme aigu, pincent le nez à l’évocation d’une radio au nom qui sent bon la France d’avant. Mais les chiffres sont là, implacables. Chaque jour, “Nosta”, comme la désigne Xavier Laissus Pasqualini, son patron depuis douze ans, rassemble 3,6 millions d’auditeurs et la matinale de Philippe et Sandy, 1,4 million. La légère inflexion de la dernière mesure Médiamétrie (-50 000 auditeurs par rapport à la même période de 2023) n’y change pas grand-chose : Nostalgie est la deuxième antenne musicale de France, juste derrière NRJ. “Dans un univers où les acteurs se multiplient, où les audiences se divisent plus qu’elles n’augmentent, il est remarquable qu’un média historique parvienne à construire de l’audience”, applaudit Frank Lanoux, historique de la bande FM, qui a coordonné le Dictionnaire amoureux de la radio (Plon).Tout sauf “parisienne”Ces dernières années, Nostalgie a su capter les envies de l’époque, entre soif de légèreté et besoin de proximité. Peu importe que ses studios se trouvent au pied de la tour Eiffel, peu importe qu’elle soit première en Ile-de-France, Nostalgie se veut tout sauf “parisienne”. Xavier Laissus Pasqualini le répète à l’envi, à chaque entretien qu’il accorde. Dans sa bouche, le terme “parisien” n’a aucune portée géographique, il désigne ceux qui sont “loin du quotidien des auditeurs”. Nostalgie dispose de trente décrochages locaux. Et pour parfaire son image de “radio du coin de la rue”, ses animateurs, à l’instar de Philippe et Sandy, sont très Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Depuis le 10 janvier, Jean-Luc Reichmann, visage télévisuel familier des Z’amours et des 12 coups de midi, y occupe aussi une tranche tous les vendredis. Mot d’ordre pour tous : simplicité et convivialité.A l’antenne, les animateurs souhaitent bon courage à Paul et Lucie, qui sont “aides à la personne dans le Maine-et-Loire et se lèvent tôt”, ils remercient John et Lindsay qui, “depuis les quatre coins de la France”, suivent la radio sur les réseaux sociaux. Entre deux jeux permettant de gagner des places de concert ou un dîner avec une star, les auditeurs sont invités à raconter ce qui les mettait de bonne humeur à l’école. Le sujet est sans risque, les anecdotes nombreuses. On évoque le passage à la boulangerie pour le goûter, Madame Ferris, la dame si gentille qui servait à la cantine. On se moque (gentiment) de celui qui aimait essuyer le tableau avec la vieille éponge moisie, on parle corde à sauter et élastique, odeur de la polycopieuse et du pot de colle blanche. L’effet “madeleine de Proust” fonctionne à plein. De l’autre côté du poste, on se surprend à sourire.Instabilité à l’international, absence de visibilité politique en France, faits divers angoissants… Nostalgie incarne un monde familier et rassurant dans un univers qui ne l’est pas. Avec une ambition modeste : amener ses auditeurs à chantonner une ritournelle évocatrice des bons moments de leur vie. En décidant, il y a quelques années, de rajeunir sa sélection musicale pour en écarter les titres des années 1960 ou 1970 et se concentrer sur les années 1980, la radio a trouvé la martingale. Pour les quinquas qui ont grandi dans ces années-là, un titre de Mylène Farmer, de Jean-Jacques Goldman ou de Queen ravive le souvenir d’un premier amour, d’une bande de copine ou d’un concert mythique. Les premières mesures des Démons de minuit, de Nuit de folie ou d’Eve, lève-toi réveillent les images d’un mariage, d’un anniversaire ou d’une soirée d’été. On oublie que les années 1980 ont aussi été celles de l’émergence du sida, du chômage de masse et des premiers attentats pour n’en garder que les photos sépia d’une époque heureuse, celle où la famille était encore soudée, où tout était encore possible, un temps de l’insouciance que quelques notes suffisent à raviver.Une antenne au goût sucré de l’enfanceParce que les quinquas, désormais parents, ont imposé leur bande-son à leurs enfants, Nostalgie est aussi la fréquence la mieux partagée dans le cercle familial ou amical. La marque dépasse allègrement les frontières qui lui ont été désignées au sein du groupe NRJ, auquel elle appartient depuis la fin des années 1990. Sur le papier, la répartition des rôles y est claire : à NRJ, le public jeune, à Chérie FM, celui des jeunes adultes, à Nostalgie, celui des adultes. Mais à l’exception des allergiques à la publicité, Nostalgie séduit dans toutes les tranches de la population : 13 % de ses auditeurs ont moins de 30 ans et 35 % moins de 50 ans.Preuve qu’elle est une radio familiale, elle connaît un net regain de succès en été, lors des vacances et des soirées qui s’éternisent autour du barbecue, mais aussi les 24 ou le 31 décembre avec une écoute en streaming qui double ou triple pour les réveillons. Peu importe que les plus jeunes n’aient pas grandi avec Confidence pour confidence, Libertine, Sweet Dreams ou I’m Still Standing – les quatre chansons les plus programmées à l’antenne -, peu importe qu’ils les apprécient ou les détestent sur un plan artistique, l’essentiel est qu’elles ont le goût sucré de l’enfance, des tubes chantés à tue-tête sur la route des vacances et des bals du 14 Juillet.La radio n’est pas seule concernée par le retour en grâce de la nostalgie. A l’initiative de ceux qui y voient un intérêt commercial ou qui se veulent à l’avant-garde de la mode ou la culture, l’engouement pour les pastilles vintage de l’Institut national de l’audiovisuel, le succès des rediffusions d’émissions de télé comme Le Juste Prix ou le Bigdil ou les tentatives de faire revivre les R5 ou les 4L en version électrique témoignent d’un attachement renouvelé au monde d’hier. Etonnante évolution pour une notion souvent décriée. “Au XVIIe siècle, le mot a été créé pour désigner la maladie qui frappait ceux qui quittaient leur ancrage spatial. Aujourd’hui, dans un monde de progrès technologique, elle est fréquemment perçue comme régressive, comme à contretemps”, note l’historien Thomas Dodman, professeur à l’université Columbia à New York et auteur de Nostalgie, histoire d’une émotion mortelle (Seuil).Utilisée par les plus conservateurs des politiques, à l’image d’un Donald Trump et de son slogan Make America Great Again, renvoyée comme une critique aux classes populaires qui ne comprendraient pas le sens de l’histoire, la nostalgie rebute encore. “Mais elle évolue, elle est protéiforme. Les psychologues disent, par exemple, qu’elle est une émotion positive, un recadrage utile pour les personnes qui se sentent perdues”, reprend Thomas Dodman. Rester populaire sans passer pour réac, idéaliser le passé sans sombrer dans le délétère “Ah, c’était mieux avant !”, c’est à ce délicat équilibre que s’essaie Radio Nostalgie depuis plusieurs années. Et, incontestablement, ça plane pour elle…



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Author : Agnès Laurent

Publish date : 2025-01-12 09:00:00

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