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Un disparu nommé Raphaël Glucksmann : ses amitiés renouées, ses hésitations pour 2027…

Le député européen et leader de Place publique Raphaël Glucksmann aux universités d'été du PS à Blois, le 29 août 2024




Pourquoi sourit-il autant ? Voilà pourtant vingt minutes que Raphaël Glucksmann plombe l’ambiance. “Il va y avoir la guerre en Europe d’ici à 2029”, dit-il les yeux écarquillés, paraphrasant les paroles du ministre de la Défense allemand. Ce constat, il le répète à qui veut l’entendre dans ce café de la place Saint-Georges, à deux pas de chez lui. Au jeune serveur qui lui apporte son thé au miel, par exemple. Donald Trump et les menaces d’annexion du Groenland, Elon Musk et sa mission de déstabilisation des démocraties européennes… A-t-il seulement convaincu ? “Ça ne nous regarde pas”, balaie timidement son interlocuteur. “Oh si, ça va vite nous regarder !”, ironise-t-il. Raté pour cette fois. Le 20 janvier, il suivra le mouvement et quittera définitivement la plateforme X. “Néron est au pouvoir aux US”, reprend-il. “Néron”, assure-t-il – mi-fier, mi-grave – il l’a rencontré le 10 mars 2011, lorsqu’il était conseiller spécial du président géorgien, Mikheil Saakachvili. A l’époque, Donald Trump lui avait confié ses ambitions futures. “Avec quel programme ?”, avait demandé Glucksmann. “Very simple : because I am the best.” Sur le coup, il l’avait méprisé. Dans le fond, l’anecdote le fait un peu marrer. “Parce que c’est un camusien qui oppose la joie à l’absurde du monde !”, s’enflamme Saïd Benmouffok, le coordinateur Place publique de Paris. Il faut donc imaginer Sisyphe heureux…”Chaque fois que c’est compliqué, il disparaît”Raphaël Glucksmann a un problème : l’ambition le chatouille… Mais il exècre la façon dont est pratiquée la politique aujourd’hui. Notamment cette injonction faite aux personnalités de tous bords à “commenter tout, tout le temps, tous les jours”, convertis à la longue en “employés gratuits dans les chaînes d’information en continu”, voire en “chamanes de Pierre Clastres”, ces figures indigènes, analysées à la fin du XXe siècle par le sociologue, inaudibles pour le commun des mortels. Avis aux mauvaises langues – dont L’Express – qui le pensaient un tantinet disparu (a minima en retrait) durant ces dernières tractations matignonesques : “S’il n’y a pas de plus-value à ma parole, je ne parle pas”, assène celui qui assure “refuser toutes les invitations”. Un chef de parti de gauche, plus cruel : “Chaque fois que c’est compliqué, il disparaît.”Le reproche lui colle à la peau ? Il avait déjà fait le coup après les dernières législatives. Après que la dissolution a balayé son score honorable aux élections européennes (la table du café en prend un sacré coup quand il se remémore la scène), et après avoir soutenu dans la douleur le Nouveau Front populaire – rompant avec Olivier Faure, patron du PS – il avait disparu de la scène publique, parti passer quelques jours en Corse, puis profiter à pleins tubes des Jeux olympiques au Club France. Jusqu’à sa réapparition, fin août, distribuant quelques taquets à bâbord dans une interview au Point – l’initiative avait fait jaser à gauche. En privé quand il refait l’histoire, il s’estime pris dans la contradiction de sa propre doctrine. “Cet été, j’ai essayé de ne pas faire de tweet pendant deux mois. Les gens me disaient “t’as pas réagi à ça, tu t’en fous ?” J’ai alors saisi le cercle vicieux.”Qu’à cela ne tienne. A Noël, après avoir déploré qu’Emmanuel Macron ait ignoré la gauche et plaidé pour un accord de non-censure, il est parti se ressourcer une semaine dans le sud de la France. Le fan de l’AS Roma a pas mal joué au foot avec ses enfants, coupé X et lu quelques bouquins, dont Les Ingénieurs du chaos, le remuant best-seller de Giuliano da Empoli, qui trônait sur sa pile de livres. Sans doute la lecture n’a-t-elle fait que renforcer son constat : “J’ai l’impression que la classe politique française n’est pas du tout au niveau d’alerte, regrette-t-il. Ma plus-value, c’est d’expliquer que la crise politique intérieure est d’autant plus grave qu’une tempête géopolitique se profile.””Je serai un leader du camp démocrate face aux tempêtes à venir”Avec quels moyens ? “Glucksmann n’est pas dans le jeu parlementaire, or toute la politique du pays se passe à l’Assemblée, souffle un cacique socialiste. Il est loin du ballon, en tribune, coincé dans un dilemme : se taire, ou parler avec une faible valeur.” Surplomb forcé ? A l’impossible nul n’est tenu, surtout lorsque l’on ne dispose que d’un seul parlementaire national, Aurélien Rousseau. Mais les ministres sont parfois formidables. Le ministre de l’Economie Eric Lombard, par exemple, qui connaît bien Rousseau puisque ce dernier a failli le rejoindre à la Caisse des dépôts et consignations, fait parfois savoir qu’il apprécie Glucksmann, qu’il a connu peu avant de prendre ses fonctions ministérielles. Il les conviera lundi à Bercy, dans le cadre des consultations liées au budget – une première pour le parti. Place publique défendra les dépenses de santé, s’opposera aux suppressions de postes dans l’éducation, et appellera à “revoir en profondeur” la réforme des retraites, tant sur son financement que sur l’âge de départ. Rien que ça.”Allô Yannick ?” Fin novembre, le numéro de Raphaël Glucksmann s’affiche sur le smartphone de Jadot. Le premier a invité l’écolo à sa rentrée politique à La Réole, tous les deux ont bénéficié du même électorat aux européennes, et du même succès. Alors l’ancien essayiste réfléchit, tâtonne… Rêvons grand : Place publique pour diriger Paris grâce à la candidature du sénateur ? L’intéressé fait la moue, toujours pas décidé à passer la première dans la course à l’Hôtel de ville. L’idée semble, en revanche, plaire à Anne Hidalgo. Du côté de Place publique, certains démentent, d’autres assurent que l’option n’a pas été écartée.Maigre voix au chapitre, grandes aspirations. Benmouffok vient de récupérer les clés du nouveau QG de Place publique, un 100 mètres carrés en fond d’immeuble de la Rue Richer, dans le IXe arrondissement de Paris. Fini, les séances de bachotage en visio ou dans des cafés, alors que près de “200 personnes”, dixit Glucksmann, hauts fonctionnaires et autres chefs d’agence, travaillent bénévolement (le parti n’a pas de salariés) sur un programme de “15 axes et 47 sous-axes”, dont il promet d’accoucher au mois de juin de cette année. Parfois, il “crash-teste” quelques-unes de ses mesures avec des grands patrons, car “la social-démocratie qu’il veut réinventer n’est pas l’éloge de la modération”. Pour quoi faire ? Pour ne pas être pris de court en cas de nouvelle dissolution, bien sûr. “Je serai une vigie démocratique, un leader du camp démocrate face aux tempêtes qui arrivent”, tout simplement. Et pour 2027 ? “Celui qui oriente sa vie selon cette échéance n’a pas très bien compris le moment que l’on est en train de vivre.” Son entourage traduit les hésitations : “Soit il y a un espace large, le PS se libère de Mélenchon, et on tente quelque chose car seul Raphaël peut le faire. Soit c’est vicié de l’intérieur, Mélenchon met une pression telle que les socialistes se rangent derrière lui et ça devient compliqué pour nous.””Le 1er mai, il s’est passé quelque chose dans sa tête”Raphaël Glucksmann, pour l’heure, travaille et structure sa mouture, tel est le message qu’il faut faire passer. Le nombre d’adhérents de son mouvement, fondé fin 2018, a bondi de 1 500 à près de 11 000. “Le parti est au défi d’une crise de croissance”, souffle un ami de l’essayiste, alors qu’un congrès doit avoir lieu prochainement pour adapter la structure à cette nouvelle dimension. Patron d’un “mouvement de masse” – à quelques militants près -, tout un travail ! A bas bruit, quelques historiques de son parti l’estiment “trop peu unitaire” par rapport à la promesse initiale. “Le parti a changé depuis ces élections européennes, alors que je m’étais engagée dès le départ sur une idée d’union des gauches, dit Anaïta David, référente jeune qui en a claqué la porte. Certains militants qui sont restés placent de l’espoir dans ce congrès”.En privé, Olivier Faure aussi estime qu’il en fait un peu trop avec Jean-Luc Mélenchon. “Le 1er mai, il s’est passé quelque chose dans sa tête et il n’en est jamais revenu totalement”, confie-t-il aux siens, en référence au jour où Glucksmann a été évincé d’une manifestation par des militants communistes qu’il avait pris pour des insoumis. Récemment, l’essayiste a vu son bras droit, Pierre Natnaël Bussière, son spin-doctor des européennes et fidèle de la première heure, prendre du champ pour des raisons personnelles. Mais également parce que les négociations du NFP ont, chez lui, “blessé un idéal”. De ce dernier, il réutilise régulièrement la formule pour illustrer son positionnement politique : “Ni Jupiter, ni Robespierre”.Bonjour Léa Salamé, c’est Gilles Legendre. Durant l’été, l’ancien patron des macronistes à l’Assemblée, voisin de vacances de Raphaël Glucksmann, convie le couple et l’ancien conseiller d’Emmanuel Macron Philippe Grangeon, accompagné de son épouse, pour rompre le pain à Saint-Florent. L’ex-député Renaissance est ressorti “admiratif” de cette rencontre. Ainsi Glucksmann, qui revendique son dialogue avec le centre, cultive ses réseaux en Macronie déchue, et échange régulièrement avec Clément Beaune. Ce même été, Olivier Faure, dans une de leurs dernières conversations, l’avait prévenu : “Raphaël, tu ne peux pas être le candidat de l’aile droite de la gauche.” Les opposants au premier secrétaire du PS, eux, continuent de mettre en scène leur complicité avec Glucksmann. Sans oublier de l’observer. Le 18 novembre dernier, François Hollande l’a discrètement reçu à son bureau, rue de Rivoli : ensemble, ils ont discuté de l’avenir de la social-démocratie, et de la façon dont “organiser cette fraction du paysage politique” – certains espèrent opérer un rapprochement entre Place publique et le Parti socialiste. L’intéressé n’avait pas l’air très allant. Quelques mois plus tard, Raphaël Glucksmann salue les “bougés” de la direction socialiste, qui a affirmé ses distances avec Jean-Luc Mélenchon. “On est maintenant sur une même ligne politique”, se réjouit-il à propos du PS. Olivier Faure et son ancienne tête de liste ont logiquement renoué. Alors, avec les roses, “tout est sur la table, à condition qu’il y ait une ligne politique claire”, insiste-t-il.Au soir de la censure de Michel Barnier, certains ex-macronistes soufflaient son nom pour remplacer le futur ex-Premier ministre. Il n’en faut pas davantage pour que d’autres le disent instrumentalisé. Raphaël Glucksmann, lui, se cherche encore.



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Author : Mattias Corrasco

Publish date : 2025-01-12 07:30:00

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Tags : L’Express

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