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Ces inquiétantes similitudes entre Donald Trump et Vladimir Poutine, par Thierry Wolton

Donald Trump et Vladimir Poutine, le 16 juillet 2018 à Helsinki.




La fascination de Donald Trump pour les régimes forts est connue. On sait aussi, depuis la tentative d’insurrection du Sénat, le 6 janvier 2020, son attachement au processus démocratique ténu. On sait encore que les intérêts américains priment sur tout autre dans la manière dont il conçoit les rapports de Washington avec le reste du monde. Pour ces raisons, notamment, Poutine n’est pas à ses yeux le terrible “bag guy” que dénonce l’Europe. Le dictateur russe ne menace pas directement l’hégémonie américaine sur le monde puisqu’il laisse ce rôle à son allié Xi Jinping. On trouve même chez Trump de la fascination pour cet ancien agent du KGB aux manières fortes qui lui plaisent.En ces temps où le modèle démocratique est plus que jamais contesté de l’intérieur (poids des extrêmes et populisme) comme de l’extérieur (flux migratoire et extensions des dictatures à l’échelle planétaire), le système russe tel qu’il fonctionne, dirigé d’une main de fer par Vladimir Poutine, apparaît d’une stabilité enviable. L’exemplarité ne saurait toutefois être reconnue ouvertement par le nouveau locataire de la Maison-Blanche alors que ses manières, telles qu’elles s’annoncent, paraissent très “poutiniennes”.Les géants de la tech, nouveaux oligarques ?En entrant au Kremlin, en l’an 2000, Vladimir Poutine ne disposait pas des mêmes pouvoirs absolus qu’aujourd’hui. Il les a taillés à sa mesure, en premier lieu en imposant son ordre à ses seuls vrais concurrents : les oligarques qui s’étaient partagé les immenses richesses minières et pétrolières du pays sous la présidence d’Eltsine. De nos jours, plus aucun milliardaire russe n’ose ouvertement contester le maître du Kremlin, et sans doute est-il le plus riche d’entre eux. Le milliardaire Trump n’a pas pareille ambition, en revanche, il sait que les géants de la tech sont, en raison des pouvoirs d’influence qu’ils détiennent, de potentiels concurrents de son pouvoir politique. Avant même d’entrer en fonction, il s’est assuré de leur allégeance, comme Poutine l’a fait avec les oligarques, afin qu’ils comprennent qu’il ne serait pas dans leur intérêt de se dresser contre lui.Les patrons des Gafam qui dépendent de l’autorité politique à la fois pour la garantie de circulation sur le Net et pour l’accès aux marchés publics, sont vite rentrés dans le rang. Même les plus critiques d’entre eux, sur les frasques de Trump durant la campagne électorale, lui ont fait allégeance. Mieux, ils ont cédé à une obsession du nouveau président, convaincu d’une hostilité voulue des réseaux sociaux à son égard, en lui promettant des échanges moins critiques sur Internet. La comparaison avec le contrôle de Poutine sur les oligarques est d’autant plus pertinente que le vrai pouvoir n’est plus de nos jours à ceux qui détiennent les matières premières mais à ceux qui contrôlent les données numériques.Certes, Donald Trump ne dispose pas des mêmes garanties de longévité politique que Vladimir Poutine qui, lui, n’a à craindre que les Brutus de son entourage qui voudraient prendre sa place. Un parti aux ordres (Russie unie), une opposition fantôme, un pouvoir législatif inexistant, une mascarade de justice, une police politique efficace, même dans ses rêves Trump ne peut en espérer autant. Il n’est pas pour autant dépourvu de leviers de commande : son parti, les Républicains, est majoritaire au Sénat et à la Chambre des représentants, la Cour Suprême est dominée par des juges qui lui doivent leur poste, le FBI qu’il compte tenir en main peut lui servir à se venger de ceux qu’il rend responsable de sa chute en 2020, son gouvernement est composé de ministres dont l’allégeance prime sur les compétences. Voilà qui lui assure un pouvoir personnel certain.”Pré carré”Même en politique étrangère des similitudes existent entre les deux dirigeants. Poutine a justifié l’invasion de l’Ukraine au nom de l’appartenance de ce pays au même monde slave. Le dictateur russe rêve de reconstituer le glacis soviétique d’antan, tout au moins une partie, pour que son pays retrouve sa gloire passée. Les revendications de Trump sur le Groenland et le canal de Panama, ses prétentions à vouloir fusionner les Etats-Unis avec le Canada, au nom des intérêts économiques des Etats-Unis, laissent entrevoir une volonté d’élargir la zone d’influence américaine sur son étranger proche qui rappelle celle que Poutine applique sur ce qu’il estime être son pré carré. Fantasme ou provocation, les propos de Trump dénotent quoi qu’il en soit une conception des rapports de force similaire à celle du dictateur russe. L’Ukraine va rapidement en éprouver les méfaits avec une paix imposée conjointement par Washington et Moscou.Au nom du “Make Amerika Great Again”, les intérêts économiques des Etats-Unis s’annoncent sans limite. Quand Poutine considère l’Europe comme son champ d’action, Trump, lui, pense monde. Quant au rôle de trouble-fête que joue Elon Musk en s’ingérant dans la politique européenne et en apportant son soutien aux forces d’extrême droite, la méthode n’est pas sans rappeler également la politique d’influence que mène de son côté Moscou sur le Vieux Continent, dans le but de déstabiliser les démocraties en s’appuyant précisément sur les mêmes forces politiques. Si les objectifs diffèrent, leurs conséquences peuvent se révéler aussi fatales pour la fragile construction européenne.Il est rassurant de penser que Trump ne disposera jamais d’autant de pouvoirs que Poutine. L’un préside une démocratie avec ses règles de droit, en tout cas tant qu’elles sont respectées, l’autre est l’héritier d’un régime totalitaire dont il a conservé la plupart des moyens coercitifs. Toutefois, Trump est à la tête d’une puissance sans égale pour imposer ses vues au reste du monde quand Poutine, à la peine en Ukraine, n’a pas les forces nécessaires pour réaliser ses ambitions. Il est certain que les décisions que prendra le président américain pèseront davantage sur notre avenir que les velléités de puissance de l’ex-URSS, surtout s’il se désintéresse du sort du Vieux Continent. Et l’Europe, alors, de se retrouver prise en étau par ces deux dirigeants que motivent leurs seuls intérêts.* Journaliste et spécialiste du communisme, Thierry Wolton a en 2024 publié Le Retour des temps barbares (Grasset).



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Publish date : 2025-01-13 16:00:00

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